CD : Laudario, Musique au temps de Saint François d'Assise
- Laudario di Cortona (extraits)
- Canticum Novum, dir. Emmanuel Bardon
- 1 CD Ambronay Éditions : AMY052 (Distribution: Outhere Music)
- Durée du CD : 62 min 11 s
- Note technique : (5/5)
Ce CD met en lumière le Laudario di Cortona, un manuscrit musical du XIIIème siècle italien, contenant une collection de 46 Laudes ou chants spirituels en langue vernaculaire. L'ensemble Canticum Novum en propose de larges extraits ordonnés selon un schéma en quatre parties, retrouvant le sens d'un mystère médiéval.
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Le codex musical du Laudario di Cortona appartenant au couvent franciscain de la cité de Cortone en Ombrie contient quelques 46 laudes écrites en langue italienne vulgaire. Ce sont des textes poétiques cependant, de contenu religieux, liés au développement des confréries qui en faisaient la commande, et mettant en scène les grands épisodes de la vie de Marie et des saints comme de la Passion du Christ. Ils s'inscrivent dans la suite du Cantique de Frère Soleil écrit par François d'Assise. Ils ont un lien avec le saint, car plusieurs de ces laudes ont été écrites en son honneur et parce que l'une d'elles, la laude 28, fait référence aux stigmates apparus sur le corps de François d'Assise. Ils font un large usage du langage courtois. Ils étaient chantés dans l'espace urbain, psalmodiés par des confréries franciscaines parcourant rues et places des villages, interprétant des scènes de l'Évangile. Peu avant étaient apparus les "mystères" ou mises en scène des grands épisodes de la vie du Christ ou de saints, et de dévotion à la Vierge Marie. C'est sans doute en se référant à cette dernière pratique que les présents interprètes ont conçu leur programme : offrir un certain nombre de ces Laudes en les organisant en quatre parties que sont ''Annonciation'', ''Maternité'', ''Passion'', ''Nativité''. Et ce faisant, en retrouvant l'esprit du mystère médiéval. Les chants sont entrecoupés d'intermèdes purement instrumentaux, conférant à l'ensemble une indéniable vie et renforçant le côté populaire de ces morceaux d'inspiration religieuse.
Les musiques sont calquées sur le mode grégorien quoiqu’elles s'en détachent, enrichies qu'elles sont de lignes mélodiques claires, rendant le texte plus compréhensible et à la portée de l'auditeur séculier. En cela elles préfigurent l'évolution vers un style italien plus évolué et polyphonique. Elles empruntent la forme de la ballade avec succession de quatrains de même structure versifiée, et font appel à un instrumentarium restreint dont les percussions occupent une place essentielle, ce qui donne le sentiment d'une rythmique délicatement obsessionnelle. Les chants sont souvent aussi attrayants que le sont les paroles, participant du merveilleux. Ainsi de la laude 7, dans la partie "Maternité", ''Da Ciel venne Messo Novello..." (du ciel nous vient un messager nouveau, et ce fut l'ange Gabriel). Les pièces spécifiquement instrumentales participent de figures dansées comme le Saltarello, avec un soubassement orientalisant.
On est frappé par l'intelligence dans l'agencement des pièces choisies qui offrent un continuum naturel et signifiant pour chacune des parties. Les contrastes ne manquent pas comme dans la section ''Passion'', débutée par un morceau instrumental bondissant avant un basculement dans la gravité avec la laude 23, ''Il est bien cruel et sans pitié celui qui n'est pas ému par une grande douleur". Ou encore dans la différence d'atmosphère entre la fin de cette même partie (''lamento di tristano"), d'une poignante tristesse, et le début de la suivante, ''Nativité'', entamée par un joyeux saltarello.
L'interprétation de Canticum Novum est digne d'éloges. Cet ensemble fondé par Emmanuel Bardon en 1996, est rompu aux rythmes musicaux croisés d'Orient et d'Occident, et place la notion d'interculturalité au cœur de ses projets artistiques. Il est composé de deux chanteurs, Bardon et Barbara Kusa, et de 5 musiciens jouant harpe, vielle, lyre, oud, flûte à bec, cornemuse et percussions. La beauté du phrasé, son naturel, discret ou expansif, douloureux ou joyeux, retrouve le sens de l'improvisation.
L'enregistrement offre une image intimiste pour ce qui est des deux voix, et aux fines résonances cristallines et d'un grave subtil s'agissant des accompagnements instrumentaux.
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Texte de Jean-Pierre Robert
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