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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Daniel Barenboim dirige Falstaff et Sea Pictures d'Elgar

Elgar Barenboim 

  • Edward Elgar : Sea Pictures op.37. Falstaff op.68
  • Elīna Garanča, mezzo-soprano
  • Staatskapelle Berlin, dir. Daniel Barenboim
  • 1 CD Decca : 485 096 (Distribution : Universal Music)
  • Durée du CD : 58 min 58 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

Pour son nouveau disque consacré à Edward Elgar, Daniel Barenboim a choisi de mettre en regard le cycle de chant Sea Pictures et le poème symphonique Falstaff. On connaît l'intérêt du chef pour cet idiome hautement britannique, qui connaît un regain d'intérêt de ce coté-ci de la Manche. Il dirige son orchestre de la Staatskapelle Berlin brillant de couleurs chatoyantes.

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Il s'agit en effet de deux œuvres essentielles de la production symphonique de Edward Elgar (1857-1934). Le cycle Sea Pictures op.37 pour mezzo-soprano et orchestre a été composé en 1899. Ses cinq pièces sont écrites sur des poèmes d'auteurs différents, mais ont un point commun : la mer et ses divers états. La musique y est post-romantique, d'une riche orchestration avec les bois par deux, mais trois bassons, et une section substantielle de cuivres. On y compte même l'orgue. ''Sea Slumber Song'' (Chant du sommeil marin) est une berceuse avec un bel effet de houle nocturne. ''In Haven'' (Au port) décrit un orage menaçant à Capri. ''Sabbath Morning at Sea'' (Dimanche matin, en mer) est une vaste étude marine au discours changeant avec solo de violon dans un crescendo glorieux sur les mots ''Montre-moi le séjour des Anges''. ''Where Corals Lie'' (Vers les îlots du corail) figure une scène exotique d'un lyrisme fusionnel. Enfin, ''The Swimmer'' (Le nageur) offre l'agitation d'un violent ressac figuré à l'orchestre, plus soutenu encore dans la partie vocale, pour laisser deviner l'arrivée de l'ouragan, quoique finalement d'un impact relativement mesuré. On remarque que le thème de la première mélodie est repris durant cet ultime chant, ce qui contribue à conférer au cycle son unité stylistique. La voix opulente et si bien timbrée d'Elīna Garanča rend pleinement justice à ces pièces dont certaines pages virent sur le registre du contralto. Douceur mais aussi autorité caractérisent cette interprétation.

L'étude symphonique pour orchestre Falstaff op.68, de 1913, d'après Henry IV et Henry V de Shakespeare, est composée de quatre parties jouées enchaînées. C'est une œuvre qu'on peut comparer à celles symphoniques de Richard Strauss, son Don Quixotte en particulier. Quoique ici la forme soit narrative, empruntant au genre du poème symphonique, pour compter les aventures et tribulations de Sir John. Une musique à programme donc, qui peut déboussoler une oreille cartésienne en raison de ses sautes de dynamique comme d'humeurs et d'une imagination thématique débordante, le tout pouvant donner l'impression de discontinuité. Là encore l'écriture orchestrale est très riche et travaillée dans le détail et dans tous les départements, cordes et bois notamment, tels les traits de flûte ou de hautbois, et surtout du basson, personnifiant Falstaff.

La première partie ''Falstaff and Prince Henry'' détaille les différents aspects du caractère de Falstaff, personnage dissolu mais attachant, et un thème mélodique représentant le jeune et tout aussi mauvais garçon Prince Hal. La deuxième fait passer de la taverne londonienne où notre héros festoie, musique tendue ou gaie, à l'escapade nocturne à Gadshill où lui et ses sbires détroussent les voyageurs et se font à leur tour dépouiller par Hal. Puis retour à l'auberge pour d'autres facéties, dans un scherzo presque aérien et des envolées fantastiques dont le Trio dépeint l'homme vaniteux avec le solo de basson. Un premier ''Interlude du rêve'', nostalgique avec violon solo, détaille les souvenirs d'enfance de Falstaff et le page qu'il fut du Duc de Norfolk ; par ailleurs si finement évoqué dans l'opéra de Verdi. La 3ème partie, ''La marche de Falstaff'', lorsqu'il lève ''une armée de souillons'' pour combattre le roi à la bataille de la forêt de Gaultres : confusion et accents guerriers. Puis il rend visite à un vieil ami, le juge Shallow, épisode pastoral. Un nouvel Interlude décrit le rêve chez lui d'une Albion en paix. Mais le roi Henry IV est mort et Hal est devenu Henry V. Aussi Falstaff chevauche-t-il vers Londres, se prenant pour un personnage désormais indispensable. La dernière partie, ''Le cortège du roi Henry V'', voit Falstaff attendant dans la foule être repoussé par le roi, au son d'une musique fière richement orchestrée. La mort du héros est l'objet de la coda, évocation de vieux souvenirs, au son de pages contrastées éclatantes ou lyriques, jusqu'au dernier sursaut. Daniel Barenboim, là encore en fervent défenseur de l’œuvre, se garde de se perdre dans ses méandres. Grâce aux couleurs et à la cohésion étonnante de sa formation berlinoise dans un répertoire qui ne lui est a priori pas familier.

L'enregistrement, effectué à la fois au Staatsoper unter den Linden et à la Philharmonie de Berlin, deux salles ayant une acoustique bien différente, laisse à penser que le premier lieu a été privilégié car l'image sonore est plus proche qu'aérée. La perspective est pourtant naturelle pour des prises live de concerts et l'étagement des plans idoine, dont les violons I et la petite harmonie. Les écarts de dynamique sont puissamment restitués. Dans les chants, la voix est placée dans un rapport satisfaisant avec l'orchestre.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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