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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Un trio ad hoc de belle renommée !

Renaud Capucon Kian Soltani Lahav Shani

  • Piotr Ilyitch Tchaikovski : Trio pour piano, violon et violoncelle Op. 50
  • Antonin Dvořák : Trio pour piano N° 3 op. 65
  • Renaud Capuçon, violon, Kian Soltani, violoncelle, Lahav Shani, piano
  • 1 CD Erato : 0190295525415 (Distribution : Warner Classics)
  • Durée du CD : 78 min 27 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

Ce CD réunit deux œuvres essentielles du répertoire de trio pour piano et cordes, au demeurant contemporaines, de Tchaikovski et de Dvořák. Données dans des interprétations superlatives captées en concert lors du festival de Pâques d'Aix-en Provence. Magistral !

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Tchaikovski compose son Trio pour piano, violon et violoncelle op. 50 en 1882, qu'il dédie "à la mémoire d'un grand artiste". Celui-ci est son ami le pianiste Nikolai Rubinstein, fondateur du conservatoire de Moscou. Pour ce qui sera sa seule incursion dans le genre du trio avec piano, il écrit une œuvre d'une envergure comparable au Trio à l'Archiduc de Beethoven. Et qu'il organise en deux parties. La première, intitulée "Pezzo elegiaco'', impose d'emblée un sentiment de mélancolie dans son thème initial amorcé par le violoncelle, rejoint par le violon et le piano. Ce dernier assurera une assise solide aux deux cordes au long d'un mouvement qui voit se succéder de fréquents changements de rythmes et de climats. Comme la mélopée lyrique entamée par le violon à laquelle répond le chant du cello, ou plus loin cet hommage passionné, d'une profondeur abyssale des deux cordes sur une série d'accords doux au clavier. On passe de l'excitation au tragique à l'aune des dernières pages où tout finit dans un émouvant diminuendo. Le ''Tema con variazoni'' occupe la seconde partie. Le thème simple et serein est énoncé par le seul piano. Il est suivi de 12 variations. Celles-ci prennent un caractère dansant, celui de la valse ou de l'improvisation libre, ou ont un relent délicatement militaire, presque humoristique, comme il en est de la marche des enfants au début de La Dame de Pique. D'autres expriment la passion ou l'exaltation de manière presque bondissante. D'autres encore sont plus sombres, comme l'avant-dernière. L'ultime variation s'enflamme, vraie atmosphère de fête, digne du finale de la Quatrième Symphonie. Mais la coda infléchit le ton par la reprise du premier thème du début de la pièce, intense et tragique dans les toutes dernières mesures de discrète marche funèbre. Ces morceaux diversifiés révèlent partout l'écriture étincelante de Tchaikovski, qui dément les scrupules qu'il avait pour se plier aux difficultés de ce genre musical. Ils bénéficient de l'élégance qu'y mettent les présents interprètes.

Le Trio N°3 pour piano, violon et violoncelle op. 65 de Dvořák date de l'année suivante, 1883. Le compositeur tchèque est partagé entre deux influences, celle de la musique populaire, de sa Bohème natale, et celle de Brahms et le souci de rigueur formelle. En tout cas, le ton est dramatique. Ainsi de l'Allegro ma non troppo qui installe un discours intense des trois instruments. Toute une dramaturgie s'y met en place avec des accents souvent volontaristes, emplis de tensions, voire de heurts. Mais le développement laisse apparaître un lyrisme qui ne demande qu'à proliférer. L'Allegretto grazioso est un scherzo, intermède au lyrisme allègre sur une assise de mélodie populaire, initiée par le piano. Le passage en trio se différencie pour un ton plus détendu chantant le pays natal. Au Poco adagio, l'effusion prend un aspect plus mélancolique, introduit par la vibrante mélodie du cello sur des accords majestueux du piano, rejoint en canon par le violon. Là encore, l'écriture fusionnelle pour les trois voix est un modèle, où se côtoient des plages d'énergie et de gravité, cette dernière concluant dans une douce tristesse. Le finale "con brio" contraste par sa vivacité, bâti sur la danse tchèque du "furiant" et sa scansion marquée. Il sera traversé par des moments plus lents et gorgés de mélodie populaire, jusqu'à une ample et glorieuse conclusion. Là où nous transportent les trois interprètes de ce mémorable concert. 

C'est qu'ils forment un ensemble de vrais chambristes, plus que trois solistes simplement réunis pour l'occasion. Le réel plaisir de faire de la musique ensemble, ajouté à la qualité instrumentale de chacun : le violon solaire et combien expressif de Renaud Capuçon, le cello aux sonorités enveloppantes de Kian Soltani, un des partenaires attitrés désormais de Daniel Barenboim, et le piano souverainement ductile, tour à tour délicat et comme emporté de Lahav Shani, par ailleurs aussi chef d'orchestre. Trois musiciens au sommet de leur art fusionnant leurs sensibilités. Au sein d'une discographie bien remplie des deux œuvres, et pour un intéressant couplage, voici assurément des interprétations de premier plan. 

Le plaisir est décuplé par la qualité de l'enregistrement live à la salle du Conservatoire Darius Milhaud d'Aix-en-Provence, durant le Festival de Pâques 2018 : une image quasi idéalement équilibrée entre les trois voix, à la fois claires et aérées, comme d'une vraie immédiateté. More please de cette source festivalière chapeautée par Renaud Capuçon ! 

Texte de Jean-Pierre Robert

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Disponible en téléchargement sur Amazon



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