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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Samson, oratorio de Haendel

Handel Samson

  • George Frideric Handel : Samson, HWV 57, oratorio en trois actes. Livret de Newburgh Hamilton
  • Matthew Newlin (Samson), Klara Ek (Dalila), Lawrence Zazzo (Micah), Luigi di Donato (Manoah/Harapha), Julie Roset (Une femme philistine/Une femme israélite), Maxime Melnik (Un messager/Un philistin)
  • Chœur de Chambre de Namur
  • Millenium Orchestra, dir. Leonardo García Alarcón
  • 2 CD Ricercar : RIC 411 (Distribution : Outhere Distribution)
  • Durée des CDs : 2 h 28 min
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile grise (4/5) 

L'oratorio Samson de Haendel connaît assez peu les faveurs du disque. Encore moins de la scène, à la différence de Saul ou de Semele, entre autres. Et du Messie qui le précède dans le catalogue. Leonardo García Alarcón relève le gant et donne une version qu'il dit inspirée des choix interprétatifs de Nikolaus Harnoncourt dont la version parue en 1992 fait encore référence. Une distribution de jeunes talents, un chœur exceptionnel tout comme son Orchestre Millenium concourent à faire de cette nouvelle venue une version avec laquelle il faut désormais compter.

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Après voir écrit pour l'Angleterre bien des opéras qui n'avaient que le malheur d'être chantés en italien, Haendel se tourne vers l'oratorio et dans la langue de Shakespeare. D'autant que pour traiter des sujets religieux, il faut alors se plier à ce genre non démonstratif, puisque non conçu pour la scène. L'oratorio sera donc un opéra sur un sujet religieux, « un drame musical », souligne Romain Rolland. Ce que « l'herculéen Samson » appelle presque nécessairement. En abordant le sujet biblique du tragique destin de Samson, Haendel conçoit une trame héroïque où un personnage hors norme s'assigne la défense et la liberté du peuple de Dieu. Tirée du Livre des Juges, la trame se situe bien au-delà d'un simple récit. Elle installe un drame d'une grande profondeur psychologique : la reconstruction mentale de l'élu, depuis l'abyssal désespoir (acte I), à la colère face à une Dalila trop calculatrice et à la provocation du chef des Philistins (acte II), enfin à la résolution de se mesurer à eux et de les vaincre (acte III). Mais le héros périra, tout comme ses victimes, lors de l'écrasement du temple de Dagon, qu'il a provoqué de sa terrible force. À la différence de l'opéra de Saint-Saëns Samson et Dalila, qui ne dit rien sur ce point, la fin de l'oratorio de Haendel est aussi celle de Samson, déplorée par le peuple d’Israël. Outre le personnage titre, le chœur - des Israélites, des Philistins - occupe une place essentielle, un rôle moteur, au point d'être « l'âme de l’œuvre » (ibid.). Il participe d'une composition musicale au fort potentiel dramatique, à la différence du Messie. Car les autres personnages ne sont pas moins burinés, comme Dalila, Micah le fidèle, ou le philistin Harapha. La musique est colorée, souvent resplendissante, qui si elle satisfait à l'art du recyclage, puisant même chez autrui (Muffat et quelques autres), n'en possède pas moins des pages mémorables dans ses arias et ses chœurs. Voire quelquefois dans des airs rehaussés par le chœur.   

La présente version est le fruit d'une exécution de concert captée à Namur : un challenge soutenu avec une rare tension. Que communique la direction flamboyante de Leonaro García Alarcón : un sens de l'équilibre épousant toutes les facettes d'une musique dont il partage d'évidence la sensibilité de l'idiome. Des tempos plutôt alertes mais jamais heurtés, même lorsque bien sentis dans le mode rapide (duo Samson-Harapha à l'acte II scène 3), des nuances magistralement assorties entre le vif et le lent. Il bénéficie des sonorités particulièrement raffinées du Millenium Orchestra qui offre une palette d'exception, singulièrement chez les solistes, dont le théorbe de Thomas Dunford ou les flûtes d’Anne Freitag et Olivier Riehl ; sans parler des cuivres d'une superbe couleur patinée. Et du Chœur de Chambre de Namur qui allie plasticité vocale et présence vraie, dans le double rôle du peuple israélite ou philistin, voire des deux à la fois, à la fin du IIème acte, glorifiant leur dieu respectif, Jehovah et Dagon. On mesure l'étonnante ductilité de cet ensemble lors du chœur des Israélites ''Armé de tonnerre, ô grand Dieu, lève-Toi !'' (III, 1), mené à vive allure par le chef argentin. Qui pour cette première intégrale vocale haendélienne réalise un coup de maître.

La distribution allie des noms nouveaux à des voix consacrées. À commencer par le jeune ténor Matthew Newlin (Samson) : un timbre vaillant, parfaitement entraîné à la vocalité requise de l’œuvre alors qu'il ne possède pas (encore) beaucoup de rôles baroques à son répertoire. Un engagement sans faille dans un intéressant éventail de nuances au fil d'arias où se côtoient la tristesse/ (''Total eclipse'' I/2), la détresse de l'homme se sentant rejeté (''Return'' II/1), la colère à peine dissimulée face à Dalila (''Your charms to ruin'' II./2), laquelle se développe dans le duo qui suit, puis la détermination à aller au contact de ses ennemis (''Thus when the sun from's wat'ry bed''/Ainsi lorsque le soleil se couche, III/1), un moment d'intense rétrospection clamée dans un climat presque suave. Autre découverte, l'adorable soprano de Julie Roset qui, si ses personnages sont moins mis en avant quoique non secondaires, comme La femme israélite, a la chance de conclure l’œuvre sur une note d'espoir et des trilles séraphiques. La Dalila de Klara Ek est un peu en retrait. La première aria ''With plaintives note's'') (II/1) n'est pas très sexy. Mais les deux suivantes la montrent plus à son avantage, dont ''My faith & truth''/Écoute la voix de l'amour (II/2), avec en écho l'étonnante Julie Roset, incarnant Une femme philistine cette fois, et surtout le chœur des Vierges au lointain, un effet d'une rare puissance évocatrice chez Haendel. À leurs côtés, Lawrence Zazzo (Micah) use de sa voix de contre-ténor pour distiller séduction sibylline, voire paroles humoristiques, bardant de trilles ''The holy One'' (III/1), enfin tendresse vraie dans ''Ye sons of Israel'' (III/3), d'une douceur émue. Luigi di Donato, à la fois Manoah et le philistin Harapha, délivre une basse disciplinée qui enlumine les scènes récitatives qui sont parmi les joyaux de la partition.

L'enregistrement live, à l'église Saint-Loup de Namur, en juillet 2018, durant le Festival Musical de Namur, réalise ce tour de force de préserver un indéniable relief dans une acoustique résonnante. La définition de l'ensemble orchestral est excellente comme l'équilibre cordes-bois et les interventions solistes instrumentales ne sont pas trop mises en avant. Il en va de même de celle du chœur placé immédiatement derrière. La prise de son capte les solistes vocaux avec doigté.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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