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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Marc Minkovski dirige la Messe en ut mineur de Mozart

Mozart Messe en ut mineur

  • Wolfgang Amadé Mozart : Messe en ut mineur K. 427
  • Ana Maria Labin, Ambroisine Bré (sopranos), Stanislas de Barbeyrac (ténor), Norman Patzke (basse)
  • Chœur et Orchestre des Musiciens du Louvre, dir. Marc Minkovski
  • 1 CD Pentatone : PTC 5186 812 (Distribution : Outhere Music)
  • www.outhere-music.com
  • Durée du CD : 48 min 28 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5) 

Pour son retour au disque, Marc Minkovski a choisi la Messe en Ut mineur de Mozart. Tout un symbole, car cette œuvre est éminemment attachée à la ville de Salzbourg où le chef français a débuté naguère au Festival d'été, avant d'y devenir directeur artistique de la Semaine Mozart. C'est à ce dernier titre qu'en 2015, il donna une version scénique et équestre, dans la régie de Bartabas, de Davide Penitente K. 469, musique reprenant précisément celle de la Messe en ut. La présente interprétation est marquée au sceau de la souple rigueur, vraie façon de jouer cette musique venue de l'âme.

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Elle a connu un sort singulier. Fruit des circonstances historiques et du destin personnel de Mozart. L'avènement en 1772 de Hieronymus Colloredo, nouveau Prince archevêque de Salzbourg, et la politique de rigueur dans le domaine musical menée par cet homme sans concession ont mis dans l'embarras les musiciens du cru, dont Mozart qui n'est plus qu'organiste de la cour à compter de 1779. Il décide de démissionner et de quitter la ville pour tenter de s’installer à Vienne où il espère trouver plus de liberté. Cette époque est aussi celle des retrouvailles avec la curieuse famille Weber et ses filles, dont la jeune Constance, qu'il épouse en août 1782. C'est leur relation amoureuse heureuse qui est directement à l'origine de la composition de cette nouvelle messe dont la composition débute en 1782. Qu'il n’achèvera pourtant pas. Elle sera donnée incomplète pour la première fois dans l'église Saint Pierre en octobre 1783, et non au Dom, la cathédrale, car le monastère de Sankt Peter n'était pas dans la juridiction du rationaliste Colloredo. Pourquoi Mozart ne termina-t-il pas cette messe qui pouvait devenir une grande et vaste œuvre liturgique ? Jean & Brigitte Massin (in ''W A Mozart''/ Fayard) estiment que Mozart « ne s'occupe de Dieu dans sa musique que quand toute autre occupation se refuse à elle », et qu'« il est possible qu'à ce moment la foi chrétienne de Wolfgang ne soit plus exactement aussi candide que dans son adolescence ». 

La Messe en ut mineur comprend le Kyrie, le Gloria, mais seulement deux sections du Credo non complètement instrumentées, puis une partie du Sanctus, avec les seules parties de vents et de timbales. Manque le reste, dont l'Agnus Dei. Plusieurs éditions en ont été réalisées, singulièrement au XXème siècle : d'une part, par HC. Robbins Landon, en 1956, pour le bicentenaire de Mozart, et plus récemment, par Helmut Eder, en 1985, à la demande de la ''Nouvelle Édition Mozart'' de Salzbourg. C'est sur cette dernière version que s'appuie Minkovski pour la présente exécution.

Malgré ses maigres proportions, l’œuvre laisse transparaître sa force, qui si elle avait été menée à son terme, aurait permis, selon Geneviève Geffray, naguère responsable de la Bibliothèque du Mozarteum, de la comparer en importance à la Messe en Si mineur de Bach, voire à la Missa solemnis de Beethoven. L'orchestration est somptueuse, bardée de fugues pour en renforcer l'expressivité. La contribution du chœur y est notable, qui débute le Kyrie et intervient souvent par la suite. Soit seul, au ''Gratias'' et au ''Jesu Christe'', et dans la fugue du ''Cum sancto spiritus'' du Gloria, puis au Ier verset du Credo, enfin au Sanctus. Soit accompagnant les solistes dans d'autres parties du Gloria (''Qui tollis'' avec les 2 sopranos). Quatre solistes se partagent les parties de solo : deux sopranos, traitées dans des registres tendus, plus opératiques que strictement religieux. On dit que Constance Mozart aurait tenu une de ces deux parties lors de la création salzbourgeoise. La section ''Laudamus te'' du Gloria est prétexte à force fioritures de la soprano I, qui dialogue avec la soprano II au ''Domine'' dans des vocalises avantageuses, puis au ''Quoniam'', là où s'ajoute, pour la première fois, la voix de ténor. C'est sans doute au verset ''Et incarnatus est'' du Credo que les deux voix féminines sont le mieux mises en valeur : après une introduction orchestrale d'une grande douceur, faisant saillir les bois, hautbois et bassons, l'entrée de la soprano I est séraphique, ce qui se poursuit en vocalises nursées par les bois, cantilène du hautbois, accompagnement discret du basson. La soprano II reprend le verset avec pareille vocalité ardue autant dans l'aigu que dans le grave, préfigurant les fameux sauts d'intervalles des deux airs de Fiordiligi de Così fan tutte. L'entier quatuor n'est réuni que pour la dernière section ''Benedictus''. Le ton y est allègre, concluant sur une note optimiste une œuvre débutée dans la presque douleur.

L'interprétation de Marc Minkovski illumine l’œuvre par une direction extrêmement pensée, d'une souveraine fluidité et d'un parfait naturel. Le travail sur les bois est magistral, que les Musiciens du Louvre défendent avec ferveur et des couleurs irisées. Le chœur, composé de neuf chanteurs, ''chœur ripieno'' est-il indiqué, sonne pourtant comme s'il était nombreux tant leur chant est intense, sans être appuyé. Comme il en est de cette lecture dans son ensemble. Les quatre solistes ne sont pas starisés, à l'instar d'autres versions discographiques : les deux sopranos, Ana Maria Labin, Ambroisine Bré, se tirent vaillamment des amplitudes extrêmes accumulées à l'envi par Mozart, n'étaient des graves un peu détimbrés, qu'implique malgré tout cette partition singulière. Le ténor Stanislas de Barbeyrac, un habitué des distributions assemblées par Minkovski et qui fut des représentations du Davide Penitente de la Semaine Mozart 2015, se distingue par un tendre timbre solaire.

L'enregistrement, effectué en conjonction avec des concerts, à la MC2 de Grenoble, offre une image d'un grand naturel, sans grave excessif, grâce à une belle disposition orchestrale et une habile intrication entre cordes et vents. L'équilibre chœur, solistes et orchestre est tout à fait satisfaisant.

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Texte de Jean-Pierre Robert  

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