CD : Sergey Malov joue les 24 Caprices de Paganini

Voici une nouvelle exécution des fameux Caprices pour violon seul de Paganini. Une intégrale qui, selon son interprète, se plaît à démonter les deux arguments souvent brandis d'excessive complexité et de monotonie en situation de concert. Y parvient-il ? À chacun d'en juger. Une chose est certaine : Sergey Malov ne laisse pas indifférent par son violon racé.

Même si l'arbre peut souvent cacher la forêt, les 24 Capricci a violino solo op.1 restent un monument incontestable de l’œuvre de Niccolò Paganini et plus généralement du répertoire violonistique. Au point d'avoir attiré les louanges de bien de ses contemporains dont Schumann, Berlioz et Liszt. On a tout dit de leur exécution de nature transcendante, rassemblant en une sorte d'anthologie toutes les difficultés possibles et imaginables que peut offrir le violon. Et bien sûr, de leur caractère hyper virtuose. C'est sans compter sur un autre aspect moins souligné, pourtant essentiel, à savoir la beauté intrinsèque de chacune de ces pièces. Pour Sergey Malov, « on peut voir à travers la riche texture de cette musique, des thèmes d'une étonnante beauté dans leur simplicité ». Ils sont basés sur de la musique populaire, des airs d'opéra, des imitations de bruits de la nature. Aussi leur perception par l'auditeur et même l'interprète est largement une question de perspective. Et le terme de Capriccio est sans doute à distinguer de celui d'étude, car la fantaisie est ici en plus.

Alors il faut se laisser aller à écouter attentivement chaque morceau, si possible sans a priori. Et l'interprétation du violoniste russe est révélatrice. Aussi bien de la diversité des Caprices que de leur infinie séduction. On passera sur les hyper virtuoses comme le N°5, Agitato, ou le N°16, Presto, ébouriffant, pour leur préférer les expressifs, tels le N°4, Maestoso, le plus développé dans ses thèmes et tempos divers, le N°6, Lento, intimiste, avec ses trilles entièrement dans le registre piano, ou le 21ème, Amoroso-Presto, et son thème effectivement épris comme l'amoureux clamant quelque compliment à sa belle. On remarque le côté opératique du Caprice N°17, de son thème déclamatoire associé à un sorte d'accompagnement bavard, le tout s'intensifiant jusqu'à un da capo où la mélodie d'origine est enjolivée. Malov fait remarquer qu'à partir du 13ème, les Caprices sont pour la plupart bâtis sur ce mode da capo, c'est-à-dire un morceau en trois parties ABA', la troisième n'étant qu'une reprise plus travaillée du thème initial. Il en va ainsi du N°22, Marcato, sorte de dialogue imaginaire entre deux personnages, selon la dramaturgie d'une discussion animée, tour à tour interrogative, agitée et apaisée. Comment ne pas remarquer l'originalité des thèmes imaginés par Paganini, comme ceux du Caprice N°9, Allegretto, souvent sous-titré ''La chasse'', et ses effets d'écho au début et à la fin, ou du N°12 et son halo fantomatique, là encore logé entièrement dans le registre ppp. Le 24ème et dernier décline de onze façons différentes un thème aussi bref que rapide, encore un vrai tour de force.

Celui-ci, Sergey Malov l'accomplit apparemment sans effort, asservissant une technique étourdissante qui ne recherche pas à en remontrer, à un jeu raffiné, empli de délicatesse, outre un respect scrupuleux des indications de tempo ; ce qui contribue à l'évitement du phénomène redouté de monotonie d'une exécution en continu. Il introduit, avant le dernier Caprice, une pièce de son cru, sorte de collage au violon électrique en forme de pot-pourri de thèmes, assorti de bruitages.

L'enregistrement au Studio Interjam à Berlin, dans une acoustique agréablement ''ouverte'', rend justice aux caractéristiques de l'interprétation.

Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

• Niccolò Paganini : 24 Capricci op.1. Paganini-Collage, improvisation de Sergey Malov
• Sergey Malov, violon
• 1 CD Solo musica : SM 382 (Distribution : Socadisc)
• Durée du CD : 72 min 33 s
• Note technique :  (5/5) 

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