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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : ''Josquin et Milan'', suite de l'intégrale des messes de Josquin Desprez

Josquin Desprez messes

  • Josquin Desprez : Messes ''Ave maris stella'' & ''D'ung aultre amer''
  • Maurice Bourdon : Tempus fugit (création)
  • Ensembles vocaux : Biscantor ! & Métamorphoses, dir. Juliette de Massy
  • Direction artistique : Maurice Bourbon
  • 1 CD AR RE SE : AR 2020- 1 (Distribution : Socadisc)
  • Durée du CD : 53 min 38 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Voici le 8ème volume (sur 10) de l'intégrale des messes de Josquin Desprez, cette fois consacré aux opus ''Ave maris stella'' & ''D'ung aultre amer''. Au prétexte  de la brièveté de cette dernière, Maurice Bourbon, le directeur artistique de cet étonnant projet, a imaginé et composé une autre pièce sur le thème de l'éternité, où il associe le temporel à la dimension spirituelle. L'interprétation est fidèle à  celle des précédentes parutions : d'une rare perfection.

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Josquin des Prez dit Desprez (c.1450-1521), musicien franco-flamand, maître éminent de la Renaissance, est un européen avant la lettre. Ce que la présente intégrale de ses messes, son corpus le plus emblématique, prouve à l'envi. Il a voyagé à travers l'Europe, notamment en Espagne, comme le mettait en lumière le précédent disque ''Josquin et l'Espagne''. Ce sont ses rapports avec la ville de Milan, où il fut employé à la chapelle du duc de Sforza, comme avec Léonard de Vinci, également au service ducal, qui forment le fil directeur du présent volume. Et en particulier les supposées conversations entre le musicien et le peintre théoricien en matière d'instruments de musique. La Messe ''Ave maris stella'', écrite aux alentours de 1500, et contemporaine de la Missa ''De beata Virgine'', se situe, comme cette dernière, dans la mouvance du culte marial. Elle emprunte à l'hymne grégorien éponyme, lequel forme le mode essentiel de toute l'œuvre, exposé d'abord dans le Kyrie, puis repris dans les autres sections, sauf le Credo. Elle est à quatre voix, à l'exception des sections ''Pleni sunt'', ''Benedictus'' et ''Agnus Dei''. Elle exploite essentiellement les tessitures aiguës.

Œuvre du début de la carrière de Josquin Desprez, la Missa ''D'ung aultre amer'' est à quatre voix. Une des plus courtes qu'il ait écrites, cette messe offre bien des singularités. Le Gloria, extrêmement bref, et le Credo sont très nerveux. L'Agnus dei est très intense. Le Sanctus, pourtant la partie la plus développée, ne comprend pas sa section ''Benedictus''. Elle est remplacée par un motet, inspiré d'Ockeghem, ce qui inclut un élément profane pour mieux illustrer le propos religieux. C'est un exemple du travail de glose réalisé par Josquin Desprez sur la chanson du grand maître médiéval dans une œuvre qui présente déjà en germe la richesse comme la complexité d'un discours contrapuntique que confirmeront les messes subséquentes. 

La composition de Maurice Bourbon, intitulée Tempus fugit est constituée de quatre parties, Prologus, Tempus primus, Tempus secondus et Epilogus, lesquelles sont mises en miroir avec les deux œuvres de Josquin. Ainsi le Prologus est-il placé en début de programme. Le Tempus primus forme une transition entre les deux messes, et le Tempus secundus, le premier texte à avoir été conçu par Bourbon, est logé entre le Sanctus et l'Agnus Dei de la messe ''D'ung aultre amer''. L'auteur a convié divers poètes à l'appui de sa démarche placée sous le thème de l'éternité, en fait de la fuite du temps : Agrippa d'Aubigné au Prologus (''Et rien que Dieu n'est permanent''), Proust (''Le temps efface tout comme effacent les vagues'', tiré des Poèmes), Baudelaire (de ''L'horloge'', extrait du recueil Les fleurs du mal : ''Souviens-toi que le Temps est un joueur avide'') au Tempus primus, qui traite encore avec Monteverdi  (''Morte di Clorinda'' d'après la ''Jérusalem libérée'' du Tasse), et enfin Ronsard au Tempus secundus (''Le temps s'en va'', tiré du Second livre des Amours). Autant de clins d'œil à travers les siècles à de glorieux prédécesseurs. La musique en est originale, parée de mille nuances jusqu'au murmure et autre chuchotement.

Sous la conduite enthousiaste et avisée de Juliette Massy, les interprétations sont d'une stupéfiante beauté. Les deux ensembles réunis, Métamorphoses, pourvoyant cinq voix, et Biscantor !, trois autres, s'imposent par leur plénitude et leur justesse de ton notamment par l'étonnante maîtrise de la nuance piano. Les timbres sont chaleureux, des voix aiguës, deux sopranos, un haute contre, un contre ténor, deux ténors, comme des deux voix de basses. Encore une fière réussite à porter au crédit de cette magistrale série. 

La prise de son, à l'église de Javols, en Lozère, est d'une clarté exemplaire, dans une acoustique séduisante procurant une belle spatialisation des huit voix.

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Texte de Jean-Pierre Robert



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