CD : Pièces de clavecin d'Armand-Louis Couperin
- Armand-Louis Couperin : Pièces de clavecin en sol et en si bémol
- Christophe Rousset, clavecin
- 2 CDs Aparté : AP 236 (Distribution: PIAS) www.apartemusic.com
- Durée des CDs : 49 min + 51 min
- Note technique : (5/5)
Le nom de Couperin évoque bien sûr d'abord celui de François, dit ''Le Grand''. Armand-Louis Couperin, son neveu, reste méconnu, sauf des spécialistes. Organiste, comme son père, il a composé aussi des pièces de clavecin. L'infatigable dénicheur Christophe Rousset répare une injustice et offre ce qui est, semble-t-il, une première intégrale au disque, dans une interprétation qui met en valeur le caractère original et parfois même sensuel des ces morceaux. À découvrir.
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Fils de Nicolas Couperin, cousin de François, Armand-Louis Couperin (1727-1789) fut comme son père organiste titulaire à l'église Saint-Gervais à Paris, puis dans d'autres lieux dont Notre Dame et la Sainte Chapelle. Il était aussi claveciniste, gènes familiaux obligent. Il épousera d'ailleurs la fille du célèbre facteur François Étienne Blanchet. Il était collectionneur d'instruments de musique, de clavecins en particulier. Compositeur enfin, il a écrit, entre autres, pour cet instrument. Le Livre de Pièces de clavecin, de 1751, est constitué d'un ensemble de 22 pièces réparties en deux cahiers, les ''Pièces en sol'' et ''Les Pièces en Si bémol''. Elles sont dédiées à Madame Victoire de France, cinquième fille de Louis XV, elle-même fine musicienne. Elle a inspiré d'autres clavecinistes français mais aussi le tout jeune Mozart qui, lors de son voyage à Versailles en 1764, lui dédie ses Deux Sonates pour le clavecin et accompagnement de violon K. 6 & 7. Les présentes compositions marquent, selon Denis Herlin, auteur du texte de la plaquette des CD, « le chant du cygne du clavecin français ». En effet, on y trouve un condensé de la manière d'un musicien discret qui écrit, dans la préface de cette œuvre : « j'ai tâché d'y varier les goûts, et d'être neuf, tout y est portrait en différents genres ».
Les deux cahiers contiennent d'abord des pièces en portrait, portant le nom du dédicataire, selon un usage alors bien établi. Où le musicien s'efforce de tracer quelques traits de la personne dont il s'agit. Ainsi de ''La Victoire'', qui n'est autre que la royale dédicataire, dans une pièce de grande allure. Pour ''La Blanchet'', sa future épouse, il cherche à mettre en avant la formidable technique de celle-ci, assortissant le morceau de traits virtuoses. ''La Adam'' offre une écriture cocasse, sans doute pour imiter une dame, dite aussi ''L'Arlequin'', partageant une grande fantaisie. ''La Sémillante ou La Joly'' distille un vrai bagou sur toute l'étendue du registre, en des traits répétitifs assénés dans un incessant tourbillon. ''La Foucquet'' est un hommage à un autre des organistes de Notre Dame, pièce parsemée là encore d'accords en répétition et opposant aigus et graves.
On y trouve aussi des mouvements de danse. Comme une ''Allemande'' qui rappelle Rameau, une ''Courante'' vive, des ''Menuets'' alertes variant les registres. Ou encore des ''Gavottes'', élégantes plus que galantes. Et d'autres ''Menuets'', dans les ''Pièces en si bémol'', où les diverses facettes de cette danse sont richement ornementées, donnant une impression de grande diversité. Le ''Rondeau gracieux'' est d'une joliesse toute française de son époque Louis XV.
Les pièces de caractère ne sont pas moins intéressantes. ''L'Intrépide'' est enjouée, de son rythme allant. ''L'Affligée'', la plus personnelle du style de son auteur, laisse s'exprimer un sentiment de nostalgie dans un débit retenu, sorte de largo expressif avec trilles déliés à la main droite, silences en retenant le cours. Suit un passage dans le grave, encore plus sombre, entrecoupé de sortes de questions-réponses empreintes de tristesse. ''L'Enjouée'' qui suit, dans les ''Pièces en si bémol'', fait contraste par son aspect joyeux. Puis ''Les Tendres sentimens'', pièce qui doit être jouée ''avec âme'', exhale une suave tendresse. La dernière pièce du deuxième cahier ''Les Quatre Nations'' est composée de tableaux où Armand-Louis s'attache à décrire, non sans humour, les traits saillants des divers styles européens alors en vogue : d'abord ''L'Italienne'', bien sonnante dans le registre aigu, un brin bavarde dans son refrain. Puis ''L'Angloise'', plus timide et presque précieuse dans le registre grave. ''L'Allemande'' est combative et presque rentre-dedans, dotée d'effets de chasse. Avec ''La Françoise'' enfin, c'est le surgissement de l'esprit cartésien, doublé de sa volubilité naturelle et de son inébranlable joie de vivre.
De tous ces morceaux, Christophe Rousset offre bien sûr le nec plus ultra, de son jeu idiomatique question style. Les sonorités de l'instrument joué y sont pour beaucoup : un clavecin richement enluminé de Jean-Claude Goujon, à Paris, de la première moitié du XVIIIème, ravalé et ''étendu'' par Jacques Joachim Swanen, en 1784, et conservé au Musée de la Musique : des aigus dégagés et percutants, des graves ronds non excessifs, une mécanique semble-t-il souple. La palette sonore est d'une étonnante richesse, « permettant un semblant d'expressivité », selon son préparateur Jean-Claude Battault. De quoi mettre en valeur le caractère si singulier de ces pièces.
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L'enregistrement, à l'amphithéâtre du Musée, offre une ambiance à la fois proche et aérée. Le clavecin, bien centré, déploie tous ses sortilèges.
Texte de Jean-Pierre Robert
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