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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : L’Île du rêve de Reynaldo Hahn

ReynaldoHahn Lile du reve

  • Reynaldo Hahn : L'Île du rêve, idylle polynésienne en trois actes. Livret de Georges Hartmann et André Alexandre, d'après ''Le Mariage de Loti'' de Pierre Loti
  • Hélène Guillemette (Mahénu), Cyrille Dubois (Georges de Kerven, dit Loti), Anaïk Morel (Oréna), Artavazd Sargsyan (Tsen-Lee/ Ier Officier), Ludivine Gombert (Téria/Faïmana), Thomas Dolié (Taïrapa/Henri/ 2ème Officier)
  • Chœur du Concert Spirituel
  • Münchner Rundfunkorchester, dir. Hervé Niquet
  • 1 livre-CD Palazzetto Bru Zane (Collection Opéra français N°26 ): BZ 1042 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée du CD : 60 min 39 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

Grâce aux travaux de recherche et d'édition du Palazzetto Bru Zane, en partenariat avec les Éditions Leduc, voici en première mondiale au disque L'Île du rêve de Reynaldo Hahn. Un des rares titres de veine sérieuse pour la scène chez l'auteur de Ciboulette. Capté live en concert à Munich, il bénéficie d'une interprétation à la hauteur du challenge, grâce à l'élan insufflé par Hervé Niquet. Une belle réalisation qui mérite plus qu'un détour.

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Créée en 1898 à l'Opéra Comique, sous la direction d'André Messager, L'Île du rêve est l’œuvre d'un jeune musicien talentueux qui sut se servir d'un livret porteur, inspiré du roman de Pierre Loti ''Le Mariage de Loti'', revu et corrigé par deux librettistes attentionnés. Sur un sujet en vogue aussi. Car, comme il en sera dans Madama Butterfly de Puccini (1904), il y est question d'un officier français s'amourachant d'une jeune étrangère à l'occasion d'une escale en terre lointaine, ici à Bora-Bora en Polynésie. D'où le savoureux sous-titre d'''Idylle polynésienne'' donné à l'opéra. L'intrigue est aussi simple que la manière concise avec laquelle elle est traitée, l’œuvre ne durant qu'une petite heure d'horloge. C'est « une série de trois épisodes dans un paysage exotique. Il n'y a pas de commencement, il n'y a pas de fin. Au Ier acte, l'officier Pierre Loti rencontre la jeune Mahénu, au I ème acte, ils s'aiment, au IIIème acte, ils se séparent », confiera Hahn à un journaliste peu avant la création. En fait, le sujet s'inspire directement du roman autobiographique de Pierre Loti, ''Le Mariage de Loti'', condensé pour l'inscrire dans une trame d'opéra. Et d'une manière singulière puisque celui-ci débute in media res, sans ouverture, directement avec une première scène et un air de l'héroïne. Le traitement est essentiellement narratif, enchâssant les quelques airs brefs et duos à peine plus développés dans un continuum de scènes à la dramaturgie serrée. Où l'idylle entre les deux protagonistes côtoie des intrigues secondaires à peine esquissées. Ainsi de l'intérêt amoureux porté à la jeune femme par un marchand chinois pseudo comique Tsen-Lee. Et surtout de l'évocation du sort tragique de l'amourette nouée entre un autre officier de marine, frère du personnage de Loti, et Téria, la sœur de Mahénu. Car les amours sans lendemain des marins occidentaux pour leurs geishas orientales obéissent à une sorte de fatalité et s'inscrivent, ainsi que le décrit le roman de Pierre Loti, dans la coutume d'un baptême initiatique donné par les jeunes filles tahitiennes à chacune de leurs conquêtes masculines, lui attribuant un nom en langue locale.

La musique se caractérise par son immédiat charme mélodique, son parfum à peine oriental qui ne sacrifie pas à la couleur locale. L’orchestration raffinée, transparente, qui fait une large place à la petite harmonie et à la harpe, est respectueuse d'une prosodie claire et toujours intelligible. Elle est traversée de quelques motifs conducteurs qui décrivent des lieux ou expriment des sentiments, autrement que ne le font les Leitmotives de Wagner ou les motifs récurrents bientôt chez Debussy. Ce sont des « motifs rappelés », comme les appelle finement Hahn. Tout cela, on l'apprécie dans la direction enamourée d'Hervé Niquet et l'élan qu'il insuffle à l'Orchestre de la Radio de Munich. Au-delà des nécessaires contrastes, il s'en dégage vraiment « une atmosphère de douce poésie tout à fait pénétrante », selon le mot d'un critique au soir de la création parisienne.  

L'écriture vocale est marquée au coin d'un pareil raffinement et surtout de la simplicité, dans un souci de bonne compréhension du texte. Elle fait un usage parcimonieux de l'éclat et des passages tendus dans les rôles principaux de soprano et de ténor, l'un et l'autre évoluant dans le registre lyrique. On le découvre grâce à un cast parfaitement achalandé. Hélène Guillemette prête sa voix de soprano douce et expressive au personnage fragile de Mahénu, dès son air d'entrée ''Ô pays de Bora-Bora'', bercé par le chœur de femmes. Sa vision est touchante, mais pas mièvre. Le rôle se pare de vocalises dans l'air du dernier acte. Cyrille Dubois, Loti, montre semblable poétique, alliant distinction dans le phrasé et quinte aiguë aisée, comme dans l'air final ''Ne plus te voir'', conférant au personnage une aura d'élégance. Les trois duos, moments les plus réussis, voient se succéder l'impalpable langueur (''Restons encore'', I), la nostalgie voilée de l'évocation de la première rencontre (II) ou la passion à l'heure où le marin demande à son aimée de le suivre (III), « un duo tout d'emballement », selon Hahn. Dans la partie de la princesse Oréna, la femme expérimentée qui conseille de ne pas trop s'attacher à ce qui est pour la « pauvre petite épouse » vaine entreprise, le timbre de mezzo-soprano d'Anaïk Morel tranche parfaitement avec celui de l'héroïne. La basse chantante et claire de Thomas Dolié distingue le personnage épisodique de Taïrapa, le père de la jeune fille, tirant sur la figure de bonze. On saluera la prestation du Chœur du Concert Spirituel, clarté de la diction, couleurs diaphanes, au fil de ses diverses interventions, soit des femmes, soit de l'ensemble du quatuor vocal. 

La captation live, au Prinzregententheater de Munich, offre une image sonore aérée et possède un relief certain dans les différents plans. Une discrète mise en espace permet une agréable spatialisation des voix solistes et des ensembles.

Texte de Jean-Pierre Robert  

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