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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Gautier Capuçon et Yuja Wang jouent Chopin et Franck

Capucon Wang

  • César Franck : Sonate pour violon et piano (transcription pour violoncelle de Jules Delsart)
  • Frédéric Chopin : Sonate pour violoncelle et piano op. 65. Introduction et Polonaise brillante op. 3
  • Astor Piazzolla : Le Grand Tango
  • Gautier Capuçon (violoncelle), Yuja Wang (piano)
  • 1 CD Erato : 0190295392260 (Distribution : Warner Music)
  • Durée du CD : 79 min 09 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile grise (4/5)

Voici la rencontre au sommet de deux immenses musiciens, leurs labels respectifs ayant permis à un projet original de voir le jour. Le celliste Gautier Capuçon et la pianiste Yuja Wang font équipe pour un récital marqué au coin de l'éclectisme puisque de la rare Sonate de Chopin, ils nous entraînent dans un Tango de Piazzolla, en passant par la magnifique Sonate de Franck dans sa transcription pour violoncelle. Pour notre bonheur. 

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Chopin écrit sa Sonate pour violoncelle et piano op.65 en 1847. Dédiée au violoncelliste Franchomme, elle est créée l’année suivante lors du dernier concert de Chopin à Paris. La genèse en aura été difficile et pas seulement pour des raisons personnelles tenant à la période orageuse de la fin de la relation avec George Sand. Pourtant, l'œuvre se signale par son audace harmonique et sa modernité au fil de ses quatre mouvements. Le premier, Allegro moderato, est une longue digression traversée de plusieurs thèmes, tour à tour rêveurs et épiques jusqu'à des moments d’exaltation. Le dialogue entre les deux instruments est empli de nuances qui vont du lyrisme à l'agitation. Le scherzo enjoué avec un piano sautillant et un violoncelle tenant la mélodie, est d'une belle vivacité. Le trio central s'avère plus chantant, en particulier par la mélodie soutenue du cello. Un court Largo rêveur introduit un climat de Nocturne. Si le discours est également distribué entre les deux voix, le chant du cello y est d'une ineffable beauté, sous l'archet inspiré de Gautier Capuçon. Un finale plein d’élan conclut la pièce, les deux partenaires traités d’égal à égal. Les présents interprètes le démontrent magistralement par un jeu alerte jusqu'à la course haletante de la coda, résolument joyeuse. LIntroduction et Polonaise brillante op.3, de 1829, jouée ici en amuse-bouche avant la sonate, montre une pièce plus de circonstance que vraiment inspirée. C’est au piano et à son écriture brillante que Chopin réserve la meilleure part, le violoncelle portant la mélodie. Le traitement est presque vocal, à la Rossini.

César Franck compose sa Sonate pour violon et piano en 1886 et l'offre en cadeau de mariage au violoniste Eugène Ysaÿe. Comme dans sa Symphonie en ré mineur, la forme cyclique confère à l'œuvre sa marque distinctive, de même qu'un fervent lyrisme. Son architecture est inhabituelle puisque le scherzo est placé en deuxième position, tout comme il en est au demeurant de la sonate de Chopin. La transcription pour violoncelle sera effectuée l'année suivante par le celliste Jules Delsart avec l'approbation de l'auteur : alors que la partie de piano est inchangée, celle de violon est adaptée à l'instrument plus grave. Mais la facture d'ensemble offre peu de différences. On sait que cette pièce respire un bonheur rayonnant et déborde de lyrisme dans ses mouvements extrêmes. Le premier de son thème séduisant comme tournant sur lui-même, et qui chante peut-être encore plus intensément lorsque joué au violoncelle, surtout au tempo très retenu adopté ici par Capuçon et Wang. Le dernier retrouvant le même esprit. Le second mouvement est conçu comme un scherzo puissant, pris à belle allure par les présents interprètes, permettant au piano d'étaler toute son ardeur. Les vagues ondulantes laissent place à une séquence plus calme au médian du morceau tandis que la reprise est fiévreuse. Le Recitativo- Fantasia figure une improvisation d'une profondeur abyssale : sur un piano déclamatoire, le violoncelle soliloque en envolées lyriques ou module avec une pointe de mélancolie. Cette exécution de deux musiciens hors pair allie élégance et générosité. Une version de choix, à placer aux côtés de celle pour violon due à un autre duo starisé : Renaud Capuçon et Khatia Buniatishvili, parue chez le même éditeur (Erato).

En une sorte de bis, ils donnent une pièce d'Astor Piazzolla, Le Grand Tango. Écrit à l'intention de Mtislav Rostropovitch, il a été publié à Paris en 1982, d'où son titre en français. Le traitement des deux voix y est virtuose, singulièrement pour ce qui est de la partie de violoncelle. D'un seul tenant, la pièce compte trois épisodes bien différenciés : une première section au rythme de tango marqué, une partie médiane très chantante où le cello affirme sa prééminence dans des mélismes envoûtants, enfin une conclusion énergique, marquée ''giocoso'' alliant virtuosité et humour, en particulier dans le jeu du violoncelle. Là encore, la symbiose entre les deux interprètes est patente, fruit de la naturelle complicité entre ces stars qui sont d'abord de fins musiciens.

La prise de son au Koemer Hall de Toronto offre une ambiance de concert tout en plaçant les deux instruments dans une immédiateté flatteuse. On remarque la belle fusion des deux timbres tout en préservant leur singularité : côté percussif du piano et chaude rondeur du violoncelle. Des différences de perspective apparaissent dans le dernier mouvement de la sonate de Franck comme dans la Polonaise de Chopin et le Tango de Piazzolla, où l'effet de proximité est curieusement renforcé.

Texte de Jean-Pierre Robert

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