CD : de Chopin à Franchomme, comme chante le violoncelle
- ''Le Chant du violoncelle''
- Auguste-Joseph Franchomme : Nocturnes op.14 N°1 & N°3 pour violoncelle et piano
- Frédéric Chopin : Sonate en sol mineur op.65 pour violoncelle et piano. Polonaise op.26 N°1. Nocturne op.48 N°2. Mazurka op.30 N°2
- Edoardo Torbianelli (piano), Fernando Caida-Greco (violoncelle)
- 1 CD Paraty : 150 101/ Collection La Nouvelle Athènes (Distribution : [PIAS])
- Durée du CD : 57 min
- Note technique : (4/5)
Faire dialoguer les voix de Chopin et de Franchomme tombe sous le sens lorsqu'on sait l'amitié et la complicité artistique unissant les deux compositeurs qui se sont rencontrés dans le Paris effervescent des années 1830-1840. L'exilé polonais devait trouver chez le lillois propulsé dans la capitale une sorte d'âme sœur. Ce qui devait le conduire à écrire une sonate pour le violoncelle dédiée à l'illustre virtuose de l'archet. Le présent CD la met en miroir avec des pièces pour cello de celui-ci.
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Parmi les rares œuvres de musique de chambre composées par Chopin, la Sonate pour violoncelle et piano op.65 en sol mineur tient une place particulière. Écrite à l'intention du musicien et compositeur Franchomme (1808-1884), elle lui sera dédiée. Elle aura sa première exécution, par les deux musiciens eux-mêmes, lors de l'ultime concert parisien de Chopin, le 16 février 1848. Sa genèse en a été difficile et l'accueil des premiers auditeurs plutôt mitigé, sans doute déconcertés par les audaces harmoniques de l’œuvre, sa modernité. Mais elle est aujourd'hui reconnue comme une pièce majeure du répertoire. D'une durée substantielle, elle est construite en quatre mouvements, la section lente située en troisième position. Il s'agit d'un vrai duo concertant car les deux voix sont traitées à part égale. Le vaste Allegro moderato, dont Chopin n'était pas très satisfait au point de le retrancher du programme lors de la création, se signale par son abondance thématique et ses climats changeants, depuis l'introduction pianistique d'où surgit la mélodie inquiète du cello. Le mouvement voit le discours se densifier, entrecoupé d'un épisode contemplatif. Le scherzo, qui porte l'indication Allegro con brio, est enjoué, très marqué au piano s'agissant du premier thème dansant proche d'une mazurka, dans lequel s'inscrit le violoncelle. Le trio cantabile est l'apanage de ce dernier dont la mélodie est quasi vocale. Au Largo, les deux partenaires s'inscrivent dans des arabesques également chantantes, proches du nocturne, le piano montrant la voie au violoncelle. Une des grandes inspirations du dernier Chopin. Le finale retrouve le chemin de l'énergie et d'une allégresse qui ne se dément pas jusqu'aux dernières pages débordantes de joie. Le duo Torbianelli & Caida-Greco en livre une exécution savamment dosée. La sonorité de leurs instruments d'époque, un piano Pleyel de 1842 et un violoncelle Miremont de 1880, l'inscrit dans une démarche dite historiquement informée, loin de la grande virtuosité romantique déployée par des stars des deux instruments.
Fernando Caida-Greco donne deux Nocturnes pour cello et piano op.14 de Franchomme, qui doivent beaucoup à Chopin autant qu'au mode vocal alors en vogue. Composé sur un thème de l'opéra Il Pirata de Bellini, le Caprice en La mineur du compositeur violoncelliste montre combien le bel canto était une source d'inspiration fertile : chacun des deux partenaires rivalise de cantabile et bien sûr d'adresse. Dommage que les musiciens n'aient pas ajouté le Grand duo concertant pour piano et violoncelle sur des thèmes de ''Robert le diable'', composé par Chopin conjointement avec Franchomme ; ce qui aurait bouclé la boucle de cet hommage croisé.
Le programme comprend encore trois pièces pour piano solo de Chopin jouées par Edoardo Torbianelli : la Polonaise op.26 N°1, à la fois martiale et lyrique, le Nocturne op.48 N°2, rêverie-récit, et la brève Mazurka op.30 N°2. Elles sont jouées sans rubato, comme légèrement détaché, sur le Pleyel de 1842 à l'aigu délicat.
L'enregistrement, effectué lors d'un concert au réfectoire des moines de Royaumont en 2017, offre une image sonore légèrement décalée vers la droite et une ambiance quelque peu résonante.
Texte de Jean-Pierre Robert
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