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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Légendes pour harpe

Legends ColineJageet

Instrument féerique par excellence, la harpe peut tout aussi bien servir le registre du fantastique. C'est à cet univers que Coline Jaget consacre cet album réunissant des pièces de figures incontournables que sont Henriette Renié, Marcel Tournier ou André Caplet écrivant pour la nouvelle harpe chromatique inventée par Pleyel. Un programme révélant des sonorités qu'on ne soupçonnait pas, associant merveilleux, mystère et même terreur, et actant l'émancipation de l'instrument hors du salon musical.

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Interprète et compositrice, Henriette Renié (1875-1956) aime à puiser à des sources littéraires. Sa pièce Légende pour harpe seule (1901) s'inspire directement du poème ''Les Elfes'' de Leconte de Lisle, où un chevalier part à la recherche de sa bien-aimée à travers une forêt enchantée d'elfes joyeux et démoniaques, quête contrariée par une diabolique Reine. La composition suit le fantastique et l'insaisissable de cette histoire en utilisant toutes les ressources de l'instrument. Que ce soit l'évocation de la bien-aimée ou la course poursuite enamourée aux arrière-plans dramatiques, c'est toute une dramaturgie envoûtante qui revit par le truchement de la seule harpe et ses couleurs aux effluves presque orchestrales. Il en va de même de la Danse des lutins (1911), inspirée de Walter Scott, où l'agilité des esprits est traduite dans un tempo scherzando. Enfin, l'arrangement pour harpe de la pièce de piano de Liszt, ''Le Rossignol'', morceau extrêmement virtuose, laisse entendre l'intarissable et gracile chant de l'oiseau dans le registre le plus aérien de la harpe, ses trilles et ses gammes fusées.

Marcel Tournier (1879-1951), préféré à Henriette Renié par Fauré pour la classe de harpe du Conservatoire de Paris, avant de céder la place en 1948 à Lily Laskine, est une autre figure marquante de l'école de harpe française. Dans Féerie pour harpe et quatuor à cordes, de 1912, qui ne dénie pas ses influences debussystes, il fait montre d'un indéniable style personnel dans la recherche de sonorités expressives. Cette œuvre sous-titrée ''Prélude et danse'', s'ouvre par une introduction planante, de son thème élégiaque. La danse à trois temps d'une grande légèreté fait penser aux harmoniques subtiles des Danses sacrée et profane de Debussy, bien rythmée et empreinte d'un certain dramatisme. La présente exécution ajoute une contrebasse au quatuor à cordes, apportant ainsi une assise renforcée et dépassant l'univers de la danse pour côtoyer celui du théâtre. De 1946, la pièce L’Éternel rêveur pour harpe seule cultive des sonorités expressives plus que la pure difficulté technique.

Pour son Conte fantastique, pour harpe et quatuor à cordes, André Caplet (1878-1925) épouse par cet alliage atypique le langage tendu du ''Masque de la mort rouge'' d'Edgar Poe, trame effroyable s'il en est. Là encore, l'écriture dense, aux limites de l'atonalité, trace les diverses étapes du récit, cheminement haletant, climat de terreur. La harpe s'y montre « diabolique, effrayante, aux sonorités volontairement âpres », souligne Coline Jaget. Le disque propose enfin une œuvre contemporaine : De l'obscurité II, présentée en 2013 par le compositeur Benjamin Attahir (*1989), « synthèse de tout ce qui nourrit, depuis plus d'un siècle, l'imaginaire de la harpe » (ibid.), pièce de bravoure aussi.

Coline Jaget (*1992), formée auprès de Michèle Vuillaume et d'Isabelle Moretti, est lauréate, entre autres, du Concours International Lily Laskine (2014) et de la Fondation Banque Populaire. Au-delà de l'aspect purement technique, ses interprétations séduisent par leur richesse expressive et la manière dont elle installe le climat de symbolisme ressortant de ces œuvres, leurs éléments narratifs et leur atmosphère fantastique, souvent loin des sonorités purement aériennes associées à l'instrument.

L'enregistrement, à la Salle Colonne à Paris, possède un indéniable relief, l'instrument soliste saisi dans une ambiance aérée et immédiate.

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Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • ''Legends''
  • Henriette Renié : Légende pour harpe seule. Danse des lutins. Arrang. de ''Le Rossignol'' de Franz Liszt
  • André Caplet : Conte fantastique pour harpe et quatuor à cordes
  • Marcel Tournier : Féerie pour harpe et quintette à cordes. L’Éternel rêveur
  • Benjamin Attahir : De l'obscurité II
  • Coline Jaget, harpe
  • Quatuor Akilone
  • Lorraine Campet, contrebasse
  • 1 CD Evidence : EVCD 072 (Distribution :[PIAS])
  • Durée du CD : 56 min
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

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Henriette Renié, André Caplet, Marcel Tournier, Benjamin Attahir, Coline Jaget, Quatuor Akilone, Lorraine Campet

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