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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Le Ballet Cendrillon de Prokofiev, au piano, et quelques pièces de Henry Cowell

Prokofiev Cinderella Latchoumia

  • Sergei Prokofiev : Trois Pièces de Cendrillon, op. 95. Dix Pièces de Cendrillon op. 97. Six Pièces de Cendrillon op. 102
  • Henry Cowell : Aeolian Harp, The Tides of Manaunaun, Banshee, The Fairy Bells
  • Wilhem Latchoumia, piano
  • 1 CD La Dolce Volta : LDV54 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 60 min 37 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

Pendant qu'il écrit son ballet Cendrillon, Serge Prokofiev en adapte certains numéros pour le piano, fait compositionnel rare. Ces morceaux sont donc antérieurs aux suites d'orchestre qu'il en a tiré après la création du ballet en 1945 au Théâtre Bolchoi. Un ensemble de pièces que le pianiste Wilhem Latchoumia interprète avec autorité et finesse. Auxquelles il associe des œuvres du compositeur américain Henry Cowell. Un rapprochement curieux, mais qui fonctionne plutôt bien. Car comme le remarque Latchoumia, « qui dit récital dit avant tout récit ».

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Le ballet Cendrillon que Serge Prokofiev achève en 1944, se connaît également dans trois suites pour piano qui reprennent les moments clés de l'action : les Trois Pièces op. 95, les Dix Pièces op. 97 et les Six Pièces op. 102. Celles-ci diffèrent d'un cycle à l'autre par le caractère évolutif de l'écriture pianistique. Car entre 1942 et 1944, période durant laquelle elles ont été couchées sur le papier, le style du musicien a évolué vers une plus grande densité, à laquelle le conduisait d'ailleurs la partition d'orchestre. Et on peut dire que les dernières pièces, celles de l'opus 102, vont au-delà de l'original, par une surcharge, voire un épaississement du langage. Alors qu'elles ne respectent pas nécessairement l'ordre de l'intrigue, Wilhem Latchoumi les a mélangées pour mieux suivre cette trame. Il compose son propre schéma en trois tableaux, calqués sur les trois actes du ballet. Afin de restituer les ingrédients du conte de fée que Prokofiev a tiré de l'histoire de la pauvrette Cendrillon, lequel s'inspirait au demeurant plus de Charles Perrault que des contes de Grimm. On perçoit dans l'écriture pianistique une fausse simplicité, remarque le pianiste, et une inspiration plus proche de l'esprit Chostakovitch que de celui de Tchaikovski. Latchoumia organise son ''Ier tableau' autour des différents personnages, des fées et de Cendrillon, outre l'épisode de la pantoufle. Le ''2ème tableau'' voit l'arrivée du Prince au château et la rencontre de la jeune femme, prétexte à autant de danses évocatrices. Le ''3ème tableau'' est celui du bal et de ses danses obligées, enfin de la récapitulation avec le morceau ''Amoroso'', tiré de la dernière série op.102, illustrant les noces de Cendrillon et du Prince charmant dans un mirifique foisonnement.

À ces pièces de Prokofiev, sont associées quatre œuvres de Henry Cowell (1897-1965). La première ''Aeolian Harp'' est intercalée entre deux morceaux du Ier tableau, la 2ème, ''The Tides of Manaunaun'', ouvre le second tableau, et la troisième, ''Banshee'', le conclut. Tandis que la dernière, ''The Fairy Bells'', fait office de péroraison au dernier tableau, sorte d'épilogue. L'écriture de l'américain est on ne saurait plus différente de celle du russe, en rupture. C'est sans doute ce qui a conduit Latchoumia à procéder de la sorte. Car la manière est pour le moins originale, qui « joue des notes blanches rubato sur les cordes », remarque-t-il. C'est-à-dire que l'interprète joue directement sur les cordes du piano, qu'il frotte ou sur lesquelles il opère une manière de glissement, le tout élargi par l'appui continu sur la pédale forte. Ce qui produit un effet de résonance amplifiée, interstellaire. Voilà en tout cas une diversion intéressante, si pas complètement convaincante, du moins au disque, car l'impression pouvait être différente au concert, où l'expérience aurait d'abord été menée. 

Les interprétations de Wilhem Latchoumia sont en tout cas idiomatiques dans l'un et l'autre cas. S'agissant de Prokofiev, on salue une technique sûre sans trop d'effet percussif, de la part d'un pianiste qui se dit impressionné par le jeu athlétique de Prokofiev lui-même. Les difficultés accumulées à l'envi, il se joue de leur complexité. L'ironique ou l'expansif, il les manie avec doigté, comme il possède la poétique de ces musiques, là où le jeu se fait allégé comme dans la valse ''Cendrillon va au bal'' (op. 102/4). Enfin, la dramaturgie de ce langage n'a pas pour lui de secret au fil de morceaux extrêmement rythmés (''Intermezzo'' op.95/1), ou plus apaisés, d'un calme apparent (''Valse lente'' op.95/3). 

L'enregistrement, dans la Grande salle de l'Arsenal de Metz, est aéré, naturel, l'instrument bien au centre de l'image.

Texte de Jean-Pierre Robert

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