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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : L'Heure bleue, de Hildegarde de Bingen à Philippe Hersant

LHeureBleue Marianne Piketty

  • ''L'Heure bleue''
  • Hildegarde de Bingen : Trois Visions (arrangement pour orchestre à cordes par Olivier Fourés)
  • Karl Amadeus Hartmann : Concerto Funèbre pour violon et orchestre à cordes
  • Philippe Hersant : Une vision d'Hildegarde
  • Dmitri Chostakovitch : Deux pièces pour octuor à cordes, op.11
  • Le Concert Idéal, violon et dir. Marianne Piketty
  • 1 CD Évidence classics : EVCD 068 (Distribution :PIAS)
  • Durée du CD : 60 min
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5) 

Le concept de l'Heure bleue, moment d'incertitude entre fin de nuit et lever du jour, est aussi celui des prémonitions. Autour de ce thème, la violoniste Marianne Piketty et son ensemble Le Concert Idéal ont conçu un programme à la rencontre de compositeurs visionnaires comme Karl Amadeus Hartmann et Hiledegarde de Bingen. Mais aussi Dmitri Chostakovitch et Philippe Hersant. Un parcours entre ombre et lumière, pour une expérience sensorielle intense. Défendu avec brio.

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Qu'y a-t-il de commun entre le compositeur Karl Amadeus Hartmann dénonçant les horreurs du IIIème Reich et les visions mystiques de l'abbesse Hildegarde de Bingen, si ce n'est des œuvres prémonitoires et l'idée de l'exploration du temps. Karl Amadeus Hartmann (1905-1963) compose en 1939 son Concerto Funèbre pour violon et orchestre à cordes, manifeste de résistance contre la barbarie nazie. Il est constitué de quatre mouvements enchaînés. Une courte ''Introduction (Largo)'', en forme de choral, offre un chemin d'espoir, inspiré d'un choral hussite du XVème. Le violon solo occupe un rôle central. Vient un ''Adagio'', méditation sombre, portée par le violon, narration poignante où l'on perçoit quelque révolte mêlée à l'espoir, la foi dans l'humain. Là encore la partie de violon est extrêmement travaillée. L' ''Allegro di molto'' survient comme une explosion de révolte. On y décèle des presque citations de Bartók, Stravinsky et Chostakovitch. L'ensemble des cordes prodigue une texture fournie pour une vraie course à l’abîme. ''Choral'' offre un finale assagi qui reprend un chant révolutionnaire russe, également utilisé par Chostakovitch dans sa Onzième Symphonie : méditation funèbre de tout l'orchestre, dont se détache le soliloque du violon, tragique mais aussi porteuse d'espoir.

La religieuse Hildegarde von Bingen (1098-1179) écrit, entre autres, des ''visions'', réunies dans un ouvrage intitulé ''Le livre des heures divines''. En miroir ou plutôt en écho négatif à l'idée d'insoumission portée par le concerto de Hartmann, elles symbolisent une prémonition flamboyante. Sont données trois de ces pièces, dans un arrangement dû à Olivier Fourés, pour petit ensemble de cordes. ''O magne Pater'', sur les origines, est une vision de béatitude. ''Rex noster promptus est'' rappelle les martyrs innocents. ''Vox flores rosarum'' décrit des roses capables de fleurir sur un champ ensanglanté.

En regard de ces pièces, le disque propose encore une composition de Philippe Hersant (*1948), Une vision d'Hildegarde, commande de l'ensemble Le Concert Idéal. Pour le musicien, la pièce « est comme un trait d'union entre ces deux mondes – vision mystique et vision d'enfer ». Il s'agit d'un vaste adagio bâti sur une mélodie empruntée à Hildegarde de Bingen, exposée au violon et reprise plusieurs fois dans un registre de plus en plus aigu, sur des trémolos des autres cordes frémissantes. Il y a là quelque chose d'obsessionnel jusqu'au silence final. Et enfin Deux pièces pour octuor à cordes, op.11 de Chostakovitch, pour une suite demeurée inachevée. ''Prélude'' dispense une rythmique changeante, Allegro vif avec solo de violon et Andante plus calme. ''Scherzo'' est grinçant et dissonant, traversé de traits de violoncelle sur des pizzicatos des cordes pour une course affolée virtuose. 

L'engagement et le poli instrumental des neuf musiciens du Concert Idéal, cinq violons, deux altos, un violoncelle et une contrebasse, sonnant comme plus, nimbent ces pièces d'une aura de sérénité. Aux couleurs profuses répond l'influx dispensé, singulièrement par le violon de Marianne Piketty.

La prise de son, à l'Abbaye de Noirlac, offre une image large et aérée, naturelle, d'une belle immédiateté.

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Texte de Jean-Pierre Robert

CD disponible sur Amazon



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