CD : Les Essentiels ON-Mag - Le prestige du Concert du Nouvel An
La rubrique CD s’ouvre chaque vendredi à des disques déjà parus que la revue considère comme indispensables pour leur qualité musicale et technique.
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- ''Neujahrskonzert 2016''
- Valses, polkas, marches, galops, Ouvertures et autres pièces de Robert Stolz, Johann Strauss II, Carl Michael Ziehrer, Eduard Strauss, Josef Strauss, Émile Waldteuf, Josef Hellmesberger I, Johann Strauss I
- Wiener Sängerknaben
- Wiener Philharmoniker, dir. Mariss Jansons
- 2 CDs Sony Classical : 8875174772 (Distribution : Sony Music Entertainment)
- Durée des CDs : 2 h 15
- Parution : Janvier 2016
- Note Technique : (5/5)
Le Neujarkonzert de Vienne est une institution. Immuable dit-on. Voire. Le chef change à chaque édition, choisi par les musiciens. Cette année 2016, et pour la troisième fois, Mariss Jansons est à la manœuvre. Une fine baguette et des interprétations sur le versant sérieux. Mais cette musique viennoise dite légère n'est sans doute pas aussi insouciante qu'on le croit. Si le sourire est là, au tournant d'une phrase ou d'un moulinet de violons, une certaine mélancolie peut aussi se glisser au fil de ces valses, polkas, galops et autres ouvertures.
Comme de coutume, le programme associe morceaux archi-connus et pièces plus rares dont plusieurs ''premières''. Le choix ne manque pas parmi les centaines de titres laissés par moult compositeurs et des dynasties comme celle des Strauss. Ainsi cette année a-t-on choisi, et pour débuter, l'UNO-Marsch de Robert Stolz, fameux chef associé à cette musique et prolixe compositeur. Cette pièce fut écrite en 1962 pour commémorer le 70ème anniversaire de la première Assemblée générale de l'ONU. La polka française ''Violetta'' de Johann Strauss II célèbre l'élégance hexagonale, différente de la manière enjouée viennoise. Mariss Jansons prend son temps pour en distiller les vertus. Nouveaux sont encore : ''Filles de Vienne'' de Carl Michael Ziehrer (1843-1922), ses climats différenciés et ses délicates mélodies dont l'une sifflée par les musiciens, ou ''Scène de bal'' de Josef Hellmesberger I (1828-1893), dévolue aux seules cordes et quelques traits de flûte, ou encore ''España'' d'Émile Waldteufel (1837-1915), paraphrase facétieuse par ce musicien français de la rhapsodie éponyme de son collègue Chabrier. Il y a dans la vision de Jansons un ressort irrésistible nanti d'un ton rageur et d'un tempo di valse irrépressible, tradition viennoise oblige ! La polka française ''Sängerlust'' (Bonheur de chanter) de Johann Strauss II, arrangé pour chœurs, permet aux Petits Chanteurs de Vienne d'agrémenter le concert. On les entend encore dans ''Auf Ferienreisen'' (En voyage), une toute aussi délicieuse polka rapide bardée de hourras relayés par tout l'orchestre sur un appel de trompette. Bien sûr, on savoure ce mélange attendu mais toujours étonnant de polkas, qui, outre la version française et son charme, et la version schnell toute de vivacité (''Train de plaisir'' et ses effets gambadants ponctués de coups de grosse caisse et de... sifflets - lancés par le chef), connaît encore la forme mazur, plus couleur locale. Ainsi de la séraphique ''Die Libelle'' (La libellule) de Josef Strauss, gracile comme l'insecte, une pièce affectionnée par bien des chefs du Concert du Nouvel An.
Les galops ne sont pas moins réjouissants. Comme le ''Seufzer-Galopp'' (Le galop des soupirs) de Johann Strauss I, plus qu'endiablé, prestissime ici, mais entrecoupé des soupirs accablés des musiciens ! On adore ces jokes à Vienne. Les valses se taillent une part de splendeur, quoique pas si nombreuses cette fois. ''Musique des sphères'' de Josef Strauss distille d'ondulantes modulations débouchant sur une extatique mélodie des violons : les Viennois à leur meilleur ! La ''Kaiser-Walzer'', Valse de l'Empereur, de Johann Strauss II, entamée chambriste, s'enflamme au signal du solo de violoncelle pour épanouir ses tunes nostalgiques inimitables. Tout cela est pur bonheur entre les mains du chef letton. Enfin le morceau obligé, tant attendu, ''An der schönen blauen Donau'', le Beau Danube bleu, l'emblème de la Wiener Musik, de cet orchestre mirifique aussi, offre une plastique miraculeuse dans l'exécution de Jansons qui nurse un dosage savant. On aura remarqué, ici comme ailleurs, combien il adopte un tempo confortable et plutôt lent, mais sans une once de lourdeur, avec une retenue marquée sur le premier temps.
Il faudrait encore parler des Ouvertures. Telle celle de Une nuit à Venise (1883) développant divers épisodes dont, au médian, un tempo de valse langoureux, puis sur un appel de cor, une autre plus voluptueuse. L'Entr'acte de l'acte III de Princesse Ninetta de Johann Strauss II, un des nombreux morceaux de concert tirés de l'ouvrage, est une valse mélancolique, très lente chez Jansons, presque nocturne dans son pianissimo. Partout, on est conquis par une manière élégante qui ne cherche pas la brillance mais cultive la profondeur du son, la douceur des attaques et tout le formidable potentiel de ces musiciens d'élite dans leur répertoire de prédilection. La complicité est palpable entre chef et orchestre. On comprend l'enthousiasme du public aussi, qui croît au fil du concert pour connaître son apogée dans l'immanquable ''Marche de Radetzky'', presque un hymne national autrichien. Une grande édition !
Elle est magistralement captée live, ce 1er janvier 2016, dans la Grande Salle dorée du Musikverein de Vienne et sa fameuse acoustique ''ouverte'' : un son chaleureux et une image aérée, d'une belle immédiateté. L'étagement des plans est tout aussi réussi. Alors que les violons I et Il sont placés de part et d'autre du chef, créant un magnifique équilibre gauche-droite, le tout orchestre est enveloppé dans une sympathique pédale de basses. Car, dans cette salle, et chez les Wiener Philharmoniker, les contrebasses, disposées au fond au centre, couvent leurs collègues de leur généreuse résonance.
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Texte de Jean-Pierre Robert
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