CD : le Quatuor Pražak joue les trois derniers quatuors de Haydn
La parution de ce CD marque la renaissance du label Praga Digital mais aussi du Quatuor Pražak avec un personnel renouvelé. Le choix s'est porté sur Joseph Haydn et ses derniers quatuors de l'op.77 et l'inachevé op.103. Des interprétations hautement pensées.
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Au soir de sa longue carrière, Joseph Haydn commet l'idée d'écrire encore un cycle de six quatuors qu'il veut dédier au Prince Lobkowitz. Deux seulement seront achevés en 1799, ceux de l'op.77, sans doute en raison d'une activité trop absorbante par ailleurs, dont les oratorios La Création et Les Saisons. Un troisième, débuté en 1802, restera à l'état d'ébauche, publié sous le numéro d'op.103. Le Quatuor op.77 N°1 en Sol majeur se distingue par son langage novateur et son audace harmonique, à bien de égards annonciateur de Beethoven. Lequel écrit à la même époque ses Quatuors de l'op.18, dédiés au même mécène Lobkowitz. Cette audace, on la repère dès le premier mouvement Allegro moderato qui débute sur un rythme de marche énergique. L'adagio monothématique, introduit par une longue phrase du violoncelle à l'unisson des quatre instruments, offre un doux chant se développant librement. Le Menuetto, en fait un scherzo presto, est fougueux, avec un bref trio joliment tourbillonnant. Le finale, là aussi bâti sur un seul thème, offre la forme d'une danse, le kolo, un rondo d'origine croate, et est empreint d'une tension de plus en plus soutenue. Plus polyphonique, le Quatuor op.77 N°2 en Fa majeur, débute par un thème leitmotiv séduisant, développé de manière ingénieuse. Le Menuetto, placé en deuxième position, offre une grande flexibilité rythmique, lui conférant une allure de danse populaire. Le trio, débuté pianissimo, contraste par la tendresse de sa courbure. L'Andante est le cœur expressif de l’œuvre. Très développé et sur le schéma de variations, le thème exposé par le violon I et le cello pour former un choral à quatre voix. C'est une sorte de marche lente, un procédé cher à Haydn. Les trois variations sont confiées successivement au violon II, au cello et au violon I. Le finale enjoué et incisif est brillant, de la meilleure veine du musicien, d'une écriture dense et dynamique, annonçant la musique viennoise de Schubert.
Du dernier Quatuor op.103 en Ré mineur, il ne subsiste que les deux mouvements centraux, écrits respectivement en 1802 et 1803. L'Andante grazioso de forme ternaire est d'une réelle audace harmonique dans l'assemblage de tonalités différentes. Il en émane une grande mélancolie. Le Menuetto ma non troppo offre une rythmique instable, prolongeant le sentiment de tristesse. Le trio est plus lyrique et presque symphonique dans sa texture. Le retour du menuet crée un nouveau contraste de par la tension générée par une nervosité soutenue jusqu'à l'envolée finale rageuse. Tout comme pour les deux œuvres précédentes, les Pražak offrent des exécutions d'un beau poli instrumental, même si la sonorité du violon I de Jana Vonášková semble ingrate lorsqu'est abordé le registre le plus aigu. On admire l'extrême raffinement du jeu des quatre partenaires dont seul l'alto de Josef Klusoň appartient désormais à la formation d'origine, constituée dans les années 1970 et 1er prix en 1978 du Concours International d'Évian. Ce disque concrétise ainsi le passage de témoin d'une génération à l'autre.
La prise de son dans l'acoustique naturelle du Studio Domovina de Prague, offre une image large et séduisante, même si le violon I, lorsque sous pression, est parfois curieusement réduit à un filet de son.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- Joseph Haydn : Quatuors à cordes op.77 N°1 en Sol majeur & N°2 en Fa majeur. Quatuor à cordes en Ré mineur, op.103 (inachevé)
- Pražak Quartet
- 1 CD Praga Digital : PRD 250 420 (sous licence Little Tribeca, Distribution : [PIAS])
- Durée du CD : 59 min
- Note technique : (4/5)
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