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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Yves Henry joue l'intégrale des Mazurkas de Chopin sur piano Pleyel de 1837

Chopin mazurkas Yves Henry

  • Frédéric Chopin : Intégrale des Mazurkas
  • Yves Henry, piano Pleyel de 1837
  • 3 CDs Soupir Musique : S249 (Distribution : Socadisc)
  • Durée des CDs : 52 min 56 s + 52 min 55 s + 60 min 49 s
  • Note technique :  etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile grise (4/5) 

Cette nouvelle intégrale des Mazurkas de Chopin, qui se veut l'enregistrement le plus complet jamais réalisé, présente la particularité d'être jouée sur un piano de l'époque de leur composition, un Pleyel de 1837. Et par un passionné, Yves Henry, qui inlassablement se consacre à faire découvrir et redécouvrir les incommensurables beautés de l'œuvre du maître polonais.  

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Le genre de la Mazurka a accompagné l'entière carrière créatrice de Frédéric Chopin : son premier opus comme sa dernière œuvre, inachevée, sont des mazurkas. Le catalogue en comprend 57, voire 58 si l'on ajoute cette dernière pièce. Le présent album offre même 63 numéros, puisqu'il comprend des variantes de plusieurs d'entre elles, outre quelques suppléments d'ordre thématique. Les mazurkas constituent donc un véritable journal de la vie du musicien. C'est aussi un laboratoire d'idées compositionnelles. Qu'est-ce qu'une Mazurka ? Une courte pièce pianistique basée sur la danse mazovienne à trois temps, mais d'utilisation différente que dans la valse. « Ce sont des petites mélodies enchevêtrées les unes dans les autres, qui demandent une attention soutenue de l'auditeur pour saisir tous les artifices de l'harmonie qui s'y succèdent rapidement » écrivait un critique de l'époque. Car leur inventivité n'a pas de limite eu égard à « l'alternance des tonalités, des tempi, des idées musicales, des atmosphères et des caractères », note Yves Henry. Une impression d'improvisation s'en dégage souvent. Chopin a recours à de courtes phrases répétées et à une thématique génialement inventée, soit simple soit très travaillée, « juxtaposition d'idées musicales et d'atmosphères différentes » (ibid.). Elles sont composées pour la plupart par groupe de quatre, puis de trois à compter de l'op.50, la dernière pièce d'un cycle étant la plus développée. Car elles sont censées être jouées à la suite les unes des autres.

Yves Henry Nohant3
Yves Henry devant le piano Pleyel n°5612 ©DR

Elles sont abordées ici par ordre chronologique de composition. Et selon le classement de l'édition nationale polonaise dirigée naguère par le célèbre pianiste Paderewski, Yves Henry les analyse avec une rare pertinence dans le livret de l'album, qui relève les particularités de chaque morceau. Ce qui permet aussi de mesurer l'évolution du style de Chopin. Malgré sa brièveté, chacune possède sa propre dramaturgie interne, exprimant un ou plusieurs sentiments : élan vital, verve, ou insouciance, légèreté, voire espièglerie, mais aussi et peut-être surtout, nostalgie, singulièrement ce qu'on appelle le zal polonais, un indéfinissable spleen de la patrie d'origine. Les sautes d'humeur y sont donc fréquentes, au fil d'une ligne mélodique changeante. Qu'il suffise de donner quelques exemples, distinguant un certain nombre d'œuvres caractéristiques. Les premières mazurkas, composées par un Chopin adolescent, sont très rythmiques et enjouées. Le premier cycle op.6 date de 1830/1831, alors que Chopin s'installe à Paris, et ce seront les premières mazurkas à être publiées. Dans le cycle de l'op.24 (1835), la 4ème pièce est une pépite, avec son étonnante entame qui fait dire au pianiste Alfred Cortot, « à elles seules, les quatre mesures d'introduction nous font pénétrer dans un monde de musique jusqu'alors insoupçonné ». Avec le cycle de l'op.30, qui date de la première rencontre avec George Sand, l'invention se concrétise par des recherches harmoniques et formelles nouvelles et le rythme de danse passe au second plan. Les trois mazurkas de l'op.50 sont composées à Nohant. Comme celles de l'op.56 dont Cortot relève « l'audace de l'écriture harmonique en avance de près d'un siècle sur son temps » : la première qui s'inspire d'une bourrée française notée à la volée par Chopin lors d'une noce en Berry en 1843, et dont le thème est repris ici dans une des annexes, la troisième évoluant comme « une histoire racontée, à la manière d'une ballade », souligne Henry. Avec l'op.59 (Nohant, 1845), et surtout l'op.63, l'année suivante, la veine ne se tarit pas, loin de là. La troisième mazurka de cet op.63 évoquerait « l'ombre du souvenir dansant avec l'ombre du regret » (Cortot). Ce sera la dernière à être publiée du vivant de Chopin. Viendront ensuite plusieurs pièces écrites entre 1846 et 1849, après la rupture avec Sand, et dont la dernière est restée à l'état d'esquisse. Henry en joue deux versions, l'une étant reconstituée par le pianiste et compositeur Milosz Magin.

Piano Pleyel 
Le piano Pleyel n°5612 du château de Croissy-sur-Seine ©DR

Outre l'aspect proprement musicologique déjà signalé, le mérite de Yves Henry est de proposer des interprétations frappées au coin de la rigueur et d'un souci d'authenticité. Le jeu est d'un total naturel, sans affectation, doté d'une élégance gallique dans le souci des différences d'éclairages et de couleurs. Il se refuse à la virtuosité, à cette délicieuse fluidité qu'on rencontre chez les artistes contemporains. D'où des tempos généralement plus lents chez lui que ceux appliqués par Maurizio Pollini, par exemple, pour ce qui est des derniers cycles. L'écriture cantabile, primordiale chez Chopin, n'en est que mieux restituée. Le jeu rubato, cette licence rythmique, est ménagée avec soin, fuyant en particulier les ralentissements pseudo expressifs. Il est ainsi moins délié et paraît extrêmement différencié d'un registre à l'autre. Ce qu'on perd en brillance, on le gagne en architecture du son. Ainsi qu'on le remarquait dans son précédent album ''Les années Nohant''. Toutes ces caractéristiques sont indissolublement liées à l'instrument joué, un piano d'époque, le Pleyel n°5612 de 1837. Qui offre une sonorité bien particulière à nos oreilles modernes, habituées à la rondeur du Steinway ou à l'austérité sonore du Bechtein. Riche en harmoniques, elle n'est pas si ''égale'' que le permettent ces pianos modernes, et les timbres sont différents selon les registres, notamment dans le médium et le grave. Reste que la mécanique est d'une étonnante flexibilité.

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Côté prise de son, et pour des enregistrements effectués devant un public restreint, dans un salon du château Chanorier de Croissy-sur-Seine, a été privilégié un système à deux micros, suivant le procédé mis au point naguère par André Charlin de la ''tête artificielle'', et avec post technique réduite au minimum, sans mixage et ajout de réverbération artificielle. Le résultat est une image sonore d'une extrême immédiateté, un peu mate, non sans sécheresse : celle d'un salon de musique. Tout le contraire de l'ampleur et de la spatialité des captations habituelles de studio ou live. L'échelle est différente au point que la comparaison en devient oiseuse. Mais passée la surprise des premiers morceaux, l'écoute devient plus familière. Le piano Pleyel offre une sonorité claire, comme dégraissée, les aigus sonnant ténus, le graves résonnants. Du fait des prises réalisées en plusieurs fois, il est parfois nécessaire de procéder à de légers ajustements de potentiomètre.

Texte de Jean-Pierre Robert

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