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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : les prestiges d'une jeune et glorieuse voix

LiseDavidsen

  • ''Lise Davidsen chante Beethoven, Wagner et Verdi''
  • Ludwig van Beethoven : récitatif et aria ''Abscheulicher Wo eilst du hin ?'', extr. de Fidelio. Scène et air ''Ah ! Perfido'', op.68 pour soprano et orchestre
  • Luigi Cherubini : aria ''Dei tuoi figli la madre'', extr. de Medea
  • Pietro Mascagni : romance et scène ''Voi lo sapete'' extr. de Cavalleria rusticana
  • Guiseppe Verdi : aria ''Pace, pace mio Dio !'', extr. de La Forza del destino. Aria ''Ave Maria, piena di grazia'', extr. d'Otello
  • Richard Wagner : Wesendonck-Lieder, cinq poèmes pour voix de femme
  • Lise Davidsen, soprano
  • London Philharmonic Orchestra, dir. Sir Mark Elder
  • 1 CD Decca : 485 1507 (Distribution : Universal Music)
  • Durée du CD : 63 min 28 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Pour son second récital au disque, la soprano norvégienne Lise Davidsen, dont les prestations affolent depuis trois ans la planète lyrique, propose un programme qui de Beethoven à Wagner en passant par Cherubini, Verdi et même Mascagni, démontre une volonté assumée d’éclectisme que ses larges moyens vocaux permettent d'assumer crânement. Le label Decca, qui naguère lança tant de grandes pointures, tient là un pur joyau, pour notre bonheur.

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Le genre du récital d'extraits d'opéras a beaucoup été pratiqué. En ces temps de restrictions financières, singulièrement vis-à-vis des intégrales d'opéra, et de disette dues à la pandémie, en concevoir un nouveau ne se justifie que si l'on possède de sérieux atouts. La soprano Lise Davidsen, à l'aube d'une carrière déjà pavée de succès (Festival de Bayreuth, ROH de Londres, entre autres), en offre à profusion. Ainsi que le démontre à l'envi ce programme alléchant. Il s'ouvre par le fameux air de Léonore au Ier acte du Fidelio de Beethoven ''Abscheulicher ! Wo eilst du hin'' (Être infâme, où cours-tu ?). Entamé par une véhémente attaque suivie d'un récitatif vibrant où se manifeste toute la vulnérabilité de la jeunesse d'une femme amoureuse blessée par l'injustice, il est couronné par un air partagé entre une émouvante section andante et une cabalette allegro d'une aisance à couper le souffle. L'air de concert ''Ah ! Perfido'' montre une sûre maîtrise du legato, tant dans le récitatif que lors de l'aria, jusqu'à une extrême douceur sur le dernier mot « morirò » de la Ière partie tandis que la seconde anticipe la presque férocité de l'air de Léonore. « Pour moi, ici, c'est un peu Mozart qui rencontre Cherubini », remarque la chanteuse.

De Cherubini précisément, l'air de l'héroïne du Ier acte de Medea, ''Dei tuoi figli la madre'' (C'est la mère de tes enfants) n'est pas moins topique d'une belle flexibilité vocale et d'une réelle empathie pour ce personnage de mère suppliante. Ce que l'on retrouve avec les deux morceaux extraits du répertoire verdien, montrant les atours de la vraie soprano lirico spinto qui révèlent aussi bien un registre médium assuré qu'un fil de voix magique dans l'extrême aigu. À travers la seule occasion d'un air, Davidsen incarne autant la résolution de Leonora, femme broyée par une terrible fatalité, avec le ''Pace, pace mio Dio !'' du dernier acte de La forza del destino, que la fragilité de l'épouse injustement soupçonnée, avec l' ''Ave Maria'' d'Otello. On regrette que l'air du Saule qui précède cette ultime prière de Desdemona n'ait pas été ajouté au programme. D'autant que la romance et la scène de Santuzza de Cavalleria rusticana de Mascagni, bien qu'irréprochable, n'était peut-être pas indispensable, sauf à montrer l'aisance de la chanteuse également dans le répertoire vériste et une partie aux confins des registres de soprano et de mezzo.

Alors qu'on atteint le morceau de choix de l'album, les Wesendonck-Lieder de Wagner. Et que tout devient évident quant à l'empathie d'une voix pour un compositeur. Lise Davidsen dit ne pas vouloir être enfermée dans le répertoire wagnérien, là où d'aucuns l'y catégorisent déjà, voyant une Isolde, voire une Brunnhilde en devenir. Il est difficile de ne pas leur donner raison devant l'aboutissement de l'interprétation de ces Lieder. Comme à l'écoute de son exceptionnelle incarnation de Sieglinde de La Walkyrie à l'Opéra Bastille en décembre dernier, un rôle qu'elle venait juste d'aborder scéniquement au Deutsche Oper de Berlin. Dans ces cinq mélodies richement orchestrées à partir de l'original pour piano, la chanteuse norvégienne rejoint ses illustres devancières nordiques, Flagstadt et Nilsson. Ombre et lumière de ''Der Engel'' (L'Ange), maîtrise de l'agitation intérieure de ''Stehe still !'' (Reste immobile), douceur de la narration de ''Im Treibhaus'' (Dans la serre), toute de désolation nocturne dans une atmosphère préfigurant l'acte II de Tristan und Isolde, qui s'étiole dans un magique pianissimo des cordes, expression de brûlure secrète et d'extase triomphante de ''Schmerzen'' (Douleurs), qu'elle considère comme « une des mélodies-clefs du cycle ». Enfin climat envoûtant de l'ultime morceau ''Träume'' (Rêves), la voix émergeant d'un orchestre somptueux jusqu'à la dernière strophe dans le registre pianissimo de l'adieu.

Ces pièces wagnériennes sont comme un résumé de toutes les caractéristiques de la voix et de l'interprétation de Lise Davidsen : la puissance, solide comme un roc, couronnée d'aigus brillants aisés et ne révélant aucune dureté, grâce à un étonnant contrôle du souffle, mais aussi la flexibilité du discours, idéale à ce stade de sa jeune carrière qui n'aborde que les Wagner ''blonds'' (comme encore Elisabeth de Tannhäuser) et que la volonté de s'approprier le répertoire italien permet de préserver, tout comme le faisait Birgit Nilsson. À cela s'ajoutent l'intensité de la diction qui préserve un vrai naturel, hors de l'emphase, même si elle pourra sans doute encore être bonifiée, notamment dans les rôles italiens, et par-dessus tout la beauté intrinsèque d'un timbre lumineux autant que mordoré. Elle est magnifiquement soutenue par la direction de Mark Elder tirant de magistrales sonorités du LPO, un orchestre qui connaît son lyrique, pour le pratiquer régulièrement chaque été à Glyndebourne. On remarque une certaine retenue dans l'approche des Lieder de Wagner ; sans doute un choix dicté par le souci d'intériorité de l'interprétation vocale.   

Les enregistrements, effectués lors de deux sessions et en deux lieux différents, offrent une profondeur et un relief certains, aptes à loger cette immense voix, grâce au choix d'une acoustique très ouverte la plaçant à distance raisonnable pour libérer tous ses harmoniques et sa formidable intensité dans les passages les plus exposés.

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Texte de Jean-Pierre Robert     

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