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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Betulia Liberata de Mozart

Betulia Liberata

  • Wolfgang Amadé Mozart : Betulia Liberata, K 118. Action sacrée en deux parties. Libretto de Pietro Metastasio
  • Sandrine Piau (Amital), Teresa Iervolino (Guiditta), Pablo Bemsch (Ozia), Nahuel Di Pierro (Achior), Amanda Forsythe (Cabri & Carmi)
  • Chœurs Accentus
  • Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset
  • 2 CDs Aparté : AP235 (Distribution : PIAS)
  • Durée des CDs : 66 min + 65 min
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

Christophe Rousset retrouve les œuvres vocales du jeune Mozart. Après Mitridate, naguère chez Decca, voici Betulia Liberata. Composé peu après cet opéra, en 1771, ce qui est le seul oratorio de son auteur est écrit sur un livret de Métastase, tiré du Livre de Judith de l'Ancien Testament. L'interprétation est fastueuse, comme sait en concocter ce chef décidément inspiré, avec son ensemble des Talens Lyriques et une valeureuse distribution.

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Cette ''action sacrée'' en deux parties est en réalité bien proche de l'opéra seria dont il emprunte la succession d'arias da capo précédées de récitatifs substantiels. Plusieurs spécificités la distinguent cependant et marquent une étape intéressante dans l'évolution du jeune musicien de 15 ans. D'abord des arias avec chœurs, et très ornementées dans le sens virtuose, puis de grandes scènes récitatives développées, tel le long récit par Judith de la décapitation d'Holopherne, enfin une musique d'une grande variété, qui si elle se coule dans le moule de l'opéra baroque italien, apporte une vie étonnante à une histoire biblique qui n'offre a priori pas un grand dramatisme, et sujet auquel le compositeur Mozart était sans doute peu enclin à s'intéresser. La trame de Béthulie libérée emporte ce paradoxe étonnant de la part du librettiste Métastase de ne jamais faire apparaître le personnage clé de cet épisode, savoir Holopherne lui-même. Pourtant, bien qu'absent des dramatis personae, celui-ci est omniprésent dans le discours de tous les autres et l'oratorio n'en possède pas moins un indéniable potentiel dramatique. Celui-ci est habilement ménagé au fil de ses numéros, singulièrement à partir de l'entrée du personnage de Judith montrant sa détermination à accomplir son courageux destin, l'élimination du tyran assyrien. Ce qui est l'axe central de l'histoire telle que reprise par Métastase est replacé dans le contexte de la lutte des israélites et des assyriens et d'une action à première vue secondaire, mais pourtant essentielle : la conversion du prince assyrien Achior qui de son statut de transfuge plus ou moins espion, est peu à peu convaincu par le chef béthulien Ozia d'épouser la croyance en Dieu. D'où aussi le rôle assigné aux chœurs lors de plusieurs moments déterminants, dont à la fin de l’œuvre en contrepoint du récitatif de Judith, et à l'ultime morceau, pour célébrer aussi bien la victoire des israélites sur les assyriens que le triomphe du ''Seigneur tout-puissant''.

La réussite de cette version tient d'abord à la direction de Christophe Rousset qui depuis l'Ouverture tripartite jusqu'au dernier ensemble, fait vraiment croire à cette histoire et apprécier une partition trop longtemps restée dans l'ombre de celles prestigieuses qui lui ont succédé. Le travail musicologique a été soigneusement préparé : continuo avec orgue ou clavecin dans une approche ''dramatisante'', comme durant les scènes récitatives, limpidité des arias dont l'accompagnement est toujours vivant, animation des ensembles chorals. Enfin judicieuse mise en scène sonore mettant en valeur les diverses séquences de la partition, par exemple en ménageant un léger silence après la fin d'une aria, avant que reprenne le cours de l'histoire, créant un effet d'attente. Les Talens Lyriques procurent le fini sonore et la transparence d'un ensemble hors pair dans tous ses départements. Cette formation d'une trentaine de musiciens sonne parfaitement en situation. Le chœur Accentus prodigue pareille satisfaction dans les diverses interventions du peuple de Béthulie.

La distribution est l'autre atout. Comme il en est de la brillance de l'accompagnement orchestral, le traitement des voix est particulièrement soigné. Teresa Iervolino prête à Judith un timbre de mezzo sombre, voisinant à l'occasion avec le contralto, au fil d'arias très différenciées. Ainsi de ''Parto inerme''/Je pars désarmée (I), qui sur un orchestre rutilant, développe une énergie bravache et une vocalité digne des grandes pages de Haendel, avec force vocalises dans les cadences de la première partie et du da capo. L'aria ''Prigionier che fa ritorno''/Le prisonnier qui revient (II), après le meurtre d'Holopherne, offre un adagio d'un calme étonnant quant à la parabole du cheminement de l'ombre vers la lumière. La partie médiane, allegro, de l'éblouissement par la lumière, est nantie de vocalises tendues. Surtout, la chanteuse rend palpitant le formidable récit de la mort d'Holopherne. Autre partie importante, Achior, à laquelle Pablo Bemsch apporte vaillance et agilità dans des arias d'une prodigieuse virtuosité. Comme il en est de ''Se Dio veder tu vuoi''/Si vraiment tu désires voir Dieu (II), pourvu de traits exigeants et de longues notes tenues à perdre haleine, que ne comptera même pas le futur Belmonte de L'Enlèvement au sérail ! Sandrine Piau, casting de luxe, apporte à Armital, jeune femme israélite, les prestiges de son art dans des arias virtuoses préfigurant les grandes héroïnes à venir ou ressemblant à ces airs de concert difficultueux dont Mozart a le secret : trilles soutenus dans les séquences rapides, fusant de toute part, manière de caresser le registre plus central du soprano dans les passages adagio, voire grands écarts de dynamique. Dans les deux rôles de Cabri et de Carmi, Amanda Forsythe offre un soprano brillant. Enfin la basse Nahuel Di Pierro, Achior, est aussi à l'aise dans l'aria di furore décrivant le terrifiant personnage d'Holopherne dont « les yeux n'expriment qu'arrogance, fureur et mépris », que lors de l'aria de la conversion (II) exprimant une profonde repentance.

L'enregistrement, à la Seine musicale, peu après des exécutions en concert in loco et à la Semaine Mozart de Salzbourg, possède un très grand relief sur les voix, un vrai souci de spatialisation dans les groupes d'instruments et une balance idoine de ceux-ci avec les voix. Outre une discrète mais efficace mise en scène dans le placement des personnages.

Texte de Jean-Pierre Robert   

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