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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : "Si j'ai aimé", mélodies orchestrées du XIXème

Sandrine Piau

  • Camille Saint-Saëns : Extase. Papillons. Aimons-nous. L'Enlèvement
  • Charles Bordes : Promenade matinale
  • Hector Berlioz : Au cimetière. Villanelle (extraits des Nuits d'été)
  • Jules Massenet : Le Poète et le fantôme.
  • Théodore Dubois : Si j'ai parlé...si j'ai aimé. Promenade à l'étang. Sous le saule (extrait des Chansons de Marjolie)
  • Louis Vierne : Beaux papillons blancs (extraits de Trois mélodies op. 11)
  • Alexandre Guilmant : Ce que dit le silence
  • Jean-Paul-Egide Martini : Plaisir d'amour
  • Pièces instrumentales de Gabriel Perné, Massenet, Henri Duparc & Benjamin Godard
  • Sandrine Piau, soprano
  • Le Concert de la Loge, violon et dir. : Julien Chauvin
  • 1 CD Alpha : Alpha 445 (Distribution : Outhere music)
  • Durée du CD : 59 min 25 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

La mélodie française, à partir du milieu du XIXème, s'échappe du salon pour s'épanouir dans la salle de concert et se vêtir de parure orchestrale. Bien des pépites vont éclore sous la plume des musiciens qui puisent à des sources littéraires sûres. Elles sont peu à peu redécouvertes grâce au travail de recherche et d'édition de la Fondation Palazzetto Bru Zane. Sandrine Piau nous en dévoile quelques-unes avec la complicité du Concert de la Loge, dont le jeu sur instruments d'époque leur apporte des saveurs insoupçonnées. Des moments miraculeux.

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Sandrine Piau, qui se plaît à rappeler sa passion pour le répertoire français des XIXème et XXème avant même son immersion dans le baroque, a réuni une quinzaine de mélodies autour des thèmes du souvenir, du désir et de la séduction. Le propre de ces œuvres est de mettre en valeur la voix, comme il en était avec le piano, sans la noyer sous un flot sonore. Aussi les compositeurs allègent-ils l'écriture à travers de subtils alliages instrumentaux et des harmonies raffinées. La qualité des textes en est démultipliée. Surtout qu'il est fait appel à des auteurs qui chantent la langue avec bonheur comme Gautier, Samain, de Banville, Verlaine ou Hugo. Les musiciens les plus en vue comme Saint-Saëns et Massenet, à la suite de Berlioz, s'y sont attachés, comme d'autres, aujourd'hui remis en lumière : Dubois, Bordes ou Vierne. Un nouveau genre est né, cultivant avec tact l'Ars gallica. Le bouquet proposé ici fait sens aussi bien musical que poétique.

C'est sans doute Berlioz qui le premier a pensé la mélodie pour l'orchestre avec Les Nuits d'été (1843-1856). Sandrine Piau en donne deux : "Au cimetière" et "Villanelle". Son timbre de soprano léger comme les tempos choisis par Chauvin leur apportent une touche singulière : une pédale pianissimo des cordes et des accents fantomatiques dégageant une ineffable tristesse dans la première, un tempo alerte, joliment trottinant dans la seconde. Ces sonorités étranges épousent au mieux la ligne vocale et le texte de Théophile Gautier. Saint-Saëns puise chez Hugo sa mélodie "Extase" qui s'écoule tendrement sur un orchestre assagi duquel se détachent délicatement les arpèges de la harpe. Comme "L'Enlèvement" où le tempo scandé se fait volontariste, piquant même, digne de Berlioz. Dans "Papillons", la voix s'unit aux volutes de la flûte en des arabesques tout aussi aériennes. De Massenet, la mélodie "Le Poète et le fantôme", qui fait là aussi intervenir la harpe, montre la généreuse modulation vocale d'une pièce dont l'auteur resté anonyme n'en laisse pas moins un poème intéressant.

La délicatesse et le raffinement ne sont pas l'apanage des seuls musiciens passés à la postérité. Leurs collègues moins célébrés depuis, même si pour certains fort prisés de leur temps, ont participé à cet épanouissement du chant français. C'est le cas de Théodore Dubois. Sa mélodie "Si j'ai parlé... si j'ai aimé", sur un texte de Henri de Régnier, est un petit bijou de poésie aux chatoyantes couleurs. "Promenade à l'étang" (Samain) offre vocalité plus ample, dotée d'un bel éclat en seconde partie, mais une péroraison sur un fil de voix. "Sous le saule" (Louis de Courmont) propose un dialogue empli de sous-entendus entre un seigneur et une jeune et farouche belle, la jolie Marjolie. Louis Vierne, dans "Beaux Papillons blancs", tresse une mélopée troublante qui a quelque chose d'aérien, pour en traduire l'esprit métaphorique. Alexandre Guilmant (1837-1911), bien oublié, avec "Ce que dit le silence" et son refrain, fait son héros contempler la solitude "Bien loin des bruits du monde". Le récital se conclut sur une pièce plus ancienne, clin d'œil de la chanteuse à son autre répertoire, avec "Plaisir d'amour" de Jean-Paul-Égide Martini (1741-1816), orchestré par Berlioz.

On a ajouté quelques compositions purement instrumentales qui sont autant de régals. De Gabriel Pierné (''Chansons d'autrefois", douce miniature sur un rythme délicieusement balancé des cordes), de Duparc, auteur à la solide réputation de mélodiste ("Aux étoiles"), de Massenet ("Valse lente", si nostalgique dans son orchestration majoritairement aux cordes que réchauffent le hautbois et un joli solo de violon), et enfin de Benjamin Godard : le "Grave" de sa Symphonie Gothique op. 23 est d'une gravité effectivement insoupçonnée, sur un rythme de choral. 

C'est peu dire que la voix de Sandrine Piau fait merveille : la fraîcheur du timbre n'a d'égal que le naturel de la diction, la retenue que l'empathie avec des musiques aimées. Quel art de la nuance, du mot juste, de la parfaite intonation. Le raffinement, mieux : l'élégance, de la partie orchestrale, est un pareil ravissement, en particulier dans le traitement des cordes, et plus spécialement des violons I jusqu'au plus ténu pppp. On sait gré à Julien Chauvin de sa manière sensible, combien pensée dans le dernier détail, et aux musiciens du Concert de la Loge d'une texture plus que transparente et d'une palette de couleurs diaphanes apportant à toutes ces musiques leurs meilleurs atours.

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L'enregistrement, dans la Grande Salle de l'Esplanade de la cité musicale de Metz, par les soins de Nicolas Bartholomée, est de la même veine d'exception : aéré, et la voix bien centrée et dans un juste équilibre avec l'orchestre. 

Texte de Jean-Pierre Robert

Disponible sur Amazon en CD et MP3



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