CD : François Chaplin joue les valses de Chopin
Les magistrales pièces que sont les Valses de Chopin ne sont plus si souvent enregistrées en intégrale pour que cette parution ne retienne pas l'attention. Elles nous reviennent avec un sang neuf et une élégance toute gallique, jouées par François Chaplin.
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On sait que ces valses ne sont pas faites pour danser. Ce sont des morceaux de musique pure dont Chopin n'en laissera publier que 8. On en comptera longtemps six posthumes, avant que d'autres soient dénichées ici ou là, pour arrêter leur nombre (définitivement ?) à 19 au jour d'aujourd'hui. Écrites de 1829 à 1847, elles offrent une inépuisable palette à ce fameux rythme à trois temps. Mais celui-ci est décliné de manière si différente qu'on a pu, comme Alfred Cortot, les classer en trois sortes : les brillantes, les rêveuses, proches de la mazurka, et les allusives et poétiques. François Chaplin, qui les pratique depuis les débuts de sa carrière, estime que « particulièrement virtuoses, parfois mélancoliques, elles conservent néanmoins la légèreté et la grâce propres au genre ». Et de souligner que pour les interpréter, la première qualité est la vocalité. Le cantabile est en effet la pierre angulaire de toutes ces pièces. Il transcende leur éloquence.
Qu'il s'agisse d'abord des valses dites brillantes. Ainsi de la Grande valse brillante op.18 en Mi bémol majeur, de 1831 qui « piaffante et empanachée... rebondit à chaque ''séquence'' », souligne Bernard Gavoty. Elle conjugue vigueur et simplicité à l'aune de son premier thème. Et un certain goût français parfaitement illustré ici. Même impression avec la Valse op.34 N°1 sous-titrée aussi ''Grande valse brillante'' de par son luxe de modulations subtiles qui la rendent si entraînante, un peu dans l'esprit viennois.
Pour ce qui est des pièces lyriques, qu'on a dites proches de la manière de salon, on admire chez le pianiste français le naturel de la démarche, le refus de l'affectation. Ainsi de la première valse de l'op.64, qu'il ne faut pas prendre trop vite afin de garder une marge d'accélération. Et de la troisième, proche de la mazurka, quoique se distinguant de son rythme à 3/4, car comme l'observe Chaplin, « il faut veiller à ne pas jouer les valses comme des mazurkas ». De même, est-il essentiel de conserver une vraie fluidité. Comme pour la Valse op.34 N°3, dite ''du chat'' et sa sinuosité en forme d'enroulement, Le travail sur la main gauche est une constante dans les valses. Celle-ci est « redoutable, d'une telle inventivité qu'elle exige une grande souplesse », relève encore le pianiste qui cite la phrase de Chopin : « que votre main gauche soit votre maître de chapelle ; elle est comme une montre ». Un exemple : la poétique de la nostalgie dans le thème introduit à la main gauche de la Valse op.34 N°2. On touche ici à la délicate question du rubato. Chaplin reprend la boutade de Martha Argerich : « si on se laisse aller, c'est vulgaire, si on se retient, c'est froid et impersonnel ». Autrement dit, l'art est de trouver le juste équilibre. Les présentes exécutions y parviennent. Témoins la belle animation de la Valse op.64 N°2, une des plus parfaites, ou l'évitement de tout côté mécanique de la bondissante Valse op.70 N°1, de style populaire avec son épisode central de Ländler autrichien. L'aspect attendri et mélancolique de la Valse op.69 N°1 se dégage de son thème charmeur au fil de ses diverses variations d'une rare perfection, une des premières composées, en 1829. L'autre Valse en Mi majeur, de la même année, également posthume, est « charmante dans sa gaucherie » (Gavoty).
Les quatre dernières, posthumes, récemment exhumées et ajoutées au catalogue, sont très brèves mais ne manquent pas d'intérêt. La preste Valse en La bémol majeur, joliment bavarde, remonterait à 1827. La Valse en Mi bémol majeur (1829/1830), semble loin du rythme idoine, avec un singulier travail sur la main gauche. La Valse en Mi bémol majeur (1840) se veut déclamatoire. Enfin la Valse en La mineur (1843) est pure poésie de son thème qui semble s'envoler.
Certes, toutes ces valses ont connu des heures de gloire sous les doigts d'Arrau, de Rubinstein ou de Samson François hier, puis du jeune Zimerman et d'Argerich, et plus récemment de Tharaud ou de Luisada côté français. Cette nouvelle proposition ne déroge pas à ces sommets d'excellence, loin de là.
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L'enregistrement, au Théâtre de Poissy, saisit le Yamaha CFX bien centré, dans une acoustique non résonante.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- Frédéric Chopin : Intégrale des 19 valses
- François Chaplin, piano
- 1 CD Aparté : AP 270 (Distribution :[PIAS])
- Durée du CD : 63 min
- Note technique : (5/5)
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