CD : divers portraits de Marie
- ''Madonna della Grazia''
- Airs sacrés et profanes de Giovanni Felice Sances, Antonio Brunelli, Giovanni Antonio Rigatti, Isabella Leonarda, Francesco Cavalli, Tarquinio Merula & d'anonymes
- Pièce instrumentale d’Andrea Falconieri
- Anna Reinhold (soprano), Guilhem Worms (basse)
- Ensemble Il Caravaggio, dir. Camille Delaforge
- 1 CD Klarthe records : K 120 (Distribution : ([PIAS])
- Durée du CD : 68 min 08 s
- Note technique : (5/5)
Pour son premier CD, l'ensemble Il Caravaggio présente un programme célébrant la figure de la femme dans l'Italie du XVIIème siècle, mêlant sources populaires et savantes. Puisé auprès de compositeurs mais aussi de compositrices souvent oubliés. Une fusion du profane et du sacré dans des interprétations très fouillées.
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La thématique de l'album procède de ce constat que dans l'imaginaire de l'époque baroque en Italie, la femme est au cœur de la représentation artistique, que ce soit en peinture ou en musique. Et à travers la figure emblématique de Marie qui cristallise cependant deux visions aussi bien spirituelle que profane. Le propos n'est pas de proposer un disque de musique sacrée, mais de « montrer que le divin, le sacré, se cachent parfois dans les figures ou les gestes les plus quotidiens », indique Camille Delaforge. La veine populaire rejoint le domaine de la spiritualité pour une fusion de l'humain et du sacré. Comme dans la pièce anonyme ''Madonna della Grazia'' où sur le mode musical d'une tarentelle, le discours qu'on pense dès l'abord appartenir à la sphère du spirituel (« Reine des cieux... je vous demande une bénédiction ») bascule insensiblement dans le trivial d'un chant populaire. De même, la ''Canzonetta spirituale sopra alla nanna'' de Tarquinio Merula (1595-1665) déploie-t-elle une berceuse envoûtante d'une grande simplicité avec des répétitions scandées aussi bien instrumentales que vocales (sur le mot ''dormi'' par exemple). On assiste ici à une quasi fusion du sacré et du populaire d'où naît l'émotion. Car « ces paroles, qui ne proviennent pas d'un texte sacré, mettent en mots une histoire sacrée dans un contexte populaire » (ibid.).
La religieuse et compositrice Isabella Leonarda (1620-1704), dont la vaste production se limite à la musique sacrée, dépeint le dolorisme dans le motet ''In Sanguine Gloria'' pour voix de basse et violon solo, tout empreint de mystique. De même Francesco Cavalli, plus connu pour sa production opératique, pratique-t-il la même veine doloriste dans le motet ''O quam suavis'' (1645) avec orgue, usant du recitar cantando et maniant le figuralisme musical dans des ''passaggi'' c'est-à-dire des vocalises sur un mot, et ce dans une vision très théâtrale. Cette même emphase, on la retrouve chez le vénitien Giovanni Antonio Rigatti (1613-1648) et la pièce ''Alma Mater Redemptoris'' pour voix de soprano. En revanche, le Stabat Mater de Giovanni Felice Sances (1600-1679) se place délibérément dans le registre sacré et se coule dans le moule de la cantate à deux voix, soprano et basse, genre qui connaîtra un essor important au siècle suivant.
Le partage n'est jamais très net et bien des musiciens ont cherché à dépasser le cadre strictement religieux de la figure mariale. Comme dans le ''Lamento della Ninfa'' d'Antonio Brunelli, quelque peu endiablé dans l'accompagnement. La ''Passione Abruzzese'' (anon.) est un chant déclamatoire et narratif sur une basse obstinée. Le morceau intitulé ''Cicenerella mia'' (anon.), plutôt leste et bardé d'un refrain, est tout autant déjanté, sorte de musique Pop de l'époque.
L'Ensemble Il Caravaggio, fondé récemment et qui s'est déjà produit dans des festivals spécialisés comme Sablé-sur-Sarthe ou Utrecht, est constitué de 7 musiciens jouant 13 instruments différents dont le clavecin et l'orgue positif. Leur credo artistique est le travail sur les contrastes et les couleurs dont la recherche du clair-obscur, et ce qui est revendiqué comme « les équivalents visuels de la musique », ainsi qu'il en est de l’œuvre picturale du Caravage. On admire la sincérité de l'engagement de chacun. Que partagent les chanteurs, la soprano Anna Reinhold et surtout Guilhem Worms dont le timbre au grain riche de basse chantante se plie à l'ornementation et à la prosodie particulière de ces musiques. La captation dans l'église Saint-Amand de Thomery (77) offre intimisme et relief.
Texte de Jean-Pierre Robert
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