CD : François-Xavier Roth et le LSO jouent Debussy et Ravel
- Maurice Ravel : Rapsodie espagnole
- Claude Debussy : Prélude à l'après-midi d'un faune. La mer
- London Symphony Orchestra, dir. François-Xavier Roth
- 1 CD LSOlive : LSO0821 (Distribution : PIAS)
- Durée du CD : 49 min 07 s
- Note technique : (5/5)
Pour son premier CD à la tête du LSO, dont il est Principal Guest Conductor, François-Xavier Roth a choisi de se consacrer à la musique française, reflet de concerts donnés au Barbican de Londres. Un programme qui démontre la souveraine maîtrise de ce chef dans ce répertoire, la vraie patte gallique de l'orchestre anglais et la grande qualité de l'enregistrement live.
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Bien sûr, on a cent fois entendu au disque ces trois morceaux phare du répertoire de la musique française. Il faut donc quelque chose de plus pour aviver l'attention du mélomane. On le tient ici par des interprétations, d'une part, marquées au sceau de l'authenticité d'un orchestre rompu à cet idiome. L'affinité du LSO pour ce répertoire n'est plus à démontrer, que ce soit pour Berlioz, avec Sir Colin Davis, ou dans la musique du mouvement symboliste où récemment se sont illustrés des chefs comme Gergiev et Rattle. D'autre part, fruit de la grande expertise d'un chef français qui s'impose comme le meilleur porte-drapeau de ce patrimoine musical. François-Xavier Roth (*1971) a donné nombre des versions de référence à la tête de son orchestre Les Siècles dans Berlioz (Symphonie fantastique, Harold en Italie) ou Ravel (Ma Mère l'Oye, La Valse). Rien d'étonnant à ce qu'il ait été nommé chef principal invité du LSO. Cette conjonction produit des interprétations à marquer d'une pierre blanche. Qui ajoute à l'histoire interprétative de ces pièces.
Ainsi de la Rapsodie espagnole de Ravel. ''Prélude à la nuit'' offre quelque chose de paresseux dans son lancinant premier thème qui émerge du néant et dégage aussi une sensualité diffuse. ''Malagueña'' est pris à un tempo soutenu qui s'enfle jusqu'à la frénésie, logique pour une danse de si grande vitalité. ''Habanera'', conçu par contraste dans un tempo retenu et en même temps très scandé, distille des parfums ibériques irrésistibles. On observe comme Roth détache le tintement de cloche, souvent sous-estimé, procédé qu'on retrouvera sous la plume de Ravel dans la seconde pièce ''Le gibet'' de Gaspard de la nuit, un an après la composition de la Rapsodie. Dans ''Feria'', on savoure l'extrême raffinement des premières mesures comme filées, à la flûte notamment. La fête va vite battre son plein en de formidables climax qui voient une accélération jusqu'à une glorieuse péroraison. Qu'admirer encore : le passage en miaulement des cordes, le solo de cor anglais langoureux à souhait. Roth joue le jeu à fond, décortiquant le decrescendo langoureux et sensuel et creusant les écarts de dynamique à un point d'audace contrôlée. La coda en devient une sorte de machine infernale, bien dans l'esprit ravélien de virtuosité, et proche ici de la fin tempétueuse de La valse. La magie de la scintillante orchestration de Ravel est là tout simplement.
La transparence de celle de Debussy l'est tout autant, rencontrant la finesse instrumentale du LSO. Le Prélude à l'après-midi d'un faune possède une douce atmosphère où la flûte se fait légèrement voluptueuse, sans langueur. Le retour du thème sera évanescent, quoique bien dessiné, jusqu'à une péroraison d'une vraie poésie, ponctuée par la subtile note de la cloche d'argent. Morceau symphonique cardinal, La mer prend sous la conduite de Roth de fins contours picturaux. Rien de vaporeux ici, mais des lignes sûrement et nettement dessinées qui, comme dans son Ravel, rappellent que le mot impressionnisme est hors de propos chez l'un comme chez l'autre. ''De l'aube à midi sur la mer'' trace un parcours passionnant depuis le frémissement presque indéfinissable des premières pages, dans un pianissimo et un effet de lointain créé par les appels de la trompette bouchée, à une progression au tempo juste, jusqu'aux explosions de la seconde partie, là où l'orchestration est finalement assez chargée, et dont Roth décrypte les différents plans et la profusion dans l'éclat du midi. ''Jeux de vagues'' révèle toute l'originalité de l'instrumentarium utilisé par Debussy, dont le xylophone. Les enroulements des cordes, le solo du Ier violon, le crescendo et les grands accords sont lumineux. La coda emporte tout sur son passage grâce à une habile accélération. Le decrescendo sera aussi magique que le crescendo a été glorieux. Et tout s'apaise dans le geste transparent de la harpe et de la flûte étouffée. On discerne le tragique de Pelléas et Mélisande aux premières mesures de ''Dialogue du vent et de la mer'', grondement de l'orchestre, tumulte marin, houle violente perceptible dans l'énergie qu'impulse Roth. Puis tout s'illumine peu à peu dans un calme magistral. Là encore, la maestria avec laquelle est construit le crescendo n'a d'égale que la manière de pousser une course haletante et une quasi bacchanale finale qui trouve son aboutissement dans un fortissimo dévastateur. Une vision irrésistible qui fait penser à celle de Charles Munch.
La captation live est pour beaucoup dans la réussite de cette interprétation, comme il en va pour les deux autres pièces. Le spectre est large mais parfaitement intégré. L'image est naturelle : immédiate et d'un beau relief dans les contrastes de dynamique, restituant toute la palette créée par le chef, de l'infini pianissimo à l'imposant fortissimo.
Texte de Jean-Pierre Robert
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Maurice Ravel, Debussy, François-Xavier Roth, London Symphony Orchestra