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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : le Ier Livre des pièces de viole de Marin Marais

Marin Maris Pieces de viole

C'est à un ambitieux projet qu'entend se consacrer le violiste Atsushi Sakai : l'enregistrement des 5 Livres de Pièces de viole de Marin Marais. Son interprétation du Livre I augure bien de la haute qualité musicale de l'entreprise.  

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Pour avoir suivi l'enseignement de Jean de Sainte-Colombe et dans le dessein de satisfaire au goût de l'époque pour la viole de gambe, Marin Marais (1656-1728) se devait d'écrire pour l'instrument, noble par excellence. Sa production à cet égard sera importante puisqu'il composera quelque 600 pièces réparties en cinq Livres, et ce durant quarante ans. On dit qu'il dépassera vite le maître tant ses dispositions étaient importantes, ce qui le prédisposera à entrer dans le prestigieux orchestre de l'Opéra. Le Premier Livre de Pièces de viole, qu'il publie en 1686 et dédie à Lully, son protecteur auprès du roi Louis XIV, est constitué de neuf suites dont deux pour deux violes et continuo. Selon Atsushi Sakai, Marin Marais « a composé quelque chose de très personnel, comme pour montrer toute l'étendue de son savoir-faire ». La forme de ces pièces est la suite de danses françaises qui après un Prélude, fait se succéder ce qu'on appelle alors les ''grandes'' danses, Allemande, Courante, Sarabande et Gigue, et les ''petites'' danses, Menuet, Gavotte, voire Rondeau. On y remarque la sophistication de l'écriture qui met en valeur la vocalité de l'instrument. Ne dit-on pas que le son de la viole de gambe, tout comme celui de son successeur le violoncelle, est de tous le plus proche de la voix humaine. Encore que la viole soit bien différente de ce dernier. Un instrument à propos duquel Atsushi Sakai parle de pudeur, voire de sensualité. Ce dernier qualificatif s'appliquant à la musique baroque en général, selon lui. En tout cas, cette écriture se caractérise par la clarté et le raffinement, base du style français.

L'album présente quatre des pièces écrites pour une viole et continuo, dans une réalisation empruntant aux trois autres suites de ce livre. Un agencement qui introduit, au sein d'une même suite, d'autres morceaux, comme il se pratiquait à l'époque, laissant à l'interprète une grande latitude. Le continuo est confié au seul clavecin, contrairement à d'autres exécutions qui privilégient une manière plus fournie. Il en résulte une exécution sans doute plus austère, mais nul doute très fidèle à l'esprit d'origine. On le ressent dans les préludes, comme celui de la Suite en Sol mineur, recueilli, proche de la plainte, ou celui de la Suite en Ré mineur, de caractère méditatif. Les ''grandes'' danses sont contrastées, autant de jeux d'ombre et de lumière. On y admire la science de l'harmonie. Quelques autres caractéristiques encore, dont les morceaux conclusifs, un Rondeau pour la Suite en La majeur ou une vaste Chaconne terminant la Suite en Ré majeur. A été ajoutée une pièce dite de caractère : le Tombeau de Monsieur Meliton en Sol mineur. C'est une sorte d'hommage à un personnage important, proche de la déploration et du genre de la plainte, d'où la prédominance de tempos lents.

Les Pièces pour deux violes offrent des contrastes plus marqués. L'écriture pour les deux instruments est savante et extrêmement personnelle. Ne serait-ce que dans le travail du continuo. On y trouve divers modes de jeu, en répons ou à l'unisson, outre les divers agréments qui les émaillent. Ainsi de chacune des danses de la Suite en Sol majeur, dont la Courante déliée et la Sarabande très chantante, élégiaque presque. Comme il en va de la Gigue qui suit. Le Menuet perd de son côté galant. L’œuvre se termine par une Chaconne développée d'une extrême inventivité dans la distribution de chaque partie et les diverses harmonies qui leur sont confiées. La Suite en Ré mineur s'ouvre par un long Prélude où chacune des deux violes rivalise d'intensité. Le morceau, d'abord lent et déclamatoire, bascule dans un tempo soutenu. L'Allemande poursuit dans ce caractère vif. Plus loin, la Sarabande se déploie telle une rêverie non dénuée d'accents plaintifs.

Comme déjà remarqué dans son interprétation des Pièces de viole de Couperin, la manière d'Atsushi Sakai est hautement sentie, techniquement accomplie comme dans les frottements harmoniques si caractéristiques de cette musique. Admirables le sens du phrasé, l'émotion dénuée de pathos, la résonance mais aussi l'impression donnée de la fragilité de l'instrument. Il s'inscrit dans les pas du maître Jordi Savall. Marion Martineau lui apporte la plus sensible des répliques et Christophe Rousset est l'indispensable compagnon de ce voyage.

L'enregistrement, à l'Hôtel de l'industrie, procure une belle immédiateté, ménageant un équilibre proche de l'idéal entre la ou les deux violes et le clavecin.

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Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • ''Pièces à une et à deux violes Livre I''
  • Marin Marais : Suites pour une viole et continuo en Ré mineur, en Sol mineur, en La majeur & en Ré majeur
  • Suites pour 2 violes et continuo en Sol majeur & en Ré mineur
  • Tombeau de M. Meliton en Sol mineur
  • Atsushi Sakai, Marion Martineau (viole de gambe), Christophe Rousset (clavecin)
  • 3 CDs Aparté : AP 264 (Distribution : [PIAS])
  • Durée des CDs : 76 min + 51 min + 50 min
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

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