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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Trios de Chostakovitch, Weinberg et Dvořák par les Karénine

Trio Karenine1

  • Dimitri Chostakovitch : Trio pour violon, violoncelle et piano N° 1 op. 8
  • Antonin Dvořák : Trio pour violon, violoncelle et piano N° 4 op. 90, ''Dumky''
  • Mieczyslaw Weinberg : Trio pour violon, violoncelle et piano op. 24
  • Trio Karénine
  • 1 CD Mirare : MIR472 (Distribution : Harmonia Mundi)
  • Durée du CD : 69 min
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

Le maître mot de ce nouveau CD du Trio Karénine est de proposer trois chants de l'âme. Ils sont puisés aux sources populaires russe et slave, et réunissent ainsi Dvořák, Chostakovitch et Weinberg. Dans des interprétations hautement épurées qui hissent cet ensemble à une place de choix parmi leurs pairs. 

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Le Trio en ut mineur op. 8 de Chostakovitch paraît être sa première œuvre de musique de chambre. Écrit entre 1923 et 1925, il est d'une extrême concision et d'un seul tenant. Sa veine post-romantique le distingue du Deuxième Trio op. 67 qui verra le jour en 1944. Elle sert de cadre à une composition pourtant emplie de traits singuliers. Car ce qui est une succession d'indications agogiques diverses à partir du tempo andante dégage un souffle certain. Le piano se voit offrir une écriture très élaborée, sans doute fruit de la réutilisation des matériaux d'une sonate pour piano non achevée. On en a un bel exemple avec le passage Prestissimo fantastico, vers la fin, où le clavier drive les deux cordes. Le russo-polonais Mieczyslaw Weinberg (1919-1996), dont on assiste ces temps enfin à la renaissance, compose en 1945 son Trio pour violon, violoncelle et piano op. 24, peu après le second trio de son maître vénéré Chostakovitch, lui qui se considérait comme son élève. On y ressent toute l'horreur des atrocités de la guerre qui avait durement frappé sa famille. En quatre mouvements, l'œuvre est très exigeante pour ses interprètes. Le premier, ''Prélude & Aria'', s'ouvre par un martèlement du piano sur un chant lancinant et déclamatoire des cordes, véhémence à laquelle succède l'expression d'une plainte douloureuse. La ''Toccata'' qui suit, introduite par un piano motorique, fait office de scherzo, laissant aux cordes le soin de broder de manière moderniste. Ce mouvement est empreint d'une énergie irrépressible. ''Poem'', Moderato, est également ouvert par le chant désespéré du piano. Sur des pizzicatos du violon, le violoncelle tresse une mélopée toute aussi poignante. Cela s'anime de manière paroxystique pour se résoudre pianissimo sur un glas du piano. Le finale, Allegro moderato, emprunte au modèle sarcastique hérité du maître et ami. Les trois voix sont exploitées avec vigueur, le violoncelle en particulier sur un contrepoint du piano, que rejoint le violon en une sorte de fugue. Là encore, l'allure s'enflamme en un crescendo entrecoupé de scansions aux arêtes vives que n'aurait pas renié Chostakovitch. Quelques plages plus méditatives en interrompent le cours jusqu'à un choral ultime du piano dans le grave sur un souffle de deux cordes.

Le Trio pour piano et cordes N°4 ''Dumky'' op. 90 en mi mineur de Dvořák (1891) puise son originalité dans l'étrangeté de sa forme : une succession de six ''Dumka'', du nom d'une danse populaire d'origine ukrainienne, en lieu et place des trois ou quatre mouvements de l'approche traditionnelle cultivée dans ses trois précédents opus. Chaque danse est constituée d'une introduction lente et rêveuse qui laisse place à une explosion fébrile avant de se résoudre dans une ambiance nonchalante. De l'intime à l'emballement, voilà un mélange cher à l'auteur. Musique séduisante mais complexe aussi eu égard à ses changements incessants de rythmes et de couleurs, d'humeur même. Chacune est caractérisée par sa variété thématique, ce qui peut prendre des allures d'improvisation : ainsi de l'alerte sixième section Allegro, ou de l'énergique finale, comme effrénée, alors que pourtant marquée Lento maestoso. C'est qu'on passe de la complainte slave mélancolique à la farandole brillamment énergique, d'un lyrisme à fleur de peau à une rythmique endiablée. En tout cas, l'effet de surprise est maintenu au long des six mouvements.

Dans cette œuvre qui fut un des chevaux de bataille du Beaux Arts Trio, les Karénine apportent un sang neuf, fait d'une sorte d'objectivation de l'élément romantique et de son parfum de terroir. Ils misent sur les oppositions et les contrastes marqués entre les passages de lyrisme envoûtant et les traits rapides, entre des accents retenus et de soudaines accélérations comme précipitées. Le raffinement instrumental de chacun des musiciens apporte une indéniable spontanéité à ce qui flatte les ressources des trois instruments. Comme il en est de leur vision des deux pièces précédentes, elles aussi emplies d'élan. Après leurs disques Schumann (2016), puis Fauré, Ravel et Tailleferre (2018), chez le même éditeur, le trio français montre une riche diversité dans les répertoires abordés et surtout un revigorant bonheur de jouer.

La prise de son à la Maladrerie Saint-Lazare de Beauvais, vaste structure de bois, offre chaleur et immédiateté, avec une excellente définition instrumentale et un bon équilibre entre les trois voix. L'acoustique est intimiste, ce qui n'évite pas une légère sécheresse dans les accords finaux.

Texte de Jean-Pierre Robert

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