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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Il Paria, un opéra de Donizetti ressuscité

Donizetti Il Paria

  • Gaetano Donizetti : Il Paria. Mélodrame en deux actes. Livret de Domenico Gilardoni, d'après la tragédie ''Le Paria'' de Casimir Delavigne 
  • Édition critique de Roger Parker et Ian Schofield
  • Albina Shagimuratova (Naela), Mischa Kiria (Zarete), René Barbera (Idamore), Mirko Mimica (Akebare), Thomas Atkins (Empsaele), Kathryn Rudge (Zaide)
  • Opera Rara Chorus
  • Britten Sinfonia, dir. Sir Mark Elder
  • 2 CDs Opera Rara : ORC60 (Distribution : Warner classics)
  • Durée des CDs : 60 min 24 s + 50 min 58 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Grâce aux inlassables efforts du label anglais Opera Rara, découvreur et restaurateur de l'héritage oublié du XIXème, le répertoire de Donizetti s'enrichit d'une œuvre seria, Il Paria. Une pièce à considérer avec intérêt parmi les quelques 70 achevées qu'il a laissées à la scène. Car elle possède bien des atouts en termes d'écritures vocale et instrumentale. Surtout dans l'interprétation engagée du chef Mark Elder et du cast valeureux de jeunes chanteurs réunis à cette occasion.

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Créé en 1829 au San Carlo de Naples, le mélodrame Il Paria se situe parmi les premières œuvres scéniques de Donizetti. Il connut un succès d'estime et sombra dans l'oubli après quelques représentations. Certes, l’œuvre n'a pas la force dramatique d'autres comme Anna Bolena ou Maria Stuarda, pour ne citer que la veine seria de l'auteur. On y trouve pourtant son aisance mélodique, particulièrement notable dans la facture des airs. Comme une science des ensembles mêlant les chœurs aux solistes. L'importance des premiers confère à l'opéra une couleur singulière, lui apportant même une composante héroïque. Du strict point de vue instrumental, la partition se distingue par le rôle conféré aux bois dans l'introduction de certains airs ou lors d'interventions chorales, et aux cuivres, tel le cor. Encore que l'exotisme du sujet transparaisse peu dans la musique, plutôt une discrète couleur locale. Une originalité encore que la scène finale du Ier acte puisque s'achevant, non par un ensemble concertant général, mais par un duo entre deux solistes.

Centrée sur cinq personnages, selon le schéma de rigueur, savoir soprano, ténor, baryton, basse et mezzo, l'intrigue conte une histoire d'amours contrariés dans l'Inde du XVIème siècle, à Bénarès. Sur fond de luttes d'influences entre les deux castes des prêtres et des guerriers, de persécutions des parias par les brahmanes, Naela (soprano), fille du grand prêtre des brahmanes Akebare (basse), aime Idamore (ténor), chef des armées et fils d'Arete (baryton), un paria. Cette union est tolérée, par pur calcul, par Akebare jusqu'au moment où il découvre qu'Idamore est le fils du paria Zarete. L'intolérance religieuse aura le dernier mot car le fanatique Akebare condamne à mort ses ennemis Zarete et Idamore, menaçant du même sort sa propre fille si elle ne renonce pas à suivre celui qu'elle aime. En tout cas, la trame est suffisamment épique pour brosser des caractères bien sentis, comme ceux du paria Zarete et de son ennemi juré le grand prêtre Akebare. Et offrir quelques confrontations bien dessinées.

Conçue pour trois des chanteurs les plus en vue de l'époque, la soprano Adelaïde Tosi, le ténor Giovanni Battista Rubini et la basse Luigi Lablache, l’œuvre exige des voix rompues à un art bel cantiste exigeant. La distribution réunie ici est valeureuse. En particulier pour ce qui est du rôle d'Idamore dont René Barbera possède aussi bien la vaillance que le raffinement. Dès le récitatif et la première cavatine, précédés d'une introduction mélodieuse des bois et cordes dont les contrebasses, on admire une ligne de chant aisée. La cabalette qui suit aligne une cascade de contre-ut périlleux, annonçant voire dépassant en intensité ceux fameux de Tonio de La fille du régiment. L'héroïsme, mais aussi la vulnérabilité du personnage, il les exprime par une technique irréprochable, usant du chant en voix de tête plus qu'en voix mixte. Albina Shagimuratova défend avec brio la partie de Naela par un ample et lumineux soprano, déjà apprécié dans le rôle-titre de Semiramide de Rossini enregistré par le même label, notamment dans l'air d'entrée, évocation saisissante d'un songe effrayant fait par la jeune femme, puis plus avant avec la cavatine ''Ah, che un raggio di speranza'' (Ah, ce rayon d'espoir) qui se poursuit dans un ensemble emporté. Le paria Zarete, Misha Kiria lui apporte le mordant d'un timbre de baryton riche de belles harmoniques avec colorature, au service d'une caractérisation finement pensée. Ainsi de l'air tragique du Ier acte, où s'exprime la joie d'un père de retrouver un fils si longtemps éloigné. Ou, à l'acte II, de la cavatine fière, dans un tempo vif, où le personnage évoque le massacre de ses pairs par les brahmanes. Au rôle d'Akebare, qui n'a pas d'air, la basse Mirko Mimica prête autorité et force. Il en va de même de la contribution de l'Opera Rara Chorus dans les vastes scènes chorales ou dans les ensembles. Mark Elder apporte l'engagement et l'éclat exigé par le statut bel cantiste de la partition, en particulier lors des confrontations, tel le duo Naela-Idamore du IIème acte qui voit se succéder en une savante progression dramatique, un échange véhément puis un passage lyrique dans la plus pure écriture de bel canto, et une fin enfiévrée avec stance d'héroïsme vocal et de furia orchestrale crescendo. 

L'enregistrement, aux BBC Maida Vale Studios de Londres, offre une image sonore proche, non résonante, pourvue d'un équilibre satisfaisant entre voix et orchestre.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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