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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : la musique de chambre de Reynaldo Hahn

ReynaldoHahn

  • Reynaldo Hahn : Quatuors à cordes N°1 en La mineur & N°2 en Fa majeur. Quintette pour piano et cordes en Fa dièse mineur. Romance en La majeur pour violon et piano. Variations Chantantes sur un air ancien pour violoncelle et piano. Deux improvisations sur des airs irlandais pour violoncelle et piano
  • Dania Tchalik (piano), Quatuor Tchalik
  • 1 CD Alkonost Classic : ALK 006 (Distribution : UVM)
  • Durée du CD : 82 min 07 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile grise (4/5)

Ce généreux CD présente la plupart des œuvres laissées par Reynaldo Hahn au genre de la musique de chambre, à l'exception de la sonate pour violon et piano, au demeurant déjà enregistrée par les mêmes interprètes. Et permet d'investiguer une part un peu cachée de l'art de l'auteur de Ciboulette. Ces pièces, données à l'occasion d'un concert commémoratif en 2019, au Palazzetto Bru Zane à Venise, et captées en studio peu après, sont jouées par une fratrie de musiciens, les frères et sœurs Tchalik, familiers de cet idiome.

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On sait la veine mélodiste de Reynaldo Hahn presque intarissable. Comme pour la voix, il l'a appliquée à la musique instrumentale. « La réunion de la littérature et de la musique », qu'il plaçait au cœur de ses « obsessions », il la traduit dans quelques pièces de jeunesse. Ainsi de la Romance en La majeur pour violon et piano, de 1901, où les sortilèges de la voix se trouvent transférés au violon en une cantilène simple et délicate, complémentée par un piano transparent. Les Variations chantantes sur un Air ancien, pour violoncelle et piano (1905), inspirées d'une aria de l'opéra Serse de Cavalli, offrent une écriture pastichant l'ancien. Les Deux Improvisations sur des airs irlandais, également pour cello et piano (1911), juxtaposent un aimable badinage en forme de chanson et une sorte de berceuse lyrique. Mais le Grand œuvre du maître dandy est son Quintette pour piano et cordes en Fa dièse mineur composé en 1917 et créé à la Salle Gaveau en 1922. Ses trois mouvements déploient une écriture aboutie dans ce genre si délicat de l'union piano et cordes. Le Molto agitato e con fuoco est selon son auteur, « effusion véhémente d'une âme agitée... tous les symptômes d'une passion fiévreuse ». Dans un tempo haletant, où le violon I jaillit littéralement, le discours progresse dans le tumulte, qui semble un temps se calmer pour reprendre une course plus passionnée encore. L'Andante non troppo lento voit « une tristesse profonde » s'épancher à l'alto et au violoncelle, là où « le premier violon est chargé à plusieurs reprises de faire naître la lueur » (ibid.). De fait, la mélopée de ce dernier parvient à adoucir le chant éploré de l'alto. La charge émotionnelle renaît élégiaque, dans une écriture transparente des cinq voix. L'Allegretto grazioso est le triomphe de l'optimisme par une thématique aussi allègre que séduisante. À la désolation des deux mouvements précédents fait place un langage presque primesautier dans un élargissement du spectre sonore, typique de la manière de Hahn, mais aussi des fins d’œuvres chambristes françaises, comme le Concert de Chausson.

À la fin de sa carrière, Reynaldo Hahn aborde le genre du quatuor à cordes. Il en composera deux. Le Quatuor N°1 en la mineur est écrit en 1939. Après une introduction Andante majestueuse, la musique éclate en pleine lumière dans l'Allegro assai sur un thème enjoué. Le développement combine les deux thématiques de manière mélodieuse. ''Récit et chanson de Provence'' laisse entendre un chant de Noël exposé par l'alto. L'Andantino, également introduit par l'alto, figure une méditation nostalgique reprise par le violoncelle puis tricotée par l'ensemble du quatuor. Le finale Allegro assai déborde d'enthousiasme dans son allure avenante et son écriture bien proportionnée autour des deux pôles que sont le violon I et l'alto. Le Quatuor en fa majeur, de 1943, affirme une veine plus accomplie encore. ''Animé'' s'ouvre par un thème très énergique auquel s'oppose un autre plus mélodieux. Puis les deux sont combinés dans une savante digression jusqu'à ce que le premier l'emporte. ''Très mouvementé'' est un scherzo d'allure tournoyante où chacune des voix s'attache à la même course poursuite. ''Posément, très modéré'' installe un climat de rêverie, les quatre voix jouant en sourdine. Le violon I et l'alto se répondent, alors que le discours se densifie. L'alto ajoute à cette séquence une couleur ardente. Le rondo final ''Très vite'' apporte une conclusion plutôt gaie, qui là aussi paie tribut aux modèles français, dans un mode à la fois dansant et d'une souple énergie, cultivant une veine lyrique qui semble ne pouvoir se tarir. 

Les musiciens de la famille Tchalik, Gabriel & Louise (violon), Sarah (alto), Marc (violoncelle) et Dania (piano), sont familiers de ce répertoire qu'ils fréquentent depuis leurs débuts en concert en 2013 pour l'exécution du Quintette pour piano. Les autres pièces figurent aussi à leur répertoire comme les deux Quatuors dont ils jouent le Deuxième en 2018, peu après avoir remporté le Premier prix du concours Mozart de Salzbourg. On rappelle que la Sonate pour violon et piano a été enregistrée par Gabriel et Dania Tchalik pour un précédent CD intitulé ''Le violon de Proust'', paru sous le label Evidence, aujourd'hui repris chez Alkonost Classic (AL004). C'est dire leur proximité avec cette musique dont ils cultivent l'élégance et le profond lyrisme.

Les enregistrements, au Studio RIFFX 1 de la Seine musicale, privilégient une image sonore large et très proche pour ce qui est des quatuors et du quintette, qui ne flatte pas le registre aigu du violon I, confinant parfois à la saturation. Les pièces en duo bénéficient d'une acoustique plus aérée.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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