DVD d'opéra : Le Postillon de Lonjumeau
- Adolphe Adam : Le Postillon de Lonjumeau. Opéra-comique en trois actes. Livret d'Adolphe Leuven et Léon-Lévy Brunswick
- Michael Spyres (Chapelou/Saint-Phar), Florie Valiquette (Madeleine/Madame de Latour), Franck Leguérinel (Le marquis de Corcy), Laurent Kubla (Biju/Alcindor), Michel Fau (Rose), Yannis Ezziadi (Louis XV), Julien Clément (Bourdon)
- Chœurs Accentus
- Orchestre de l'Opéra de Rouen Normandie, dir. Sébastien Rouland
- Mise en scène : Michel Fau
- Emmanuel Charles, décors
- Christian Lacroix, costumes
- Joël Fabing, lumières
- Pascale Fau, maquillages
- Production de l'Opéra Comique, Paris, captée les 5 & 7 avril 2019
- Video director : François Roussillon
- 1 DVD Naxos : 2.110662 (Distribution : Outhere Distribution)
- Durée du DVD : 137 min
- Note technique : (5/5)
Voici la captation vidéo de la pièce d'Adam, donnée à l'Opéra Comique à Paris en avril 2019, louée ici pour ses couleurs bariolées et sa formidable distribution. La prise de vues donne une idée assez exacte d'un spectacle d'une belle fantaisie doublée d'un art de l'onirique qui n'appartient qu'à Michel Fau, son ingénieux metteur en scène.
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Comme le rappelle Agnès Terrier, dans le livret, mettre en scène un postillon relevait pour ses auteurs d'un sûr calcul. Car cela ne pouvait que séduire le public des départements, que courtisait l'Opéra Comique. Ensuite, le sujet du voyage, avec ses rencontres imprévues, était un bon point de départ pour une comédie qui a pour but de peindre la société dans tous ses états. Enfin par le truchement du costume du postillon et de ses attributs, fouet et cor, qui n'avaient pas changé depuis des lustres, d'avisés librettistes pouvaient placer l'action sous le règne de Louis XV. C'est ce qu'a bien pensé Michel Fau qui a demandé à son costumier, Christian Lacroix, et à son décorateur, Emmanuel Charles, de situer l'action, en fait... à la fois à l'époque de la création, sous Louis Philippe, et durant l'Ancien Régime. De plus, comment imaginer un postillon de malle poste sans des atours somptueux, car il est un homme élégant qui sait en imposer.
La captation filmique restitue la profusion de couleurs, proche du coloriage, du rose bonbon, des robes à panier de Mme de Latour et de sa suivante, Rose, la bien nommée, au vert d'une forêt fantasmée, au bleu pervenche des rideaux de scène enluminés de fleurs dans des dessins d'une gracieuse symétrie, pour installer certains dialogues en aparté. Ou encore l'ocre virant sur le doré de la fameuse scène de théâtre sur le théâtre au IIème acte, qui voit le héros, M. de Saint Phar, ténor renommé, ex-postillon joli cœur, déclarer sa flamme à la dame, sans doute plus attirante pour sa fortune que pour ses charmes secrets. Cette composition est un tour de force, casque emplumé, ailes d'ange exterminateur, armure rutilante d'or et glaive assorti. La caméra détaille aussi à l'envi les maquillages particulièrement étudiés, généreusement poudrés, rosés, avec mouches obligées. Et que dire des perruques Grand Siècle, qui lorgnent par leurs étourdissantes dimensions vers l'époque de Marie-Antoinette plus que de celle de Louis XV. Mais ce mélange des siècles apporte un sel supplémentaire à l'affaire amoureuse. L'image illustre l’hyperbole de la conception dramaturgique de Fau et sa gestuelle emphatique. Car la direction d'acteurs ne se prive pas d'appuyer le trait dans les attitudes et les expressions, comme lors du duo entre l'intendant de Corcy et le Postillon Chapelou. Le personnage de cet intendant des Menus Plaisirs, centre de gravité de l'intrigue, est extrêmement portraituré, sa préciosité bien saisie dans des plans réalistes.
Le film qui ne cherche pas à s'écarter d'un premier degré déjà suffisamment foisonnant, varie habilement les cadrages. Et on sait que François Roussillon et ses équipes savent comment coller à un spectacle pour en tirer le suc. Quelques gros plans spectraux tiennent en haleine, figures aux yeux exorbités, expression de suffisance mêlée d'ironie. Même si les plans d'ensemble, s'agissant des chœurs en particulier, restent sages, comme l'est leur traitement par le metteur en scène qui a sans doute volontairement cherché à rester dans le convenu d'opéra. Une mention particulière aux éclairages monochromes qui réfèrent aux couleurs cardinales citées plus haut. En un mot, une vision onirique qui fonctionne bien à l'image.
De l'interprétation musicale, on a dit tout le bien. On ajoutera combien la formidable prestation de Michael Spyres dans le rôle-titre est avantagée par la caméra. Sans doute l’œuvre a-t-elle été montée parce qu'on disposait de cette voix unique à la tessiture aiguë phénoménale, qui ménage des écarts de dynamique avec une confondante aisance. Vraiment une voix d'or au contre Ré à 1000 écus ! Il confère distinction à cette histoire, l'assortissant d'un humour coquin et d'une diction française immaculée. Il peut compter sur une distribution solide avec le fin soprano et le jeu tout en finesse de Florie Valiquette, Madeleine, la faconde joliment empesée de Franck Leguérinel, Marquis de Corcy alias l'intendant, l'abattage de Laurent Kubla dans les personnages de Biju et d'Alcindor. Et bien sûr la composition excessive sans y toucher de Michel Fau, Rose. Les chœurs Accentus sont un autre atout et c'est un ravissement de voir chacun costumé avec autant de talent. La direction précise et enjouée de Sébastien Rouland et les belles sonorités de l'Orchestre de l'Opéra de Rouen Normandie complètent une proposition décidément alléchante qui n'a, semble-t-il, pas de rivale en DVD.
Quant à la prise de son, d'un indéniable relief, elle rend justice à l'acoustique très présente de la Salle Favart. La balance est satisfaisante entre fosse et plateau pour un rendu parfaitement adapté aux mouvements scéniques.
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Texte de Jean-Pierre Robert
DVD disponible sur Amazon
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