CD : Les concertos de violon de Stravinsky et de Corigliano
- Igor Stravinsky : Concerto en ré majeur pour violon et orchestre
- John Corigliano : The Red Violin, concerto for violin and orchestra
- Amanda Favier, violon
- Orchestre Philharmonique Royal de Liège, dir. Adrien Perruchon
- 1 CD NoMadMusic : NMM073 (Distribution : PIAS)
- Durée du CD : 58 min 48 s
- Note technique : (5/5)
Encore un couplage audacieux, dans le domaine du concerto de violon cette fois, puisqu'il associe Igor Stravinsky et John Corigliano. Bien sûr, le principal attrait de ce disque est le concerto du compositeur américain, inspiré de la musique du film ''Le violon rouge'', une partition aux exigences techniques aussi considérables que celles requises par son illustre prédécesseur. Et que les interprétations d'Amanda Favier défendent avec une indéniable maestria.
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Le Concerto pour violon en ré majeur (1931) appartient à la période néo classique de Stravinsky. La référence à JS. Bach est soulignée par le titre de chacun des quatre mouvements, Toccata, Aria I, Aria II, Capriccio, comme par une écriture souvent contrapuntique. Ce qui le caractérise encore est le savant travail sur le timbre, ainsi qu'il en est de l'accord attaca qui ouvre ceux-ci, « comme un cri : ardu, strident et très étiré », remarque Amanda Favier. Dans les deux parties centrales, le soliste mène un dialogue avec des bois particulièrement raffinés, notamment à l'Aria II, d'une sérénité pudique à travers les longues phrases sinueuses du violon. Les mouvements extrêmes distillent une animation dont n'est pas exclue une dose d'humour. Ainsi le Capriccio final, avec son langage fleuri et sa rythmique vive, piquante, presque cocasse, propose-t-il de savoureux échanges violon-petite harmonie, dignes de l'univers choisi de L'Histoire du soldat, et se conclut d'une coda « tribale », dans le sillage du Sacre. L'écriture violonistique, d'une redoutable efficacité, est un chalenge pour l'interprète. Ce qui n'est pas pour déplaire à Amanda Favier qui dit vivre avec cette œuvre depuis toujours et se ravir de « sa virtuosité jamais ostentatoire » malgré « sa force et son âpreté ».
John Corigliano (*1938) est un compositeur américain en vue, qui s'est distingué, entre autres, par un opéra The Ghosts of Versailles (1991), plusieurs symphonies et des musiques de film. Il est l'auteur de la bande originale du movie ''Le Violon rouge'' (1998) de François Girard, ce qui lui vaudra, en 2000, l'Oscar de la meilleure musique de film. Lequel raconte l'histoire épique d'un violon confectionné à Crémone en 1681 par le luthier Nicolo Bussotti, et qui passe de main en main à travers les siècles jusqu'à sa vente aux enchères à Montréal en 1997. C'est à partir de ce matériau que Corigliano écrit en 2003 son concerto de violon, intitulé The Red violin, pour Joshua Bell qui le créera avec le Baltimore Symphony Orchestra et Marin Alsop, alors qu'il avait déjà enregistré la bande sonore du film avec le Philharmonia Orchestra dirigé par Esa Pekka Salonen.
La partition du concerto est un hommage de Corigliano Jr. à son père John Corigliano qui fut premier violon solo du New York Philharmonic durant un quart de siècle. D'où une écriture violonistique aussi flatteuse que démonstrative. En quatre mouvements, il débute par une Chaconne découvrant un univers mystérieux d'où émerge le soliste, pour, selon le musicien, « un voyage dans le temps », comme dans le film, où l'on passe d'épisodes de violence à des plages de lyrisme. Ainsi la section centrale offre-t-elle une méditation intense qui débouche sur une cadence, et à la fin un crescendo cataclysmique. Le Pianissimo Scherzo, tout en rupture « avec l'atmosphère romantique du premier mouvement », est fantomatique, rapide, déhanché, pourvu de timbres et d'effets sonores « qui créent une effervescence énergique et éclatante ». Le violon est, comme naguère chez Stravinsky, traité avec singularité, notamment dans la section trio très aérienne. L'Andante flutando commence par un récit du soliste dans un climat paisible, évoluant en une sorte de berceuse. L'Accelerando Finale, qui s'enchaîne, découvre « un concours joyeux où rivalisent le soliste et l'orchestre » et de nouveaux espaces sonores. Une cadence affolée amorce la péroraison faite de joutes serrées entre soliste et orchestre. Là encore, Amanda Favier fait siennes toutes les exigences techniques d'une œuvre hors norme, mêlant tension, abandon et fougue. Un joli tour de force. Elle est secondée par l'Orchestre Philharmonique Royal de Liège que dirige Adrien Perruchon.
Les captations à la Salle Philharmonique de Liège possèdent un excellent relief et l'équilibre entre soliste et orchestre est parfaitement ménagé.
Texte de Jean-Pierre Robert
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