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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Maurizio Pollini et les trois dernières sonates de Beethoven

Beethoven Maurizio Pollini

  • Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano N°30, op.109, N°31, op.110, N°32, op.111
  • Maurizio Pollini, piano
  • 1 CD Deutsche Grammophon : 483 8250 (Distribution : Universal Music)
  • Durée du CD : 56 min
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5) 

Un nouveau CD de Maurizio Pollini est toujours un événement. Surtout lorsque consacré à Beethoven. Pour cette année anniversaire, il a souhaité remettre sur le métier les trois dernières sonates. Un monument de la littérature pianistique qu'il visite depuis des décennies, singulièrement au disque avec son premier enregistrement des années 1980. Ne dit-il pas avoir « constamment découvert de nouvelles richesses dans chaque détail ». De fait, voilà bien encore de quoi en renouveler l'intérêt, grâce à des exécutions dont la captation live rend palpable le constant jaillissement. 

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Conçues presque simultanément, en tout cas sur une courte période, les trois ultimes sonates de Beethoven forment un tout. Il existe un rapport organique entre elles et bien des points communs, marque de la dernière période créatrice du maître : une liberté formelle de l'écriture proche souvent de l'improvisation, l'abandon des schémas habituels dans l'agencement des mouvements et des modes de développement, l'opposition dialectique des tempos, le recours à la forme fuguée comme au procédé de la variation, enfin des indications de mouvements faisant référence au chant, comme l'Arioso de l'op.110 et l'Arietta de l'op.111. On en vient à penser que chacune ne saurait être pleinement comprise que mesurée aux deux autres. Ces nouvelles interprétations de Maurizio Pollini le démontrent, puisées aux tréfonds de la puissance créatrice d'un artiste animé de la passion de cette musique où la quintessence rencontre celle de la pensée du compositeur : des confessions conduisant l'interprète à se livrer. La manière légendaire du pianiste italien est là, toujours fascinante : limpidité du jeu, netteté du dessin, des trilles en particulier, virtuosité au sens premier, creusant les écarts de dynamique, dont des graves imposants, une manière surtout qui en appelle à la modernité de ces œuvres elles-mêmes si peu inscrites dans les schémas établis.

Le premier mouvement Vivace de la Sonate N°30 en mi mineur op.109 alterne deux tempos. À la vigueur du début succède très vite une section Adagio espressivo à titre de second thème, que Pollini prend de manière chantante, toute de transparence. Une énergie presque rageuse anime le Prestissimo, nanti d'une extrême fluidité. Le dernier mouvement, qui à lui seul est aussi long que les deux autres, marqué Andante molto cantabile ed espressivo, décline un thème coulant comme une aria en six variations. Pollini s'approche comme peu de l'autre indication ''avec un sentiment profond, très intérieur''. Parmi les variations, la brève 3ème se signale par son alacrité, la 5ème par une divergence très marquée par rapport au thème. Alors que la dernière y revient avec vibration du trille dans une sorte d'ascension apothéose, pour conclure dans la sérénité.

La Sonate N°31 en la bémol majeur op.110 semble, dans son entame, poursuivre la dernière idée de la précédente : le Moderato cantabile molto espressivo offre pareille effusion lyrique. La liberté de la forme est tout aussi évidente, suggérant une fantaisie dans ses grandes progressions. Le scherzo Allegro molto, Pollini le prend très brusque dans l'attaque. Le 2ème thème est tranché par son côté nerveux et la reprise sera encore plus vive avant une fin apaisée. Le finale Adagio et Fugue rencontre ici une transcendante grandeur, notamment dans la section en récitatif ''Arioso dolente'', sorte de chant de lamentation. La fugue est jouée d'abord sereine, puis plus marquée dans ses accords fièrement assénés de plus en plus fort. La complexité inhérente à ce passage reste ici d'une extrême limpidité. Comme l'observe encore le pianiste, « l'usage de puissants contrastes est une constante dans la musique de Beethoven ».

Avec la Sonate N°32 en ut mineur op.111, le langage atteint le stade de l'avancée visionnaire. Deux mouvements seulement. Depuis ses accords majestueux, le premier oppose un Maestoso traversé d'harmonies dissonantes à un Allegro con brio ed appassionato que Pollini pousse à ses limites dans une course haletante et le ton impérieux d'un ouragan sonore. Le répit final apparaît comme salvateur. À ce drame implacable succède le méditatif second mouvement Arietta conçu par Pollini dans une sereine simplicité, très lié, qu'animent une imperceptible accélération du tempo avant d'aborder les variations et une intensification de la dynamique. Les variations décrivent une sorte d'itinéraire presque cosmique où le thème est diversement traité, d'abord calme puis s'activant en des arpèges parcourant le clavier, prestement sous les doigts du pianiste, de plus en plus énergiques, s'immobilisant soudain, puis abordant un cheminement de trilles qui paraissent suspendre le temps, processus d'affinement d'une rare force expressive. La luminosité toute italienne apporte ici une idée d'éternité céleste jusqu'à cette fin s'enfonçant dans le silence.

L'enregistrement live à la Herkulessaal de la Résidence de Munich dispense un son généreux et chaud dans une acoustique ouverte et aérée de concert, l'instrument occupant tout le spectre sonore, nanti de graves resplendissants.

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Texte de Jean-Pierre Robert  

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