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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Issé, Pastorale héroïque de Destouches

Isse Pastorale Heroique

  • André Cardinal Destouches : Issé. Pastorale héroïque en un prologue et cinq actes. Livret d'Antoine Houdar de La Motte
  • Édition réalisée par le Centre de Musique Baroque de Versailles à partir de la version remaniée de 1724
  • Judith van Wanroij (Issé), Mathias Vidal (Apollon), Thomas Dolié (Hylas), Chantal Santon-Jeffery (Doris), Matthieu Lécroart (Pan), Eugénie Lefebvre (une Nymphe, une Dryde), Étienne Bazola (Le Grand Prêtre), Stéphen Collardelle (un Berger, Le Sommeil, l'Oracle)
  • Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles, dir. Olivier Schneebeli
  • Ensemble Les Surprises, dir. Louis-Noël Bestion de Camboulas
  • 2 CDs Ambronay Edition : AMY 053 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée des CDs : 57 min 08 s + 63 min 28 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Voici une première au disque. Un opéra d'André Cardinal Destouches empruntant au genre dit de la pastorale héroïque qui connut son apogée au Grand siècle. Il est interprété avec infiniment de goût par l'Ensemble Les Surprises. Une magnifique réalisation et une authentique découverte. 

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André Cardinal Destouches (1672-1749) est surtout connu pour ses opéras. La pastorale héroïque Issé, créée en 1697 à Trianon, dix ans après celle Acis et Galathée de Lully, est son premier ouvrage. Appréciée par Louis XIV, son succès est immédiat et ne se démentira pas, au point de susciter des parodies, gage de réussite. C'est que la pièce est devenue un modèle du genre. Car l'élève de Campra a vite assimilé les codes et canons de l'art lyrique. Alors que conçu à l'origine en trois actes, l'opéra sera remanié à plusieurs reprises pour aboutir, en 1724, à un canevas en cinq actes, précédés d'un prologue, l'œuvre étant retravaillée par le musicien aussi bien que par son librettiste. Celui-ci, Antoine Houdar de La Motte, s'inspire directement des Métamorphoses d'Ovide pour traiter une double intrigue amoureuse mêlant dieux et humains. La nymphe Issé est courtisée par Apollon, apparaissant sous les traits d'un berger, Philémon, au grand dam d'Hylas éconduit dans sa passion. L'intrigue secondaire transpose pareil échange amoureux chez deux personnages moins guindés. Car Doris, sœur d'Issé, qui subit les assauts de Pan, compagnon d'Apollon, cèdera aux avances de son soupirant plus vite que sa maîtresse, empêtrée dans le dédale de ses sentiments. Ce marivaudage avant l'heure a pour théâtre un cadre champêtre. Où il est question des ''Doux plaisirs dans le Bocage'' et de ''Concerts charmants''. Mais aussi de ''Sombres déserts'' qui voient les cris de désespoir de l'amant malheureux retentir sans écho. L'opéra est assorti de courts intermèdes dansés, vifs et allègres, comme ces Passepieds, Rigaudon et autre Marche, tous parfaitement intégrés à l'action.

La musique en est séduisante, dans ce style choisi typiquement flatteur du XVIIème, héritée de Lully et qui annonce Rameau. Le rôle de la petite flûte recorder y est particulièrement développé et de manière très inventive. Les airs concis et finement troussés renouvellent constamment l'intérêt. Ainsi de ''Sombres déserts'' dans lequel Hylas expose son désespoir, à l'acte III, de ''Funeste amour'', chanté par Issé à l'acte IV, ou encore de ''Chantez oiseaux'' que distille une Dryade au dernier acte, là où la voix de soprano dialogue avec la petite flûte. On y croise aussi des scènes évocatrices comme celle du sommeil au cours duquel l'héroïne avoue son penchant pour le beau berger Philémon. Librettiste et musicien ont achevé une synthèse parfaite entre esthétique et pittoresque, grandeur et innocence, dans la différentiation entre les deux couples amoureux. Le flux musical sait être volubile, truffé de jolies vocalises et de fines ornementations, et les couleurs orchestrales sont franches, notamment du fait d'un effectif instrumental allégé.

Louis-Noël Bestion de Camboulas, à la tête de son ensemble Les Surprises, offre de cette originale fable lyrique une lecture particulièrement soignée, d'une extrême délicatesse sonore et d'une spontanéité qui méritent d'être soulignées. C'est que l'enregistrement a été effectué à la suite de diverses représentations en concert données en 2018 à Montpellier, Pontoise et Versailles. Cet ensemble, fondé en 2010 et associé au label Ambronay Éditions depuis 2017, brille par ses interprétations historiquement informées. Forte ici d'une vingtaine de musiciens, la sonorité est svelte et joliment colorée, chez les bois en particulier. Pour les solistes vocaux, on a fait appel à la fine fleur du chant baroque français du moment, qui se signale par le naturel de la diction, l'élégance dans la délivrance du texte, la véracité des accents et la justesse de l'ornementation, non sans une certaine emphase. Judith van Wanroij apporte au rôle titre les prestiges d'un timbre immaculé comme les accents vrais d'une émotion non feinte. Mathias Vidal, Apollon, prête son timbre si particulier de haute-contre et une expressivité délicieusement affectée qui conviennent tant à ces pièces du baroque français. Le baryton clair de Thomas Dolié fait contraste en Hylas. De même la paire Doris, la soprano Chantal Santon-Jeffery, et Pan, le baryton Matthieu Lécroart, offrent une vocalité on ne saurait plus accomplie. Côté chœurs, les Chantres du CMBV, eux aussi peu nombreux, se signalent par la douceur de l'émission et un investissement qui ne faiblit pas.

La captation à l'Opéra royal du Château de Versailles offre une ambiance intimiste, du fait d'une acoustique un peu mate, ce qui ne messied pas à pareille pièce où le dieu de l'Olympe ne se refuse pas le plaisir de chercher sur terre commerce amoureux.

Texte de Jean-Pierre Robert

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