CD : un violoncelle à l'opéra
- ''Cellopera''
- Transcriptions pour violoncelle d'airs d'opéra de Mozart (Don Giovanni, Die Zauberflöte), Bellini (I Capuleti e i Montecchi), Rossini (Guillaume Tell), Donizetti (L'elisir d'amore), Verdi (Rigoletto, Un Ballo in maschera, Don Carlos), Puccini (Tosca, Madama Butterfly), Wagner (Tannhäuser), Tchaïkovski (Eugène Onéguine, La Dame de Pique), Offenbach (Les Contes d'Hoffmann, La Périchole)
- Ophélie Gaillard, violoncelle
- Morphing Chamber Orchestra, dir. Frédéric Chaslin
- 1 CD Aparté : AP 248 (Distribution : [PIAS])
- Durée du CD : 75 min
- Note technique : (4/5)
Pour audacieux que ce soit, il n'est sans doute pas si improbable de construire un programme d'airs d'opéra qui voit la partie vocale transposée au violoncelle, conduisant celui-ci à se faire tour à tour soprano, ténor ou baryton. Le violoncelle n'est-il pas l'instrument le plus proche de la voix humaine. Ophélie Gaillard réalise un rêve mûri de longue date, se souvenant aussi des moments bénis où elle a accompagné telle ou telle star de la scène lyrique. De Mozart à Verdi, de Bellini à Tchaïkovski, ou chez Offenbach, ce florilège ne pourra que ravir l'oreille du lyricomane apte à se remémorer quelques morceaux de choix en fredonnant les paroles.
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Le violoncelle à l'opéra, c'est d'abord une affaire de solos mémorables, tel celui introduisant l'air de Philippe II au quatrième acte de Don Carlo, là où le monarque disserte sur le fait qu'Elisabeth ne l'a jamais aimé. C'est aussi le prélude instrumental à l'un des airs d'Amelia du Bal masqué, ou encore celui, en forme d'un quatuor de violoncelles, plantant le décor de l'air de Mario Cavaradossi au IVème acte de Tosca. Au-delà de ces passages qui lui sont dévolus, Ophélie Gaillard a souhaité lui assigner un rôle plus essentiel encore en le substituant à la voix dans un choix de morceaux connus. Un siècle d'opéra défile devant nous chantant l'amour. De Mozart d'abord, et bien sûr, avec l'air d'Ottavio ''Dalla sua pace'', tiré de Don Giovanni, ou encore la sérénade du burlador, là où le dialogue du cello avec la mandoline prend une couleur saisissante. Les compositeurs bel cantistes se prêtent idéalement à l'exercice car le cantabile du violoncelle rencontre celui de bien de leurs héros. Ainsi de la mélodie d'une indicible mélancolie ''Una furtiva lagrima'' extraite de L'elisir d'amore de Donizetti, là où la substitution du timbre de ténor par le cello renforce nul doute la tristesse non feinte du jeune homme et la véracité de ses sentiments envers l'aimée, eu égard à la douceur des inflexions de l'instrument. Frédéric Chaslin offre un brillant arrangement de l'ouverture de Guillaume Tell où le cello est bien mis en exergue, non seulement dans sa longue phrase solo introductive mais encore dans le crescendo accelerando final d'une verve inouïe.
S'agissant de Verdi, arranger certains airs pour l'instrument ne messied nullement, lui qui l'a généreusement traité en lui confiant souvent des pages solos envoûtantes. Dans ''Morrò, ma prima in grazia'' du Bal masqué, le cello plonge l'auditeur dans la détresse d'une mère implorant de revoir son enfant. Quant au quatuor de Rigoletto, son arrangement, dû à Frédéric Chaslin, est une prouesse, l'instrument évoquant les sentiments contrastés de chacun des protagonistes, jusqu'à une mini cadence conclusive du meilleur effet. Le chantre de la vocalité qu'est Puccini s'accommode de ce transfert de la voix vers le violoncelle dans l'air ''Un bel di'' de Madama Butterfly, où la geisha évoque un rêve d'amour impossible. En revanche, ''E lucevan le stelle'' de Tosca résiste moins bien à ce traitement. La ''Romance à l'étoile'' du Tannhäuser de Wagner déploie son discret mais profond lyrisme chantant l'amour chaste.
L'exercice convient tout autant à certaines pages de Tchaïkovski. Comme l'air de Lenski d'Eugène Onéguine, en forme d'adieu fataliste, le cello étant un interprète presque d'égal à égal au long d'une sinueuse mélodie où le compositeur a mis le meilleur de lui-même. Il en est aussi de la délicate romance de Polina de La Dame de pique, d'une désarmante tristesse, jouée ici pour cello et piano. Le parcours s'achève avec Offenbach et Les Contes d'Hoffmann d'abord. Si ''Scintille, diamant'' version violoncelle cherche à défaire le personnage de Dapertutto de son cynisme sans y parvenir totalement, la paraphrase sur la Barcarolle se prête parfaitement à la transposition eu égard à son contenu élégiaque et sensuel. Un clin d’œil gourmand et vraiment ironique pour finir, avec l'air ''Je suis grise'' de La Périchole, notamment lors de la chute du cello sur le mot ''mais chut'' et les reprises dans l'extrême aigu.
Ophélie Gaillard tire de son violoncelle Goffriller de 1737 des volutes tour à tour sensuelles et exubérantes. L'empathie pour toutes ces mélodies éclate à chaque page. Comme la passion pour un genre qu'elle chérit. Frédéric Chaslin et le Morphing Chamber Orchestra de Vienne lui procurent un magnifique écrin. Quoique l'air de Philippe II, chanté en français par Nahuel Di Pierro, reste en deçà des interprétations de référence, tout comme il fait figure d'ovni au milieu de ces chants résolument instrumentaux.
La prise de son, au Casino Baumgarten de Wien, opte pour une ambiance très vaste. L'image sonore souffre à l'occasion de compression de dynamique, notamment dans l'air chanté de Don Carlos. Si la balance avec l'orchestre est satisfaisante, le violoncelle se voit offrir une place prépondérante.
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Texte de Jean-Pierre Robert
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