CD : Denis Pascal joue Schubert
- Franz Schubert : Sonate en la majeur D.959. Quatre Impromptus D.899
- Denis Pascal, piano
- 1 CD La Música : LMU18 (Distribution : PIAS)
- Durée du CD : 71 min 16 s
- Note technique : (5/5)
Voici le second volume d'un projet d'enregistrement des dernières sonates de Schubert. Qui rapproche la Sonate D.959 des Impromptus D.899, deux œuvres contemporaines où s'épanchent les dernières pensées d'un musicien de génie. Que Denis Pascal joue avec une rare simplicité et une pénétrante intelligence.
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La Sonate en la majeur D.959 forme la partie médiane de la trilogie des dernières, conçues simultanément en 1828. Et marquant un infléchissement dans l'écriture pianistique qui se fait presque orchestrale, avec un plus grand recours au registre grave du clavier, l'importance accordée au chromatisme, enfin la vigueur de la démarche à travers l'usage de motifs répétitifs. Cette sonate n°II dispense recueillement et mélancolie, « une évocation obsessionnelle de la fuite du temps », souligne Denis Pascal. Ainsi qu'il apparaît dès le premier mouvement Allegro qui, passée son entame un peu théâtrale, dispense des chromatismes tendus, notamment au long d'un développement fougueux presque rhapsodique. Que Pascal joue à la fois architecturé et fluide, laissant s'exprimer la part du chant, jusqu'à une coda toute de discrétion. L'Andantino, « implacable et bouleversant », rappelle le tragique du Winterreise par son chant profond, si simple en apparence, alors que son épisode central, comme improvisé, se souvient de Beethoven dans ses accords rageurs, accentués ici. Contraste vers de nouveaux espaces, le Scherzo est empreint de légèreté viennoise, d'une extrême mobilité dans ses arabesques aériennes et d'une belle gaité. Le Trio apaisé introduit comme un dialogue dont Denis Pascal dissèque toute la dramaturgie. Comme encore au finale Rondo bercé de ce lyrisme schubertien si caractéristique, éminemment chantant, d'une fraîcheur qui semble intarissable dans ses métamorphoses thématiques, nimbées çà et là de quelque assombrissement : « un flux infini emportant à la fois nos joies et nos tristesses ».Voilà une grande et belle exécution, qui va à l'essentiel.
Les 4 Impromptus op.90 D.899, première série de deux, ont été composés en 1827 ici aussi dans le sillage du Winterreise. Ces pièces brèves, mais au contenu dense, de forme tripartite selon le schéma ABA, sont parmi les plus familières de Schubert. Elles sont portées à la perfection par le présent interprète. L'Impromptu N°1 en ut mineur, Allegro molto moderato, introduit dès son accord fortissimo un climat sombre, presque violent, qui se poursuit dans un thème de marche funèbre. Le discours module à l'infini dans le registre aigu, livrant une impression obsessionnelle d'une souveraine mélancolie. L'Impromptu N°2, en mi bémol majeur, Allegro, figure une sorte de scherzo, fluide comme une eau qui coule à la main droite sur un immuable accompagnement discret de la gauche. Denis Pascal le prend dans une dynamique pas trop marquée, mais l'épisode médian tranche par son volontarisme. L'Impromptu N°3 en si bémol majeur, Andante, s'épanche sur une cantilène à la main droite et un imperturbable accompagnement orné, seulement traversé de quelque frémissement, sorte de sursaut rappelant les terreurs nocturnes du Lied ''Le Roi des aulnes''. L'Impromptu N°4 en la bémol majeur, Allegretto, est ondoyant comme le deuxième, de ses gammes arpégées et ses traits légers. Un soudain infléchissement grave rappelle cette consubstantielle dualité de la musique de Schubert : un épanchement presque éperdu qui n'est pas sans comporter sa part de drame. Comme dans la sonate, le jeu confident de Denis Pascal, extrêmement nuancé dans la dynamique, singulièrement le pianissimo, exhale les magistrales couleurs du piano de Schubert, saisit la génialité de tous ses instants fugitifs ou de ses développements tendus. Et pour le citer encore, irradie « la joie qui rayonne de cette musique, la lumière que diffuse l'œuvre de Schubert ».
L'enregistrement, à l'Église Protestante luthérienne de Bon Secours à Paris, saisit le piano de très près, sa mécanique presque perceptible, au centre droit de l'image sonore et dans une belle clarté.
Texte de Jean-Pierre Robert
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