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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : les deux concertos pour violon de Chostakovitch

Shostakovich Alina Ibramigova Vladimir Jurowski

  • Dimitri Chostakovitch : Concertos pour violon et orchestre N°1 op.77 & N°2 op.129
  • Alina Ibragimova, violon
  • State Academic Symphony Orchestra of Russia ''Evgeny Svetlanov'', dir. Vladimir Jurowski
  • 1 CD Yperíon : CDA 68313 (Distribution : Distrart Distribution)
  • Durée du CD : 71 min 26 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Ce CD réunit opportunément les deux concertos de violon de Chostakovitch nés d'une indéfectible amitié entre le musicien et un interprète, David Oïstrakh, auquel ils sont dédiés. La présente interprétation due à une équipe russe, la violoniste Alina Ibragimova et le chef Vladimir Jurowski, jette une lumière nouvelle sur ces partitions et se hisse au sommet d'une discographie dominée par Oïstrakh bien sûr, dirigé par Svetlanov et Kondrashin, mais aussi, dans les années 1990, par le jeune Vengerov accompagné de Rostropovitch.

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Si la personnalité de son dédicataire unit ces deux compositions, leur historique reste chaotique, du moins pour ce qui est du premier concerto, écrit dès 1947 et achevé l'année suivante. Sa création ne sera pas immédiate. Elle devra attendre, en raison de la chape de plomb qui s'abattit sur les arts et la vie musicale suite au décret du sinistre Jdanov. Elle sera créée en 1955 avec l'Orchestre Philharmonique de Leningrad sous la direction d'Evgueni Mavrinsky. Elle est structurée en quatre mouvements et présente un caractère symphonique : « une symphonie pour violon et orchestre », dira son auteur. ''Nocturne'' voit le soliste émerger d'une basse d'orchestre à l'atmosphère inquiétante, presque chambriste, dont se détache le xylophone. L'entier mouvement évolue dans des pianissimos intimes du violon sur une trame discrète. Alina Ibragimova le joue avec une extrême intériorité dessinant des pppp d'une étonnante douceur, comme un rêve qui passe. Débutant par un dialogue du violon avec les bois, dont la flûte et le basson, le Scherzo est un challenge pour le violoniste, car truffé d'effets grotesques d'une grande difficulté technique. Oïstrakh y voyait « quelque chose de maléfique et d'épineux ». La partie orchestrale n'est pas en reste, où l'on rencontre le fameux motif signature DSCH. Suit la ''Passacaille'' tragique dans son entame de marche solennelle des cordes graves et des trombones. Le chant soliste, qui là encore sourd de l'orchestre, Alina Ibragimova en restitue toute la grandeur, évoluant crescendo dans l'aigu de l'instrument et tendu jusqu'à presque s'éteindre sur une pédale de l'orchestre. Le mouvement conduit à une cadence impressionnante qui enthousiasma tant Oïstrakh, par ailleurs plus réservé de prime abord sur les autres mouvements. Elle est exécutée sur le ton de la confidence par sa collègue, d'abord pianissimo, pour se corser de traits on ne peut plus osés accumulés par Chostakovitch, ce qui est ici renforcé par un jeu sur le crin de l'archet. Le ''Burlesque'' final s'enchaîne dans un tempo con brio et un diabolisme où l'on perçoit des effluves de thèmes populaires russes. Cela vire à un presto de folle allure avec effets très percussifs à l'orchestre. De la présente interprétation émane un étonnant sentiment de légèreté dû à un jeu soliste usant d'aigus filés et d'un ton confident, et à une direction d'orchestre d'une totale sincérité.

Le Concerto pour violon N°2 en ut dièse mineur op.129 a été écrit en 1967 pour célébrer le 60ème anniversaire d'Oïstrakh, lequel tombait en fait un an plus tard ! Il présente des analogies avec le précédent, d'ordre thématique et par son égale tension. Mais aussi des différences : moins étrange, plus sobre dans l'orchestration et la partie de violon. La pièce est pourtant plus tournée vers le soliste qui se voit d'ailleurs offrir trois cadences. Le Moderato débute, comme il en est du mouvement similaire du premier concerto, par une pédale de basse des cordes dont émerge le soliste. Qui amorce un long cheminement mélancolique jusqu'à une curieuse association avec la petite flûte sur fond de cors. Le violon en pizzicatos dialogue avec les cors dans un rythme marqué qui se déjante dans un jeu l'opposant à toute la petite harmonie puis à l'entier orchestre. La cadence se déploie sur le ton intime et la reprise avec solo de cor conduit à une fin assagie dans un envoûtant pianissimo. L'Adagio est tout de recueillement, éminemment mélodique, au-delà de la mélancolie, surtout dans le volume sonore restreint que lui confèrent les présents interprètes. Comme si le soliste était plongé dans ses pensées que seules les interventions des bois, elles aussi discrètes, surlignent. La cadence tranche par son volontarisme. Le finale renoue avec une rythmique nerveuse, le soliste bondissant sur une trame orchestrale joyeuse et dissipée dans les pupitres des percussions. La 3ème cadence est passionnée et tout aussi techniquement exigeante dans ses divers modes et ses tempos différents. Alina Ibragimova et Vladimir Jurowski livrent de cette œuvre une exécution enthousiasmante due à un extrême raffinement tant dans la partie soliste qu'à la conduite de l'orchestre, l'excellent State Academic Symphony Orchestra 'Evgeny Svetlanov', le bien nommé. Là encore la sonorité filée de la violoniste dans le pianissimo le plus ténu, comme le moelleux dans le medium et le grave, affinent une écriture violonistique qui ne demande qu'à être dégagée de tout pathos. Et l'orchestre russe et son chef bâtissent une matière sonore incandescente, hors de toute épaisseur.

Les enregistrements, dans deux salles différentes à Moscou, se signalent par leur vaste espace acoustique parfaitement domestiqué. La balance soliste-orchestre est quasi idéale, le premier placé dans une perspective naturelle. Le tour de force est d'avoir préservé le relief des passages dans le registre pianissimo souvent favorisé par les interprètes, assurant la parfaite cohérence de l'aura sonore. L'étagement des plans offre une belle profondeur, notamment lorsque la masse orchestrale s'adjoint l'appoint des percussions, si importantes chez Chostakovitch.

Texte de Jean-Pierre Robert

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