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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Concert : Une Finta Giardiniera pour un Jardin des Voix

LaFintaGiardiniera Academie Du Jardin des voix 1
Dans les jardins de Thiré, en août 2019 ©DR

  • Wolfgang Amadé Mozart : La Finta Giardiniera, K 196. Dramma giocoso en trois actes. Livret de Giuseppe Petrosellini
  • Le Jardin des Voix 2019 : Mariasole Mainini (Sandrina/La marquise Violante Onesti), Lauren Lodge-Campbell (Serpetta), Déborah Cachet (Arminda), Théo Imart (Ramiro), Moritz Kallenberg (Le comte Belfiore), Rory Carver (Don Anchise), Streten Manojlović (Nardo/Roberto)
  • Les Arts Florissants, dir. William Christie
  • Mise en espace : Sophie Daneman
  • Scénographie : Adeline Caron
  • Costumes : Pauline Juille
  • Conseillère artistique et dramaturgique : Rita de Letteris
  • Version de concert avec coupes
  • Cité de la musique, Paris, jeudi 14 novembre 2019 à 20 h 30 

Pour la Neuvième édition de l'Académie du Jardin des Voix, William Christie et son équipe de la Fondation Les Arts Florissants ont choisi de donner La Finta Giardiniera de Mozart. Dans une version légèrement édulcorée, joliment mise en espace et parfaitement interprétée par une troupe de sept jeunes talents emportés par l'enthousiasme du maître. Faisant de cette exécution plus qu'un concert, un ravissement de tous les instants.

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C'est à la demande du théâtre de cour de Munich que Mozart est sollicité en 1774 pour écrire un opéra sur un sujet qui venait d'être traité par un autre compositeur alors en vogue, le napolitain Pasquale Anfossi. Pour ce qui est déjà son huitième ouvrage lyrique, Mozart se doit donc de travailler sur un livret qui lui est imposé et se mesurer à l'œuvre d'un autre. Si le style galant reste de mise, la maîtrise dramatique du jeune prodige l'emporte pour faire d'une intrigue passablement embrouillée une pièce qui ne manque pas de charme non plus que de consistance finalement. Car là où le musicien napolitain ne faisait qu'user des codes faciles de l'opera buffa, Mozart pense théâtre et singularité instrumentale et vocale. La partition originale en italien ayant été perdue, on jouera longtemps la version germanisée établie par Mozart en 1780, en forme de singspiel, sous le titre de Die Gärtnerin aus Liebe, savoir ''La Jardinière d'amour'', titre sans doute plus en rapport avec la trame que celui de ''Fausse jardinière'', qui se focalise sur le premier degré de l'histoire, déjà celle d'une folle journée. La marquise Violante, à la recherche d'un amant, le comte Belfiore, qui pourtant dans un accès de fureur aurait tenté de la poignarder, s'est faite engager comme jardinière, sous l'identité de Sandrina, chez le podestat Anchise, lequel en tombe bien évidemment amoureux. On apprend aussi que ledit comte Belfiore est épris d'Arminda qui délaisse le Chevalier Ramiro, son ancien fiancé. Un couple de valets met aux prises Serpetta, servante du Podestat et amoureuse de lui, et Roberto, serviteur de la marquise, se faisant aussi passer pour jardinier sous le nom de Nardo, qui compte bien épouser Serpetta. Ce n'est qu'en 1978 que le premier acte de la version italienne sera retrouvé et que la partition d'origine pourra être éditée. On la jouera désormais, notamment au Festival de Salzbourg en 1991 puis en 2006.

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William Christie ©Oscar Ortega

L'œuvre ne manque pas d'originalité. À commencer par ses ensembles flamboyants, dont le premier qui ouvre l'opéra juste après l'Ouverture symphonique. Où chacun des personnages se présente et étale les affres de son cœur torturé par l'amour. Le finale du Ier acte est fastueux : ayant reconnu Belfiore, Sandrina défaille et chacun vient alors à son secours, découvrant l'invraisemblable de sa propre situation, ce qui tourne à la confusion générale. Celui qui clôt le IIème ne l'est pas moins : dans une atmosphère nocturne, un vent de folie contagieuse s'empare de tous, et chacun ne sait plus où il en est. Cet ensemble annonce les quiproquos qui fleuriront au dernier acte des Nozze di Figaro. Mais ce dramma giocoso qui, comme cette appellation l'indique, mêle drame et comédie, est bien sûr prétexte à un florilège d'airs flatteurs où Mozart étale des dons déjà assurés.

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Les sept lauréats du Jardin des Voix 2019, de gauche à droite : Mariasole Mainini, Lauren Lodge-Campbell, Déborah Cachet, Théo Imart, Moritz Kallenberg, Rory Carver, Sreten Manojlovic ©DR

Un vrai vent de jeunesse s'empare de l'interprétation. Mise en valeur par la mise en espace efficace de Sophie Daneman qui rend bien compte des troubles des personnages de ce marivaudage adossé aussi bien à la comédie s'agissant des personnages de valets qu'au grand drame existentiel chez les autres mieux nés, habitués à se pendre au sérieux et à exagérer sans vergogne leurs peines de cœur. On y a ajouté une amusante décoration faite d'arbustes et d'objets agraires comme si on était dans un jardin. Sans doute celui de la propriété de Thiré, en Vendée, du maestro Christie où cette version fut inaugurée lors de son festival en août dernier. Les lauréats du Jardin des Voix 2019, nursés par Paul Agnew, ont bien des choses à dire et à communiquer. Déjà fort à l'aise sur les planches, ils possèdent le style et la crédibilité nécessaires : des jeunes gens aux prises avec l'émoi des sentiments amoureux, se livrant aux jeux dangereux mais si délicieux du ''Je t'aime, moi non plus''. La beauté des timbres est une autre source de joie chez cette brochette qui représente sept nationalités différentes. Ainsi de la soprano italienne Mariasole Mainini (Sandrina/Violante) d'une grande sensibilité dans le phrasé et d'une sincérité d'émotion jamais mise en défaut. Déborah Cachet, qui compte déjà à son palmarès des prestations avec les ensembles Pygmalion, Correspondances ou Akamus Berlin, triomphe du registre plus tendu d'Arminda. Lauren Lodge-Campbell est une Serpetta diablesse et malicieuse, qui sait faire tourner en bourrique son soupirant Nardo. Celui-ci, Sreten Manojlović, basse, a de la faconde à revendre même s'il devra sans doute plus se concentrer sur la diction. Autre découverte, le français Théo Imart (Ramiro), offre un superbe matériau de contre-ténor sopraniste et dispose d'une étonnante puissance, en particulier dans l'air di furore de l'acte II, digne survivance des arias baroques. Le ténor Moritz Kallenberg, qui s'est perfectionné entre autres auprès de René Jacobs, est un Belfiore qui sait être plus que joli cœur, et son collègue le britannique Rory Carver campe un podestat loin du cliché du barbon atrabilaire. L'idée de confier le rôle, non à une voix grave mais à un ténor, est à cet égard fort judicieuse. En un mot, une brochette vocale enthousiaste, apportant toute la juvénilité que réclame ce dramma giocoso.

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Ce souffle, on en a pareille sensation dans la direction du maestro Christie. Qui cultive ici vraiment son jardin, au propre et au figuré. De cette partition somme toute très riche, il tire des accents hautement expressifs : la battue est énergique, voire rapide, et la formation des Arts Florissants, réduite à quelques 23 instrumentistes, sonne engagée et pétillante, quand bien même placée derrière l'aire de jeu. Tous sont magistralement attentifs dans l'accompagnement des airs, notamment quand l'amour s'enflamme, et tout aussi prolixes dans les ensembles concertants qui se signalent par leur fluidité au-delà de leur complexité. 

Texte de Jean-Pierre Robert 



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