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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : le violon concertant de Bach sous l'archet souverain d'Isabelle Faust

Bach Concertos violon Isabelle Faust

  • JS. Bach : Concertos pour violon, cordes et basse continue BWV 1041 & 1042. Concerto pour deux violons, cordes et basse continue BWV 1043
  • Concertos pour violon, cordes et basse continue BWV 1052R. Concerto pour violon, cordes et basse continue BWV 1056R. Concerto pour hautbois, violon, cordes et basse continue BWV 1060R
  • Ouverture/Suite N° 2 pour violon et cordes BWV 1067
  • Sonate en trio pour hautbois, violon et basse continue BWV 527. Sonate en trio pour deux violons et basse continue BWV 529
  • Sinfonia de la cantate " Ich liebe den Höchsten von ganzem Gemüte" BWV 174. Sinfonia de la cantate " Ich hatte viel Bekümmernis" BWV 21. Sonate de la cantate "Himmelskönig, sei willkommen" BWV 182. Sinfonia BWV 1045
  • Isabelle Faust, Bernhard Forck, violon
  • Xenia Löffler (hautbois et flûte recorder), Jan Freiheit (violoncelle), Raphael Alpermann (clavecin)
  • Akademie für Alte Musik Berlin, dir. Bernhard Forck
  • 2 CDs Harmonia Mundi : HMM 902335.36 (Distribution : PIAS)
  • Durée des CDs : 67 min 03 s + 75 min 56 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Poursuivant son exploration au disque des œuvres de JS. Bach confiées au violon, après les Sonates et Partitas et les Sonates pour violon et clavecin, Isabelle Faust se tourne vers les pièces concertantes : les deux concertos et le concerto pour deux violons, mais aussi plusieurs autres connus pour le clavecin dont l'origine est, à n'en pas douter, le violon. Comme il en est d'autres compositions chambristes, réunies sur ces disques. Fruit de patientes recherches, cette anthologie est aussi enrichissante que plaisante eu égard à la haute qualité d'interprétation de la violoniste et de ses partenaires de l'Akademie für Alte Musik Berlin.

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L'œuvre concertante pour le violon de JS. Bach ne saurait se limiter aux trois concertos bien connus et maintes fois enregistrés, alors que le Cantor portait le plus grand intérêt à l'instrument dont son fils CPE Bach relate qu'il le jouait "avec une sonorité pure et pénétrante". De longue date, les spécialistes de Bach estiment qu'il a écrit d'autres œuvres pour le violon. Isabelle Faust s'inscrit dans ce sillage pour "assigner au violon des rôles différents en élargissant le plus possible la palette sonore et la variété des formes - de la sonate en trio au double concerto en passant par l'Ouverture et la Sinfonia instrumentale". Ainsi, plusieurs concertos pour le clavecin trouvent-ils leur source dans des œuvres conçues à l'origine pour le violon. Au fil de ces deux disques généreux est présenté un panorama exhaustif du violon concertant de Bach.

À tout seigneur... les concertos pour violon BWV 1041 & 1042 qui datent de la période de Köthen, ont été écrits dans les années 1729/1730 pour une petite formation dont Gottfried Zimmermann était le mentor, outre ses fonctions d'aubergiste. Le Concerto pour violon BWV 1041 en la mineur est célèbre pour la transparence de son écriture contrapuntique, notamment dans son premier mouvement. Pris ici très allant et très raffiné par Isabelle Faust et les musiciens de l'Akamus. L'Andante dispense des harmonies audacieuses, ce qu'Isabelle Faust enrichit d'un jeu aux larges contrastes dynamiques. L'Allegro assai est une gigue fuguée, écrin magistral pour une partie soliste croissant en intensité dans un rythme soutenu. Le Concerto pour violon BWV 1042 en mi majeur est d'une écriture tout aussi ciselée que le précédent. Il bénéficie avec Isabelle Faust d'une exécution d'un grand naturel par un respect scrupuleux du tempo et des accents. Ainsi des mouvements extrêmes, alertes, dans une souple rythmique. Tandis que l'Adagio développe une profonde déploration par l'archet inspiré de la soliste et l'ostinato de la basse continue d'une phalange stylée. Le Concerto pour deux violons et cordes BWV 1043, en ré mineur, s'il focalise sur les deux solistes, met aussi en valeur d'autres instruments tout en préservant à l'ensemble concertant un réel équilibre. Un Vivace l'entame de sa fière ritournelle, les deux violons s'y inscrivant dans un continuum irrésistible. L'exécution bondissante d'Isabelle Faust et de Bernhard Forck offre une clarté exemplaire. Le Largo dispense un chant inextinguible et émouvant des deux voix solistes. Pris extrêmement rapide, l'Allegro final est étourdissant, ses diverses sections emboîtées les unes dans les autres de manière fort imaginative.

Isabelle Faust
Isabelle Faust ©DR

Le Concerto pour violon, cordes et basse continue BWV 1052R en ré mineur est joué ici comme reconstruction du Concerto de clavecin et cordes. Singulier destin de cette œuvre qui, de par l'écriture brillante de la partie soliste, laisse à penser qu'elle est déjà elle-même la transcription d'un concerto de violon disparu. Son style concertant atteint une rare concentration et la "version" pour violon reconstruite dévoile un monde proche des autres concertos connus pour l'inventivité de l'écriture polyphonique. Comme il en est du premier mouvement pour lequel Faust et consorts adoptent un tempo très alerte. Comme aussi de l'Allegro conclusif et de sa partie soliste que transfigure la manière irrésistible de Faust, qui passée une mini cadence, termine dans un trait d'une fabuleuse brillance. Pareillement, le Concerto pour violon, cordes et basse continue BWV 1056 R, ici une transcription du Concerto pour clavecin et cordes, trouve vraisemblablement son origine dans un concerto de violon. Ce que laissent à penser l'entrelacs raffiné de l'instrument solo dans le contrepoint des cordes au premier mouvement, l'épanchement de celui-ci au Largo, ou encore l'écriture très engagée du Presto final et ses accords sautillants. Le Double concerto BWV 1060, joué ici avec hautbois et violon, cordes, et basse continue, connu dans sa version pour deux clavecins, offre des parentés avec le Double concerto de violon BWV 1043 : un dialogue d'égal à égal entre les deux voix se fondant dans la ritournelle des cordes, comme il en va à l'Allegro initial. De son thème aisé, l'Adagio qui fait aussi dialoguer le hautbois en répons avec le violon, respire la sérénité d'une méditation. Cette belle harmonie se poursuit à l'Allegro final dont le tempo soutenu exprime une joie sans limite. Là encore, la partie de violon telle que la conçoit Isabelle Faust est proprement étourdissante.

Akademie fur Alte Musik Berlin
Akademie für Alte Musik Berlin ©DR 

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Isabelle Faust et ses partenaires ont inscrit également à leur programme l'Ouverture/ Suite N° 2 BWV 1067. Datant des dernières années de Bach à Leipzig, cette œuvre est connue avec flûte solo. Elle offre des traits communs avec les concertos de violon. La virtuosité de l'instrument soliste peut laisser à penser à une composition pour cet instrument. En tout cas, la présente version autorise une belle fluidité notamment dans l'ouverture proprement dite où le violon dialogue avec les cordes comme dans un concerto. Singulièrement dans le tempo vif adopté par Isabelle Faust. Les diverses danses sont jouées avec une belle dose d'imagination : un Rondeau souplement rythmé à la française, une Sarabande expansive au charme nostalgique, deux Bourrées piquantes par leur allure extrêmement enjouée, une Polonaise bien marquée dans son staccato, un Menuet d'une délicatesse toute française, enfin une Badinerie d'une folle drôlerie, galopante dans la présente exécution. À l'autre extrémité du spectre musical, les Sonates en trio pour orgue BWV 527 & 529 ont vraisemblablement connu une version originelle pour trio instrumental. Le présent enregistrement propose un arrangement pour hautbois, violon et basse continue de la Sonate BWV 527 qui restitue à la pièce toute sa modernité, celle de l'utilisation d'instruments mélodiques. Pareillement, la Sonate BWV 529, exécutée ici par deux violons et basse continue, retrouve sa manière chambriste dans le dialogue des deux parties supérieures tant dans les mouvements externes joués vifs, qu'à l'Adagio médian installant une réflexion plus méditative, que l'échange entre les deux voix enrichit singulièrement.

Cette collection propose encore des arrangements pour violon concertant d'autres morceaux comme la Sinfonia de la cantate BWV 174 où cordes et vents (cors, hautbois) s'unissent tout en laissant la primauté aux premières. La Sinfonia de la cantate BWV 21, d'une mélancolie rêveuse, donne au violon et au hautbois l'occasion de tisser un dialogue expressif sur un tapis des cordes graves. La Sonate introductive de la cantate BWV 182 pour flûte recorder, violon, cordes et basse continue offre un adagio où concertent le violon et la flûte. Enfin, la Sinfonia BWV 1045 est l'introduction instrumentale d'une cantate perdue, remontant aux années 1745, pour un effectif substantiel de "4 Voici". Sa reconstruction offre ici une partie de violon hyper virtuose.

Benrhard Forck
Bernhard Forck ©Adam Walanus

On l'aura compris, le mérite de cet album réside autant dans la qualité des interprétations que dans le travail méticuleux de reconstruction d'œuvres dont la mouture originale pour violon a disparu. Celui-ci, opéré par la violoniste et son confère Bernhard Forck, premier violon de l'Akamus, se signale par la sagacité des arrangements, la fidélité à l'esprit des pièces connues, auxquelles le violon apporte une sonorité plus mélodieuse car "capable d'émettre et de soutenir des sons de longue durée", relève Isabelle Faust, comme il est apte à exécuter des ornementations extrêmement virtuoses. Ainsi, en replaçant les trois concertos de violon bien connus dans le voisinage de compositions dont la première mouture pour violon a été reconstituée, l'entreprise contribue-t-elle à élargir le répertoire et sa grande richesse formelle et stylistique. La beauté des exécutions est une autre joie. Outre le son lumineux de l'instrument joué par Isabelle Faust, un Jacobus Stainer de 1658, on est séduit par l'imagination du phrasé, l'originalité des accents, comme par le naturel du jeu qui transcende l'idée même de virtuosité. Une manière "transparente" qui ne cherche pas l'effet. Toutes qualités que partagent les musiciens de l'Akademie für Alte Musik Berlin, sous la houlette tout aussi avisée du violoniste Bernhard Forck. 

Les enregistrements effectués au Teldex Studio de Berlin offrent une image parfaitement naturelle et immédiate procurant une quasi idéale balance entre les diverses voix. 

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Texte de Jean-Pierre Robert

CD disponible sur Amazon



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