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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : deux œuvres chambristes majeures de Chostakovitch

Shostakovitch Trio Wanderer

  • Dimitri Chostakovitch : Quintette pour piano et cordes, op.57. Sept Romances sur des poèmes d'Alexander Blok, pour voix de soprano, violon, violoncelle et piano, op.127
  • Ekaterina Semenchuk, mezzo-soprano
  • Trio Wanderer
  • Avec Catherine Montier, violon, Christophe Gaugué, alto (Romances)
  • 1 CD Harmonia Mundi : HMM 902289  (Distribution : PIAS)
  • Durée du CD : 56 min 42 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5) 

Le magistral programme de ce disque associe deux grandes compositions de musique de chambre de Chostakovitch, autres que ses quatuors à cordes : le célèbre Quintette pour piano et une œuvre par trop méconnue, les Sept Romances sur des poèmes d'Alexander Blok. Le Trio Wanderer revient ainsi à un musicien qui lui est cher, rejoint par une grande voix russe.

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Chostakovitch écrit son Quintette pour piano et cordes op.57 en 1940, peu après son premier quatuor. Celui-ci connaît immédiatement le succès, que ne partage cependant pas Prokofiev, lequel se montre quelque peu critique, tout en reconnaissant bien des vertus à l’œuvre de son collègue ! Sa structure en cinq mouvements s'articule en arche, les deux premiers et les deux derniers joués enchaînés, autour du troisième en forme de scherzo. Les Wanderer et leurs collègues prennent le Prélude lento gravement, depuis l'introduction solennelle par le superbe piano de Vincent Coq, reprise par le quatuor. La référence à Bach imprime au mouvement un ton néoclassique, fustigé par Prokofiev. La Fugue adagio qui suit immédiatement offre un sujet dépouillé, d'abord exposé aux cordes. L'entrée du piano assoit un discours qui se tend peu à peu avec opposition des deux cordes aiguës et du couple alto-violoncelle, et se dissout en petites cellules caressantes et pianissimo dans la fugue proprement dite, d'une extrême gravité ici. Le Scherzo Allegretto contraste par un ton presque caustique, notamment au piano. Les phrases se succèdent allègres, en particulier de la part d'un piano percussif, virant au sarcastique. À l'Intermezzo Lento, le Ier violon de Jean-Marc Phillips-Varjabédian dans le registre suraigu entame une ligne sinueuse sur des pizzicatos du cello rejoint par l'alto, avant que le discours s'élargisse avec l'entrée du piano. L'opposition des registres, là encore, instaure une grande douceur, jusqu'à une fin pppp extatique. Le Finale Allegretto, joué enchaîné, retrouve la légèreté. Le piano est presque martelé dans l'aigu et la musique caracole, seulement interrompue par une section expressive ppp, résolution de la tension accumulée dans les mouvements précédents. La coda conduit l’œuvre vers le silence, non sans une pointe d'humour. Outre le piano magistralement timbré de Coq, les autres musiciens des Wanderer, dont le cello de Raphaël Pidoux, et leurs partenaires, Catherine Montier (violon) et Christophe Gaugué (alto), livrent une exécution aussi sobre qu'intense et d'un respect scrupuleux des nombreuses indications dont Chostakovitch truffe cette étonnante partition.

Toutes autres sont les Sept Romances sur des poèmes d'Alexander Blok, op.127. Cette ''suite vocale et instrumentale'' pour soprano, piano, violon et violoncelle, a été créée en 1967 par Galina Vichnevskaïa, David Oïstrakh, Mstislav Rostropovitch et Moshe Weinberg au piano (à ne pas confondre avec le compositeur du même nom). Parmi les opus vocaux de Chostakovich, celui-ci se distingue par sa facture chambriste et un ton introverti. Ce qui en fait un chef-d’œuvre, hélas méconnu. La combinaison voix-ensemble instrumental varie au long des mouvements. Ainsi voix et violoncelle au Ier ''Chant d'Ophélie', voix et piano au 2ème ''Gamayun, l'oiseau du prophète'', placé dans l'aigu de la soprano, produisant une extrême tension, puis voix et violon pour ''Nous étions ensemble'', d'un lyrisme clair, notamment au violon qui se voit offrir des traits virevoltants, ou encore voix, piano et violoncelle au 4ème ''La ville dort'', hymne nocturne et mélancolique, voix, piano et violon pour ''La tempête'', au rythme déchaîné et très tendu pour celle-ci. C'est ensuite voix, violon et violoncelle dans ''Signes secrets'', largo dépouillé qui introduit une série dodécaphonique énoncée par le cello. Cette romance est la plus secrète du cycle, témoin aussi de la qualité des textes du poète symboliste Blok. Dans la dernière mélodie, ''Musique'', l'ensemble instrumental est réuni pour une conclusion développée, débutée par les trois instruments, puis chantée d'abord mezza voce et ppp avant une péroraison lancée à pleine voix et une coda purement instrumentale distillée dans une douce quiétude, s'enfonçant dans le silence. David Oïstrakh dira de la création, le 23 octobre 1967 à Moscou, « me colleter avec cette musique fut pour moi une formidable expérience et il m'a semblé que le compositeur lui-même était impressionné par sa propre création ». Dans les pas de son illustre devancière, Ekaterina Semenchuk prête son opulente voix de mezzo-soprano à ces morceaux exigeant bravoure et intériorité. Le Trio Wanderer lui procure un somptueux accompagnement. 

Les prises de son, au Teldex Studio de Berlin, offrent une disposition spatiale large pour le Quintette, mais une balance satisfaisante de clarté avec beaucoup de relief autour du piano. Les Romances sont pareillement captées dans une ambiance généreuse.

Texte de Jean-Pierre Robert

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