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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Marin Alsop dirige Candide de Leonard Bernstein

Candide LeonardBernstein LSO

Quelque trente ans après l'enregistrement signé par le compositeur, à la tête du même orchestre londonien, paraît une nouvelle version de Candide de Leonard Bernstein, dirigée par la cheffe Marin Alsop. Cette œuvre occupe une place un peu à part chez le musicien américain, non pas opéra ni totalement ''musical'', mais ''comic operetta'', en tout cas conçue pour la scène. La présente exécution au Barbican de Londres, en concert semi staged, en restitue tout l'allant et le fun.

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L'idée d'écrire une œuvre théâtrale inspirée directement du conte philosophique de Voltaire, Candide ou l'optimisme (1759) revient à la dramaturge Lillian Hellman au début des années 1950. Elle avait de quoi séduire un compositeur qui pouvait ainsi apporter une réponse satirique au Maccarthysme ambiant. L'écriture n'en fut pourtant pas aisée et l'éclectisme du sujet causa à Bernstein bien des soucis, retardée en outre par ses diverses activités de chef comme par l'achèvement du projet de West Side Story. L’œuvre, terminée en 1956, se voulait un hommage à la musique européenne, moyennant des touches brillantes et un rythme étourdissant. L'accueil new-yorkais fut cependant mitigé. Ce qui contraindra Bernstein à la modifier à plusieurs reprises. On notera la production du Scottisch Opera de Glasgow en 1988, puis les exécutions de concert à Londres, en 1989, dirigées par l'auteur lui-même, qui ont précédé l'enregistrement studio paru chez DG. Diverses adaptations ont été effectuées ensuite, dont celle de Marin Alsop en 2004 pour le New York Philharmonic Orchestra. Sans parler des productions scéniques marquantes comme celles de Robert Carsen à Paris au Châtelet en 2006, ou de Barrie Kosky au Komische Oper de Berlin en 2018. C'est la version dite de New York de Marin Aslop qui a été choisie par elle pour les exécutions en concert données fin 2018, à l'occasion du centenaire de la naissance de Bernstein.

L'opérette satirique, presque séditieuse souvent, colle parfaitement à l'histoire picaresque imaginée par Voltaire et épouse à travers ses nombreuses et folles   péripéties, les thèmes de la guerre, de l'esclavage, de la caricature de la noblesse. Et surtout de la critique acerbe de l'optimisme leibnitzien (''le meilleur des mondes possibles''), laquelle oppose à une béate insouciance une vision lucide du monde par la pratique d'un bonheur plus modeste et concret (''cultiver son jardin''). À l'aune de ce jeune homme, Candide, ballotté par le cynique Dr Pangloss à travers un long périple semé d'avatars. Un récit édifiant, voire initiatique, à la recherche pour le héros pourtant du bonheur simple, l'amour de la belle Cunégonde. Il rencontrera toutes sortes de personnages plus ou moins sympathiques, toujours hauts en couleurs, se confrontera à d'incroyables situations, certaines improbables, tel le tremblement de terre de Lisbonne, passera de la Westphalie au Surinam, de l'Eldorado sud-américain à la séduisante mais pas spécialement avenante Venise, et tutti quanti. Ce qui est explicité moyennant une introduction parlée avant chaque séquence.

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Leonardo Capalbo (Candide) & Jane Archibald (Cunégonde) ©DR 

Pour illustrer ces invraisemblables épisodes se succédant sans solution de continuité, Bernstein a écrit une musique brillante, se signalant par son mélodisme et son entrain, pleine d'esprit et de rythmes et qui se renouvelle sans cesse, quoique habilement bâtie sur quelques thèmes récurrents exposés dès l'Ouverture. Une musique extrêmement différentiée qui paie sa dette aux maîtres européens dans un détonnant mélange qui fait sens par sa disparité même. Ce que Marin Alsop épouse à merveille dans une direction pleine de zest, d'un engagement qui ne connaît aucun relâchement, depuis une Ouverture pétaradante jusqu'aux diverses séquences aussi colorées et entraînantes les unes que les autres. Ainsi en est-il à travers rythmes déhanchés (''The Best of All Possible Worlds''), vrais faux déchaînements (''Battle Scene'', ''Storm Music''), valse cocasse dans son côté offenbachien brocardé (''The Paris Waltz''). Ou encore ces tunes à l'orientale savamment assaisonnés lorsque les protagonistes atteignent les rivages d'Afrique du Nord, comme ces ostinatos ironiques truffés d'accords à la trompette pour la scène de l'Auto-da-fé. Sans parler de la ''Barcarolle'' et ses fascinantes sonorités adipeuses accompagnant le récit biographique de la Old Lady. Les ensembles, si importants ici, sont menés de main de maître comme le final de l'acte I et sa formidable progression, le chœur du départ du Surinam ''Bon Voyage'', on ne peut plus enragé, et bien sûr le final de l'acte II qui, débuté par l'air du ténor, bascule dans un duo de celui-ci avec sa belle, pour atteindre un enivrant crescendo de l'ensemble de personnages rehaussé du chœur, sur les mots ''Make Our Garden Grow''.

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Anne Sofie von Otter (The Old Lady) ©DR

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Le cast assemblé ne connaît pas de faille. Dans le rôle éminemment lyrique de Candide, Leonardo Capalbo offre un timbre de ténor clair (''Candide's Meditation'') et capable de puissance lors de l'air final (''You 've been a fool and so have I''). Jane Archibald, Cunégonde, possède un soprano agréable que n'effraient pas les coloratures de haute voltige sur un rythme endiablé de ''Glitter & be Gay'' lors de l'épisode parisien. Leur duo d'amour, paré d'une délicieuse naïveté, s'élèvera jusqu'à l'emphase d'un duo d'opéra. La Old Lady d'Anne Sofie von Otter crève les planches dès ses premiers mots, par son bagout et un incroyable battage, comme lors d'un ''Tango'' irrésistible. Cocasse en diable, son duo avec Cunégonde ''We are women !'', sur un rythme de polka, est d'un ton moqueur parfaitement percutant. Sir Thomas Allen, qui fut de la première exécution de cette version en 2004, aux côtés de Marin Alsop, propose un Dr. Pangloss démoniaque sans aller à l'excès. Un solo comme ''Dear boy'' montre une ligne de chant offrant encore bien des ramages à ce stade de sa prestigieuse carrière. Ses contributions en tant que narrateur offrent le naturel d'un texte pensé dans ses moindres recoins. Une pléiade de rôles sont distribués à six autres chanteurs, ténors, barytons et sopranos qui partagent le même sens du comique au second degré. Et les membres du LSO Chorus montrent pareille verve.     

La prise de son live restitue l'animation de la mise en espace comme les contrastes dynamiques entre solos, duos et ensembles. Les dialogues parlés sont ménagés dans une ambiance sonore modérée, qui diffère de celle des lyrics, ce qui limite l'impression de caractère fastidieux de ces textes pour un auditeur non anglophone.
Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • Leonard Bernstein : Candide. Comic Operetta en deux actes. Libretto : Hugh Wheeler, d'après le conte philosophique de Voltaire ''Candide ou l'optimisme''
  • Lyrics de Richard Wilbur, Stephen Sondheim, John Latouche, Lillian Hellman & Leonard Bernstein
  • Version basée sur l'adaptation réalisée pour le New York Philharmonic (2004) par Lonny Price, Marin Alsop et Garnett Bruce
  • Leonardo Capalbo (Candide), Jane Archibald (Cunégonde), Anne Sofie von Otter (The Old Lady), Sir Thomas Allen (Dr Pangloss/ Narrateur), Carmen Artaza (Paquette/Third Auto-da-fé solo)
  • et Thomas Atkins, Marcus Farnsworth, Katherine McIndoe, Lucy McAuley, Liam Bonthrone, Frederick Jones, Jonathan Eyers, interprétant chacun plusieurs rôles
  • London Symphony Chorus, Simon Halsey, choral director
  • London Symphony Orchestra, dir. Marin Alsop
  • 2 CDs LSOlive : LSO0834 (Distribution :[INTEGRAL])
  • Durée des CDs : 73 min 13 s + 43 min 30 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5) 

CD et MP3 disponibles sur Amazon 



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