CD : les sonates pour violon et viole de gambe de Buxtehude
- Dietrich Buxtehude : Sonate à doi, Violine & Viola di gamba con Cembalo, op.1 & op.2
- Les Timbres
- 2 CDs Fora : Flora 4320 (Distribution : UVM) www.labelflora.net
- Durée des CDs : 60 min 29 s + 70 min 35 s
- Note technique : (5/5)
Ce disque met en lumière une facette mal connue de Dietrich Buxtehude, compositeur plutôt associé à l'orgue et à la musique vocale. Ses sonates ''a due'' pour violon et viole de gambe sont le reflet de l'essor de la musique instrumentale au XVIIe siècle en Allemagne. Elles sont interprétées par un ensemble, Les Timbres, qui a déjà à son actif de prestigieuses réalisations, en particulier de pièces de Rameau et de Couperin.
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Les Sonate à doi, Violine & Viola di gamba con Cembalo de Dietrich Buxtehude, réparties en deux cahiers, ses op.1 & 2, datent respectivement de 1694 et de 1696. Elles sont un bel exemple du ''Stylus phantasticus'', savoir un style qui « est la plus libre, et la moins contrainte des méthodes de composition... Elle a été créée pour montrer son habileté, et pour révéler les règles secrètes de l'harmonie », selon la définition d'un certain Athanasius Kircher en 1650. En fait, cette liberté dans l'écriture, Buxtehude la promeut au rang de dogme. Car si à première vue, ces 14 sonates offrent des similitudes, elles sont en réalité d'une étonnante diversité. Ainsi de leur contenu, puisque distribuées en courtes sections variant de 4 à 13, se succédant au fil de transitions souvent inattendues où l'on passe d'une idée à l'autre, d'un tempo à un autre de manière totalement imprévisible. Ce qui génère un sentiment d'improvisation sans pour autant manquer d'unité stylistique. Il en est aussi de leur spécificité par rapport au modèle de la sonate italienne, et même à tout autre exemple en vigueur à l'époque, leur conférant une ''modernité'' à nulle autre pareille.
Ce sont ces traits originaux qu'il convient de signaler. Et chaque sonate en offre à foison. Ainsi d'un soudain et aussi bref essai de marche débouchant sur une rêverie avant un Presto final de la Sonate I de l'opus 1. Lorsque la pièce est distribuée sur le schéma de sept sections, les trois rapides sont les plus développées dont un substantiel Vivace central (Sonate III). L'influence de la sonate française est perceptible dans la Sonate II, singulièrement à sa section finale ''Variatio 1-5'' à partir d'un ''Arioso''. Il en va de même de la Sonate V avec sa section ''Violino solo'' et son double, comme dans un air de cour à la française. La Sonate IV, en quatre mouvements seulement, offre un habile travail en répons sur un même thème au Vivace initial. La Sixième Sonate, qui comprend pas moins de 13 sections, mêle les styles français et italien. Le ''Con discretione'' figure une improvisation où le son pur semble être le moteur de l'inspiration. C'est là un sommet du ''style fantastique'' allemand avec des unissons des deux voix puis une sorte de galop interrompu au bout de quelques mesures. L'enfilade de tempos différents renouvelle sans cesse l'écriture.
Les pièces de l'op.2 ne sont pas moins fourmillantes d'idées. La Sonate II, en sept sections, est la plus développée des deux opus réunis. Là encore, on note l'influence française au premier Allegro, offrant une mélodie très chantante, notamment à la gambe. Le final Vivace appartient pourtant à la manière italienne. Cette pièce est topique de la conception très libre de Buxtehude qui aime à mélanger les styles. Il préfigure ce que seront ''Les goûts réunis'' chez les français. À remarquer l' ''Ariette'' ou la section suivante ''Parte I-X'', suite de variations par les deux voix à tour de rôle en un continuum ininterrompu. Violon et viole de gambe se voient pareillement mis en exergue dans la Sonate V aux sections ''Violino solo'' qui se lance dans une grandiose improvisation, puis ''Viola di gamba solo'' qui en reprend une autre à son compte, pour se poursuivre en un ravissant dialogue des deux. La Sonate III cèle une manière théâtrale dans deux Lento, entrecoupés d'un Allegro bluffant de vivacité. Le rôle de plus en plus prépondérant dévolu au violon, on le trouve à la Sonate VI, ce qui se manifeste tout particulièrement à l'avant-dernière section Lento. Non que le dialogue des ''due strumenti'' ne soit pas à son meilleur à la dernière Sonate VII, notamment au ''Forte'' entraînant et au Lento suivant. On y vérifie la parfaite alternance des sections lentes (1, 3, 5) et vives (2, 4, 6).
Cette somme étonnante où tout change constamment, d'idées, de direction, d'intensité, Les Timbres s'en font les ardents défenseurs. Comme déjà souligné lors de la parution de leur précédent disque consacré aux Concerts Royaux de Couperin, on admire la pureté instrumentale des instrumentistes, ici le trio fondateur de l'ensemble. La violoniste Yoko Kawakubo maîtrise au plus haut degré de probité ces pages si diversifiées, émargeant de temps à autre au style de jeu tremblant. La viole de gambe de Myriam Rignol ne le cède en rien en termes de couleurs et d'intensité. Comme il en est du clavecin de Julien Wolfs.
L'enregistrement, dans l'église de Bolland (Belgique), est agréablement aéré et séduisant à l'oreille eu égard à une habile spatialisation des trois instruments.
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Texte de Jean-Pierre Robert
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