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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : l'intégrale des Nocturnes de Fauré

Francois Dumont Complete Nocturnes Faure

  • Gabriel Fauré : 13 Nocturnes
  • François Dumont, piano
  • 1 CD Piano Classics : PCL 10186 (Distribution : Distrart)
  • Durée du CD : 74 min 36 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

S'il est un genre essentiel dans la production pianistique de Fauré c'est bien le nocturne car, selon François Dumont, chacun de ceux qu'il a composés « révèle un peu plus profondément les mystères de l'âme fauréenne ». Ce genre musical hérité de Chopin y est porté par « une éloquence plus voluptueuse », dira Marguerite Long. L'intégrale qu'en donne le pianiste français est empreinte d'un émouvant naturel qui place cette interprétation auprès des plus grandes.

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La composition des 13 Nocturnes traverse toute la vie créatrice de Gabriel Fauré, s'étendant de 1883 à 1921. Un exemple de l’évolution du style du musicien, depuis la spontanéité des premiers, jusqu'à la complexité des derniers. Son fils Philippe dira que ces pièces, qui « ne procèdent pas nécessairement de rêveries », sont « passionnées, tourmentées parfois, ou de pures élégies ». Leur forme est tripartite, la partie centrale généralement plus agitée. Les trois Nocturnes de l'op.33, écrits en 1883 par un compositeur trentenaire, affirment leur filiation chopinienne. Le premier, contemplatif, fait pénétrer « dans un monde d'effusion, de confidence discrète et d'ardeur passionnée », dira Marguerite Long (in ''Au piano avec Gabriel Fauré''). Le Nocturne N°2 est une sorte de romance sans parole d'une grande douceur qui bascule dans une toccata agitée, pour une conclusion apaisée. Le 3ème, le plus près de Chopin, fleure l'élégance d'un « flot mélodique lyrique et généreux », selon le présent interprète. Le Nocturne N°4 op.36 croise lui aussi diverses phases chantantes s'approchant de l'extase amoureuse, « ondulant entre nostalgie et sérénité », remarque-t-il. Tandis qu'au Nocturne N°5 op.37 s'installe le rythme en syncope, familier chez Fauré, avec une partie centrale expansive dans un vif allegro d'une extrême fluidité.

Dans le Nocturne N°6 op.63, de 1894, l'une des plus grandes pages du piano de Fauré, Marguerite Long voit « un vaste poème de passion et de rêve ». S'y dessine une manière plus opulente avec un jeu de modulations tout en dégradé. Il s'ouvre par une mélodie lente de caractère rêveur, à laquelle fait suite une section plus abrupte s'acheminant vers un climat expressif. La section centrale est frémissante dans un mouvement d'arpèges mouvants. Le Nocturne N°7 op.74 (1898), avec sa sonorité ample, presque d'orgue, est d'abord sombre et douloureux, auquel fait contraste un second thème rapide et chantant. La partie médiane apporte un nouveau contraste, généreusement arpégée, alliant légèreté et fantaisie.

Après un Huitième Nocturne op.84/8, où domine un sentiment d'improvisation, le Nocturne N°9, op.97, de 1908, inaugure la dernière manière de Fauré, plus complexe et introspective, voisinant avec l'abstraction, jusqu'à sa coda modulante. Et le 10ème, contemporain de la composition de l'opéra Pénélope, montre une grande intensité lyrique dans ses deux thèmes successifs puis une montée majestueuse révélant des accents déchirants. 

Le Onzième Nocturne op.104 est pur exemple de la subtilité du dernier Fauré et de ses audaces harmoniques proches de la dissonance. Compte tenu de sa dédicace à Noémi Lalo, épouse subitement disparue de Pierre Lalo, fils du compositeur Edouard Lalo, on y a vu une élégie poignante. Le 12ème Nocturne op.107 (1915) offre des accents passionnés, plus d'inquiétude que de rêverie, dans ses rafales ascendantes dans une extrême tension harmonique, comme traversée d'éclairs. Enfin le Nocturne N°13, de 1921, dans la tonalité de Si mineur, celle de la Sonate de Liszt ou de la 3ème Sonate de Chopin, déploie une atmosphère comme raréfiée. Après une introduction méditative souverainement modulante, la section centrale est d'une extrême mobilité et d'une puissance inouïe de la part d'un musicien de 76 ans alors atteint de surdité. Un sentiment de mélodie infinie d'une extrême complexité s'en dégage jusqu'à une conclusion comme inexorable, résolution de toute la tension accumulée. Une page d'adieu au piano.

La manière dont François Dumont s'approprie ces musiques de l'âme est d'une naturelle objectivité, usant d'un spectre sonore cohérent, fuyant l'excès. Ne préserve-t-il pas ce que Marguerite Long revendique d'un genre musical qui « s'accommode d'une grande liberté » et renferme un « impressionnisme de sensation ». Ce que le pianiste conçoit comme fondé sur une triade : « intériorité, liberté lyrique et rigueur polyphonique » s'exprime à travers une palette faite de nuances infinies, de l'impalpable confident à la fermeté tout autant poétique, notamment dans les dernières pièces. Autrement dit une savante combinaison de pudeur élégante et d'exaltation combien maîtrisée. Les sonorités de cette pensée intérieure doivent beaucoup au choix de l'instrument joué, un Gaveau de 1921 : des aigus cristallins et purs, des graves nets et non résonnants et une couleur sonore loin de la brillance.

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D'autant que l'enregistrement, d'un fin relief, pourvoit magistralement à la clarté de la restitution de ses belles harmoniques et surtout de sa vraie dynamique, eu égard à une prise de son sans fard et se refusant à l'effet.

Texte de Jean-Pierre Robert

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