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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Les Essentiels ON-Mag – Les concertos de violon de Beethoven et de Berg

Berg Beethoven Concertos

Chaque vendredi, durant le confinement, la rubrique CD s’ouvrira à des disques déjà parus que la revue considère comme indispensables pour leur qualité musicale et technique.

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  • Alban Berg : Concerto pour violon ''A la mémoire d'un ange''
  • Ludwig van Beethoven : Concerto pour violon op.61
  • Isabelle Faust, violon
  • Orchestra Mozart, dir. Claudio Abbado
  • 1 CD Harmonia Mundi : HMC 902105 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 68 min 58 s
  • Parution : Mars 2012
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5) 

Le couplage est audacieux. L'idée de rapprocher les deux concertos de violon de Beethoven et de Berg revient à Claudio Abbado. N'ont-ils pas en commun d'avoir marqué leur époque de leur imaginative modernité. Le ''dialogue'' entre les deux partitions se montre des plus révélateurs. Autre mérite de ce CD d'exception, multi récompensé : illustrer un grand partenariat artistique entre une soliste éminemment talentueuse et un chef charismatique. 

Sollicité par le violoniste américain Louis Krasner d'écrire un concerto, Alban Berg hésita d'abord. Un événement tragique, la mort de la jeune Marion Gropius, fille d'Alma Mahler, et pour laquelle il éprouvait une vive affection, brusqua les choses : laissant de côté la composition de l'opéra Lulu, il écrira la partition en peu de temps, son ultime œuvre achevée, et lui donnera une dimension de Requiem. Basé sur l'utilisation du chromatisme, conciliant diatonisme et dodécaphonisme, et construit en forme d'arche, comme dans Lulu, le Concerto pour violon est constitué de deux mouvements. Le premier débute par un envoûtant soliloque du violon, puis développe un vaste matériau, quoique souvent atomisé, de par l'art si particulier du compositeur de ménager « la transition infime », selon la formule de Theodor W. Adorno. Le second mouvement s'ouvre par une succession d'éclats de l'orchestre dont se détache le soliste, empruntant au climat horrifique de Lulu. Ils préludent à un Allegro libre, d'une tension soutenue, voire tumultueuse, dans lequel les phrases arrachées du violon inscrivent une hargne d'impuissance devant la mort. Puis s'installe une section Adagio, énonçant le beau choral luthérien ''Es ist genug''. L'apaisement troublant ainsi introduit laisse place à la lente progression du chant soliste sur un contrepoint des bois, relayé par les cordes, vers un sommet d'incandescence qui peu à peu, par décantation, devient extatique. En fait, au long du concerto, le soliste joue à part égale avec l'orchestre, même s'il se fond souvent dans la trame tracée par celui-ci. Outre une étonnante maîtrise technique, Isabelle Faust émeut par sa sincérité, épaulée par le maestro Abbado dont on sait les affinités avec l'univers de Berg : « Travailler avec Claudio Abbado est une véritable révélation de la magie de la musique », dit-elle. Une flamme intérieure et une beauté du son absolument uniques marquent cette interprétation d'une pierre blanche.

« De la douleur et la plainte d'Alban Berg au choral rédempteur de Bach jusqu'à un Beethoven radieux, apparemment délivré de toutes les afflictions terrestres » : ainsi la soliste explique-t-elle l'enchaînement des deux pièces. L'exécution du célèbre Concerto pour violon op.61 de Beethoven est tout autant révélatrice en ce qu'elle ouvre de nouvelles perspectives interprétatives. L'Allegro ma non troppo est, justement, pris mesuré par le chef, créant une douce quiétude. Non que la battue ne s'anime pas ensuite. Mais le geste ne sera jamais heurté. Aussi le dialogue du violon avec la petite harmonie est-il d'une réelle distinction lors du fameux passage lent ponctué de la percussion. Au moment de la cadence, l'archet d'Isabelle Faust déploie sa belle digression sur fond de timbales ppp. Le Larghetto est d'une plasticité saisissante : les premières pages, lorsque le violon est accompagné par la clarinette, puis par le basson, tutoient le sublime. Un dialogue aérien s'installe, d'une formidable intensité, dans un pianissimo envoûtant, au fil des phrases sinueuses du violon sur de ténus pizzicatos des cordes. La résolution frôlera le silence. Après la transition ex abrupto, le Rondo allegro final est pris très allant, comme dégagé de toute pesanteur, et la brève cadence sera allègre, comme l'ultime reprise glorieuse. Là encore, Isabelle Faust fait montre d'une maîtrise toute en nuances : le raffinement de la sonorité de son stradivarius ''Belle au bois dormant'' de 1704 est de la même eau que celui favorisé par Abbado à l'orchestre. Il n'y a chez elle nulle mise en avant. Comme un refus de l'effet empruntant de près ou de loin à la virtuosité d'estrade. La complicité avec le chef est totale dans une pièce qui, comme le concerto de Berg, tient soliste et orchestre sur un pied d'égalité. L'excellence des musiciens de l'Orchestra Mozart, nombreux aux pupitres des cordes, et pourtant sonnant comme s'ils étaient peu, ajoute au prestige de ces exécutions. Un disque rare.

Les enregistrements, à l'Auditorium de Bologna, se signalent par leur immédiateté, leur clarté, et une sensible profondeur de champ dans le Berg, en restituant toute la complexité d'écriture. Alors que l'équilibre soliste-orchestre est bien ménagé. Le Beethoven se voit offrir une acoustique plus résonante et une sonorité d'ensemble très aérée.

Texte de Jean-Pierre Robert

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Beethoven, Alban Berg, Les Essentiels ON-Mag , Orchestra Mozart, Claudio Abbado

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