Concert : René Jacobs interprète la Missa Solemnis de Beethoven à la Philharmonie de Paris
- Ludwig van Beethoven : Missa Solemnis
- Freiburger Barockorchester
- RIAS Kammerchor
- René Jacobs, direction
- Polina Pastirchak, soprano
- Sophie Harmsen, mezzo-soprano
- Steve Davislim, ténor
- Johannes Weisser, basse
- Denis Comtet, chef de chœur
- Lundi 6 mai 2019 20 h 30
Grande salle Pierre Boulez - Philharmonie de Paris
www.philharmoniedeparis.fr
René Jacobs, durant cette soirée, offrait au public de la Grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie un monument de la musique sacrée : la splendide Missa Solemnis de Beethoven.
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C’est d’abord avec la Messe en ut datant de 1807 que Beethoven aborde sur le tard l’univers de la musique sacrée. Sa titanesque Missa Solemnis ne sera élaborée que bien plus tard en 1818 et ne sera achevée qu’en 1823, époque à laquelle Beethoven entreprend également la composition de ses derniers quatuors à cordes. Débutant par un Kyrie relativement exempt de tout excès, celui-ci va céder la place à un Gloria nettement plus offensif où la puissance de l’effectif orchestral beethovenien va révéler toute sa force presque destructrice, creusant de soudains abîmes générés par la force explosive du génie de Beethoven. Le Credo qui suivra ce Gloria agité, tumultueux, bouillonnant ne sera guère plus calme, menaçant constamment l’émergence soudaine de fracas déstabilisants et vengeurs, bien conformes à ce que l’on peut attendre d’un compositeur qui possède à son actif deux Symphonies hautement fracassantes : la Symphonie No3 « Héroïque » et la Symphonie No5. Le Sanctus et le Benedictus impressionnent par leur retenue, annonçant l’avènement de l’Agnus Dei, comme si Beethoven se préparait à jeter toutes ses forces dans cette ultime partie de sa Missa Solemnis. En effet dans cette dernière partie de sa Missa Solemnis, le compositeur déchaîne la violence et fait appel aux cuivres et aux timbales sans ménagement, concluant l’œuvre dans un élan convulsif, affirmant ainsi une volonté terrible de refus d’une conclusion apaisée. On relèvera que Beethoven par deux fois use d’un principe cher à Johann Sebastian Bach : la Fugue, introduisant ainsi au cœur de cette fascinante cathédrale sonore que constitue la Missa Solemnis un sentiment de grandeur et de solennité proprement indicible.
René Jacobs, qui ce soir-là dans la Grande salle Pierre Boulez interprétait cette vaste fresque sonore de Beethoven, avait mis toutes les chances de son côté pour mener ce vaisseau sonore à bon port.
Non seulement il avait à sa disposition quatre solistes vocaux exemplaires, mais aussi le remarquable RIAS Kammerchor et le fameux Freiburger Barockorchester, brillant ce soir de tous ses feux. La direction de René Jacobs s’avérait d’une rare efficacité, veillant constamment à unifier le complexe ensemble réunissant solistes, chœur et orchestre. Un pari remporté haut la main et plébiscité par un public enthousiaste ne ménageant guère ses applaudissements nourris. Saluons donc une interprétation se tenant dans la droite ligne de chefs adeptes de versions jouées sur instruments d’époque tels que Philippe Herreweghe, Nikolaus Harnoncourt et John Eliot Gardiner. Une soirée somme toute mémorable rendant justice à cet incroyable chef-d’œuvre imaginé à la toute fin de la vie de Beethoven : sa fantastique et souvent volcanique Missa Solemnis !
Texte de Michel Jakubowicz
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