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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD "Caleidoscopio" : découvrir la musique de Diego Ortiz

Diego Ortiz

Après un album remarqué associant Gilles de Binchois et Johannes Ockeghem, ''Quinze'', l'ensemble Comet Musicke se tourne vers Diego Ortiz, figure essentielle de la Renaissance espagnole. Il nous entraîne dans un programme kaléidoscope où des chansons polyphoniques se mêlent à des morceaux instrumentaux. Ce portrait sonore replace les œuvres du musicien dans le contexte de son époque, illustré par quelques-uns de ses contemporains comme Antonio de Cabezón ou Jacques Arcadelt. Une découverte majeure, truffée de quatre premières au disque.

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Diego Ortiz (ca. 1510 - ca. 1570), né semble-t-il à Tolède, s'installe à Naples dans les années 1550 où il devient maître de chapelle du vice-roi. Il voyage en Europe, notamment à Rome où il publie en 1553 un traité de pratique instrumentale, ''Trattado de Glosas'' (Traité des Gloses). Il s'agit, selon Frédéric Muñoz, d'« une méthode concernant une manière particulière d'orner un texte musical ». Le traité comporte aussi des pièces écrites sur des thèmes ou mélodies alors en vogue, que ce soit des madrigaux ou des œuvres instrumentales appelés ''Recercadas''. À Venise, en 1565, Ortiz publie un autre opus, Musices liber primus, constitué de motets de 4 à 7 voix sur des thèmes de plain-chant. À la différence du premier, bien connu des spécialistes, ce second ouvrage est tombé dans l'oubli.

L'ensemble Comet Musicke définit ainsi le propos du présent album : « avec une formation constituée de voix et d'instruments mélodiques, nous avons cherché à bâtir un kaléidoscope qui dévoile un portrait sonore de Diego Ortiz en assemblant des pièces de nature diverse organisées autour de ses Recercadas et de ses motets, tout en replaçant ces œuvres dans leur contexte ». Le programme est ainsi composé de deux parties thématiques, sous-titrées ''Douce mémoire'' puis ''Yeux heureux'', et mêle le profane et le sacré, le sérieux et le joyeux. Il associe des œuvres de Diego Ortiz à celles d'autres comme Antonio de Cabezón, Jacques Arcadelt ou Francisco Guerrero. L'instrumentation extrêmement originale fait appel à des instruments inhabituels, comme le serpent, la vièle à archet, le cornet ou les castagnettes.

Au titre des motets de Diego Ortiz, tirés du Musices Liber primus, on entend en particulier un ''Salve regina misericordia'' mêlant chants a cappella et accompagné, d'une rare ferveur. Ou un ''Alma redemptoris Mater'' où la voix d'alto sur un consort de violes de gambe précède une seconde partie associant ténor, alto et basse. Ortiz a écrit plusieurs versions d'une même œuvre. Comme il en est du ''Benedicta es caelorum regina'' donné ici d'abord à sept voix, puis à cinq voix. Ce chant de louange possède une durée différente quant à ses deux versets dans l'un et l'autre cas.

S'agissant des pièces profanes, l'antienne ''Douce mémoire'', un thème récurrent de la Renaissance en Europe, chantée par Ortiz dans la pièce, en vieux français, ''Doulce mémoire en plaisir consummée'' est mise en perspective avec des compositions de contemporains. Ainsi de Francisco Millán (actif au début du XVIème) dans ''Dulce y triste memoria''. Le sujet allusif des ''Yeux heureux'' inspire à Francisco Guerrero (1528-1599) son madrigal ''Yeux clairs et sereins'', d'où émane une vraie tendresse, ou à Rodrigo de Ceballos (ca.1525-1581) ''Yeux magnifiques, amoureux, profonds'', d'une douce affliction, mais aussi à Jacques Arcadelt (1507-1568) la pièce ''O felici occhi miei''. 

Quant aux Recercadas de Diego Ortiz, ce sont, comme les ricercari italiens, des morceaux instrumentaux libres cultivant la répétition. Ils mettent ici en valeur le contrepoint dans un luxe de détail d'écriture pour une ou plusieurs violes de gambe, ou un étonnant dialogue flûte-serpent (Recercada Quinta sobre tenor italiano). Ou encore un cornet et une vièle à archet (Recercada Sesta). Il est intéressant de les comparer à d'autres pièces, d'Antonio de Cabezón par exemple, organiste fameux (1510-1566). Ainsi de la ''Pavana con su glosa'', délicatement rythmée à la viole de gambe, ou cette pièce ''Diferencias sobre la Pavana italiana'', sorte de variations peut-être plus graciles.

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Toutes ces musiques, naguère défendues par Jordi Savall, le sont ici avec conviction par les musiciens de Comet Musicke. La plupart sont polyvalents, chanteur et instrumentiste, à l'image de leur directeur artistique Francisco Mañalich, lui-même ténor et violiste. Outre la pertinence des enchaînements, on est séduit par la luminosité des voix, la douceur des intonations comme par la qualité du jeu sur ces instruments typiques de l'époque du XVIème siècle que sont le serpent (instrument à vent grave en forme de S), le cornet à bouquin ou la vièle à archet (instrument à cordes). On éprouve un sentiment de plénitude à l'écoute de cette anthologie de la musique de Diego Ortiz et de ses contemporains.

La prise de son, à l'église Saint-Martin de Chambray dans l'Eure, leur rend justice par une habile spatialisation des voix selon les pièces et une captation intimiste des instruments, tous d'une indéniable présence.
Texte de Jean-Pierre Robert  

Plus d’infos

  • ''Caleidoscopio''
  • Diego Ortiz : pièces extraites du Trattado de Glosas & motets issus du Musices Liber primus
  • Pièces vocales et instrumentales de Juan del Encina, Antonio de Cabezón, Hernando de Cabezón, Pedro Hernandez de Tordesillas, Francisco Millán, Jacques Arcadelt, Francisco Guerrero, Ginés de Morata, Rodrigo de Ceballos, Francesco Santa Croce detto Patavino et d'anonymes
  • Comet Musicke
  • 2 CDs Son an Ero : Son an ero 18 (Distribution :UVM)
  • Durée des CDs : 52 min 14 s + 50 min 19 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

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