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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Roustem Saïtkoulov joue Chopin

Chopin Roustem Saitkoulov

  • Frédéric Chopin : Trois Nouvelles Études. Prélude op.45. Ballades op.23, op.38, op.47 & op.52. Berceuse op.57
  • Roustem Saïtkoulov, piano
  • 1 CD Ad vitam Records : AV 2008 15 (Distribution : PIAS) 
  • Durée du CD : 53 min 23 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Ce récital Chopin est joué par un pianiste russe auréolé de prix internationaux, dont le Concours Marguerite Long. Son programme associe des œuvres emblématiques comme les quatre Ballades ou la Berceuse, et des pièces moins connues, telles les Trois Nouvelles Études op. posthume. Un jeu loin de l'effet en fait tout le sel.

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Si Roustem Saïtkoulov reste peu connu du grand public, c'est qu'il a su résister aux sirènes médiatiques et qu'il enregistre peu. Sa grande probité musicale devrait pourtant lui valoir une autre reconnaissance. Le pianiste originaire de Kazan (*1971) et vivant en France est issu de la prestigieuse école russe de piano. Il est aussi un éminent chambriste puisque de longue date accompagnateur du violoniste Maxim Vengerov et clavier d'un Trio qu'il forme avec sa femme et sa fille. On dira de son jeu qu'il associe humilité devant le texte et rigueur quant au respect de la lettre. Une démarche objective qui n'a pourtant rien de distant. Après tout, respecter ce qui est écrit est déjà essentiel. Reste à insuffler ce quelque chose alchimique à quoi on reconnaît une grande interprétation. C'est ici une association de clarté et de qualité du rubato, cet art si subtil du phrasé. Sa manière se signale aussi par un toucher d'une grande sensibilité que complémente un fin dosage de la dynamique et qui jamais ne sombre dans la dureté, même dans les traits forte les plus exigeants.

Alors écouter les Trois Nouvelles Études, écrites en 1839 et publiées posthume, force l'admiration. Différentes des deux cahiers de l'op.10 et de l'op.25, elles ont été composées sur une commande de Mocheles pour figurer dans ''La Méthode des Méthodes'' qu'il concevait avec Fétis. Comme leurs prédécesseures, ces pièces dépassent le pur exercice pianistique et ne visent pas à la brillance : mélodie mélancolique de la première, jeu déhanché staccato de la main droite à la seconde, polyphonie et progression dynamique à la dernière. Le ''Prélude op.45'', disposé ici avant les Ballades, est proche d'un Nocturne dans le délicat jeu arpégé de la main gauche et un sentiment d'improvisation, comme une rêverie. De même la Berceuse op.57, qui clôt le CD, trouve-t-elle exécution magistrale. Cette œuvre d'une vertigineuse beauté tient sa force de la monotonie et du statisme de l'ostinato de la main gauche mettant en exergue la variation apparemment sans limite sur une même figure que tresse la main droite.

Le temps fort du récital est l'exécution des quatre Ballades. Elles ne forment pas un cycle puisqu'écrites à des époques différentes, de 1830 à 1842, et ne présentent pas de ce fait d'unité stylistique. La Ballade N°1 en sol mineur op.23, la préférée de Chopin dit-on, trouve chez Saïtkoulov le ton du récit à travers la métamorphose de ses thèmes et son exceptionnel contenu mélodique : depuis l'introduction arpégée, puis la survenance du 2ème thème qui chante comme peu, avant de se tendre en un développement d'une grande agitation, confinant au martèlement à la section presto con fuoco, jusqu'à la coda orageuse qui se garde ici de tout excès pyrotechnique. De la Ballade N°2 en fa majeur op.38, dédiée à Schumann, il montre combien elle diffère de la précédente, car plus austère : une introduction marquée par le calme balancement de son premier thème, le fort contraste avec le dramatisme du second et ses rafales d'accords, puis l'interaction quasi épique entre les deux. L'agitato final, malgré son caractère chargé, reste d'une grande clarté, là où une légère accélération fait croître l'intensité, avant la libération des dernières mesures dans le calme. La lumineuse Ballade N°3 en la bémol majeur op.47, qui montre le lyrisme chopinien à son meilleur, on l'apprécie dans l'ondoiement des premières mesures, puis avec le second thème évoquant le rythme d'une barcarolle et sa guirlande de notes à la main droite. La suite coule de source dans une habile combinaison de dynamique et de pulsation presque orchestrale, tandis que les couleurs s'assombrissent. La Ballade N°4 en fa mineur op.52 plonge l'auditeur dans l'univers du rêve comme d'une indicible nostalgie. Mais aussi dans une dramaturgie désormais très intériorisée, comme il en est de la dernière période stylistique de Chopin. Roustem Saïtkoulov nous fait nous égarer dans un délicieux cheminement avant que l'on retrouve finalement le fil thématique, où l'on est passé de la rêverie à la passion. Une interprétation qui là encore possède la force de l'évidence.

L'enregistrement, à la ferme de Villefavard, offre une image sonore d'un parfait naturel, le Steinway disposé au centre droit et bien proportionné, dans une ambiance aérée et immédiate.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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