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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : L'oratorio Il Martirio di Santa Teodosia de Scarlatti

Scarlatti Il Martirio di Santa Teodosia

  • Alessandro Scarlatti : Il Martirio di Santa Teodosia. Oratorio en deux parties
  • Emmanuelle de Negri (soprano), Emiliano Gonzalez Toro (ténor), Renato Dolcini (basse), Anthéa Pichanick (mezzo)
  • Les Accents, violon & dir. Thibault Noally
  • 1 CD Aparté : AP 232 (Distribution: PIAS)
  • Durée du CD : 74 min 57 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

L'oratorio du XVIIème se porte bien au disque. Après Caldara et Maddalena ai piedi di Cristo et un premier ouvrage de Scarlatti, Il primio Omicidio, en voici un autre de ce dernier compositeur et plus ancien encore, Il Martirio di Santa Teodosia. Il est interprété par un ensemble, Les Accents, sous la conduite du violoniste Thibault Noally qui sait son baroque sur le bout des doigts. À découvrir.

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Créé à Rome vraisemblablement en 1683, Le martyre de Sainte Théodosie, premier volet d'une trilogie d'oratorios consacrés par Scarlatti aux saintes martyres que sont encore Ursule et Cécile, traite un sujet biblique peu connu : le sacrifice de la jeune Théodosie qui préfère se vouer à Dieu et refuser l'amour que lui offre Arsène, fils du gouverneur de Tyr Urbano, et par conséquent accepte le trépas. Pour avoir refusé un puissant, elle aura dû endurer de nombreux tourments. Quatre personnages se partagent cette trame réduite, le dernier, Decio, étant le serviteur d'Arseno, lui-même partagé entre admiration pour le courage de la jeune femme et soumission à la cause de son maître. Deux caractères se détachent nettement : ceux de la sainte et d'Urbano qui se partagent l'essentiel des arias. Comme bien souvent, l'histoire offre un dramatisme qui la rapproche d'une intrigue d'opéra. Et en l’occurrence une concision extrême, au fil de deux parties et d'une trentaine de numéros. Car on y rencontre un schéma alternant récitatifs et arias, certains organisés en vrais scènes, aria, récitatif-aria. On y trouve aussi des duos animés, un quatuor ou encore un étonnant trio, dit ''aria a 3''. L’œuvre s’achève par un chœur des quatre protagonistes tirant la morale de l'histoire : le martyre montre ''que la mort est la vie pour qui meurt pour Dieu''. L'oratorio offre une belle richesse d'écriture harmonique dans le ripieno et l'accompagnement des arias de la basse continue. La vocalité est elle aussi richement ornée. Car partout l'écriture traduit des affects souvent exacerbés dans un ton à la fois violent ou d'un lumineux lyrisme.

L'exécution se distingue par la direction on ne peut plus engagée de Thibault Noally qui tire de cette musique séduisante tous ses prestiges, ses couleurs raffinées, ses oppositions tranchées, ses ensembles bien architecturés. Noally dirige du violon, comme le montre la photo prise lors d'une exécution au Festival de La Chaise-Dieu 2019 ayant précédé le présent enregistrement. Un fin musicien sur les traces de ses grands aînés, singulièrement de son mentor Marc Minkowski, ou le parfait tenant d'une nouvelle génération de baroqueux, historiquement informés ! Son propre ensemble Les Accents, fort de 17 musiciens dont lui-même, distille de bien séduisantes sonorités et un raffinement instrumental digne des autres grandes formations du moment. Le ripieno est vif comme la basse continue seyante.

Le quatuor vocal répond sans faille. Emiliano Gonzalez Toro, rompu à cet idiome, campe un Arseno à la fois vaillant et aux beaux accents lyriques dans l'aria ''O lieto quel core'' (Oh heureux est ce cœur). De son riche timbre de mezzo contralto, Anthéa Pichanick ennoblit la partie de Decio, notamment à l'aria ''Non è fierezza'' (User de la fierté) pourvu d'un solo de violon dans un tempo très allant. Renato Dolcini, entendu naguère à Salzbourg dans le rôle de Seneca du Couronnement de Poppée, offre un timbre de baryton basse ductile dans les arias di furore dont est pourvu le rôle d'Urbano : colère et esprit vengeur à l'aria ''Già d'ira m'accendo'' (Voilà que la colère m'embrase), avec vocalises outragées. Le personnage se voit offrir une ligne vocale très ornementée et de singulières sonorités par l'accompagnement d'orgue positif, comme à l'aria ''L'offendere un Rege'' (Offenser un roi) pourvue des graves ferraillant dans un presto relevé étalant une méchante colère. C'est au personnage titre que sont dévolus les plus beaux morceaux. Le soprano clair mais aussi corsé d’Emmanuelle de Negri est taillé pour ce caractère singulier de femme déterminée, fière, engagée, au fil d'arias brillantes ou de ''scena'' dramatiques. Tour à tour emportée (''Son pronta all'offese''/Je suis prête aux offenses) et aspirant au bonheur éternel dans ''Se il Cielo m'invita'' (Si le ciel m'invite) où Teodosa ''méprise la vie'', car ''il est doux de mourir'', sur le ton implorant mais dans un flux vocal prétexte à de longues tenues. L'aria ''Mi piace il morire'' (Il me plaît de mourir) renouvelle pareille volonté alors qu'Urbano essaie de détourner son fils d'un amour voué à l'échec et que celui-ci plaide pour sauver Teodosia du courroux paternel. La fragilité traverse la bouleversante aria ''Soccorretemi Cieli fideli'' (Secourez-moi, cieux fidèles), de la femme prête au martyr, d'une inébranlable résolution. De Negri est royale tout au long de ce parcours dont le récitatif et l'aria finale voient les adieux pathétiques de la sainte et sa transfiguration sur une invocation émue, tandis que le ripieno se fait de plus en plus discret.

L'enregistrement, dans l'église allemande protestante de Paris, dispense une image aérée et légèrement résonnante, d'un fin relief sur les instruments et les voix, lesquels sont parfaitement équilibrés.

Texte de Jean-Pierre Robert     

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