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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : éclats de Folie

Portraits de la folie

  • ''Portraits de la Folie''
  • Œuvres vocales d'André Campra (ext. des Fêtes vénitiennes), André Cardinal Destouches (ext. de Sémélé & de Le Carnaval et la Folie), Marin Marais (ext. de Sémélé), Henry Purcell (ext. de Choice Ayres and Songs & de Don Quixote), George Frideric Handel (Ah ! Crudel nel pianto mio)
  • Pièces instrumentales de Reinhard Keiser (Sinfonia de Jodelet), Johann David Heinichen (Concerto a 7), John Eccles (Ground en fa majeur), Marin Marais (Caprice ext. de la Suite N °5 des Pièces en trio), Jean-Féry Rebel (Rondeau Air pour l'amour)
  • Stéphanie D'Oustrac, mezzo-soprano
  • Ensemble Amarillis, dir. Héloïse Gaillard
  • 1 CD Harmonia Mundi : HMM 902646 (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 67 min
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

Le thème de la Folie a fertilisé l'imagination des musiciens. « Figure emblématique de l'époque baroque, la Folie s'est incarnée sous un personnage aux multiples facettes, traversé par la diversité des passions humaines », remarque Héloïse Gaillard. Au point qu'il n'est pas si éloigné de celui de l'Amour. Le programme de ce CD en fait une sorte d'éloge, au fil d'un voyage compréhensif mettant en regard les deux aspects en un savant mélange de pièces vocales et instrumentales.

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Qui dit folie en musique, dit bien sûr d'abord son expression par le chant, pour en exprimer les divers états, la démence, la folie feinte, le débordement passionnel, voire la joyeuse excentricité. Stéphanie D'Oustrac les illustre à travers une poignée d'airs. Ainsi de ''Accourez hâtez-vous'', extrait des Fêtes vénitiennes de Campra, « une folie séductrice, charmeuse et triomphante » (ibid), tout l'envers d'une Raison ennuyeuse. Dans la cantate Sémélé d'André Cardinal Destouches, la folie s'adonne aux plaisirs de l'amour, dans une première partie d'une grande douceur avec hautbois obligé, puis plus agitée durant la seconde, sur le mode de l'aria di furore convoquant le tonnerre et le feu se répandant sur terre, avant une fin assagie. Sur le même thème de la folle entreprise amoureuse de la belle Sémélé, Marin Marais offre une vision plus idyllique dans une aria où la voix dialogue avec la flûte. Retour à une figure passionnée de la folie avec quelques Mad songs anglais. Dans ''From silent shades'', tiré du recueil Choice Ayres and songs d'Henry Purcell, le lamento débuté de manière affectée sombre insensiblement dans le désordre. Tandis que ''From Rosy bow'rs'' extrait d'une musique de scène pour un Don Quixote, déroule une vraie petite scénette en plusieurs parties où il en est appelé à la Musique pour apaiser un cœur agité.

La cantate ''Ah crudel nel pianto moi'' (Ah cruel dans mes larmes) HWV 78 fait partie des cantates italiennes que Haendel composa à Rome en 1708, pour et sur un texte du cardinal Ottoboni. Y est traitée une plainte amoureuse emplie de contrastes exprimant les tourments d'une âme qui se sent délaissée. Après une Sinfonia avec violon et deux hautbois solos sur un alerte ripieno, le lamento fait se succéder trois arias entrecoupées de deux récitatifs : une de type adagio d'épanchement hyperbolique avec grands sauts d'intervalles, une autre allegro sur ''la beauté que le ciel t'a donnée'' et une aria finale da capo avec vocalises à la partie centrale reprenant le tempo de la première strophe et où s'enlacent voix et hautbois. La folie peut encore se révéler exubérante jusqu'à l'excès, proche de l'accablement. Ainsi des arias extraites de la comédie lyrique Le Carnaval et la Folie de Destouches, même si le ton est encore allègre. 

Quelques pièces instrumentales complètent le tableau, apportant d'indispensables contrastes. Comme le Concerto a 7 en sol majeur pour violon et hautbois de Johann David Heinichen. Il offre un Vivace nanti d'un aimable dialogue entre les deux solistes, un Largo amoureux et un Allegro vif et plein d’esprit. Le ''Caprice'' de Marais, emprunté à la Suite N°5 des Pièces en trio pour les Flûtes, Violons & Dessus de Viole, est joliment balancé sur un rythme de danse, offrant de tendres accents, loin de toute excentricité. Le ''Ground'' en fa mineur de John Eccles, joué au seul clavecin, apporte un étonnant répit au milieu des Mad songs de Purcell.

De son timbre d'une rare plénitude et d'une belle richesse harmonique, comme l'était naguère la voix de Christa Ludwig, Stéphanie D'Oustrac se meut avec une totale aisance dans ces diverses musiques qu'elle adorne de toute la palette de son art, de l'aigu vaillant du soprano aux sombres couleurs du contralto. Au service d'une expression où l'on sent une personnalité de comédienne, qui apporte authenticité à la peinture des différents affects de la folie, triste, gaie, mélancolique. La déclamation sait être tour à tour passionnée, voire véhémente, ou d'une extrême retenue. Elle est entourée par l'Ensemble Amarillis, un partenaire habituel, dont la manière chambriste dépasse le simple accompagnement et se pare de solos magistraux, tel le hautbois d'Héloïse Gaillard, le violon d'Alice Piérot et le clavecin de Violaine Cochard.

L'enregistrement privilégie une acoustique intimiste. La voix est très présente, mais merveilleusement enveloppée dans l'écrin instrumental.

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Texte de Jean-Pierre Robert  

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Héloïse Gaillard, Stéphanie D'Oustrac, Ensemble Amarillis

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