CD : Théotime Langlois de Swarte transfigure une poignée de concertos de violon baroques
Ce CD entend réunir trois virtuoses du violon du début du XVIIIème siècle si prolixe, Vivaldi, Leclair et Locatelli. En offrant quelques concertos emblématiques de la manière de chacun de leur auteur. Ils sont joués par le jeune talent récemment révélé sur la scène musicale Théotime Langlois de Swarte d'une si exceptionnelle façon qu'on en éprouve un ravissement de la première à la dernière note.
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La rigoureuse construction du programme met en regard celui qui est considéré comme le père du concerto de violon, Antonio Vivaldi, et deux musiciens contemporains a priori bien différents qui ont également pratiqué le genre avec maîtrise, Jean-Marie Leclair et Pietro Locatelli. Le lyonnais qui est vite monté à Paris, après une incursion en Italie dans le cadre de son premier métier de danseur, rencontre l'italien en Allemagne. Une relation artistique se noue entre eux, à la faveur de leurs pérégrinations à travers l'Europe. Leur style diffère grandement pourtant. Ne dit-on pas à l'époque de Locatelli et de Leclair, « celui-ci joue comme un ange, celui-là comme un diable ». Un facteur commun les rapproche pourtant : l'influence plus que manifeste de Vivaldi. L'écoute croisée des œuvres ici réunies de chacun des trois le démontre.
À tout seigneur, Vivaldi est représenté par deux de ses nombreux concertos écrits pour le prince des instruments à cordes. Le Concerto pour violon RV 384 en La mineur s'élance telle une chevauchée à un rythme comme fouetté aussi bien pour le soliste qu'au ripieno, et se conclut par un Allegro plein de furie. Ils encadrent un Largo distingué par la souple et belle mélodie du violon. Le Concerto RV 179a en Do majeur a été composé en 1725 à l'intention d'une certaine Anna Maria, une des demoiselles de l'Ospedale della Pietà de Venise. Et indéniablement conçu pour une interprète aux moyens phénoménaux, comme le montrent le premier mouvement d'une formidable complexité avec ses sauts d'octave redoutables et le jeu ppp exigé, notamment à la cadence, ou le Largo truffé de contrastes dynamiques et sa cantilène extrêmement ornée du violon, moment magique car adorné d'un tendre accompagnement.
De Jean-Marie Leclair, on entend le Concerto op.5 N°7 en La mineur, de 1720, mêlant styles italien et français, mais montrant une voie bien personnelle, comme au finale en apparence quasi vivaldien dans ses tournures très articulées et offrant un passage relevant de la musette française. L'émancipation par rapport à Vivaldi est encore plus notable avec le Concerto op.10 N°3 en Ré majeur, plus tardif (1740). C'est cette fois de l'influence de Locatelli qu'il faut parler, de par une technique plus ardue et brillante, comme il en va de la ritournelle de l'Allegro final dont s'échappe le violon brodant d'amusants ostinatos. Le Concerto op.3 N°8 en Mi mineur de Locatelli, extrait de ''L'Arte del violino'', démontre combien le musicien-violoniste repousse les limites, bien plus avant que Vivaldi, dans un esprit cultivant la fantaisie ou le caprice échevelé pour l'instrument, que d'autres après lui mettront en avant, tel Paganini. Ainsi l'Allegro final, intitulé aussi Capriccio, laisse-t-il apparaître ce qu'on appelle le ''trille du diable'' et ses sauts de registre vertigineux.
Outre l'intérêt du rapprochement de ces œuvres et du jeu subtil des interactions, la réussite de cet album réside dans les exécutions immaculées qu'en livre Théotime Langlois de Swarte. Rarement a-t-on assisté à pareil accomplissement. Et été captivé par pareille sonorité. La virtuosité d'abord, transcendée par l'inventivité du jeu, les traits les plus périlleux ménagés non seulement avec aisance, mais encore grâce à une réserve de puissance qui rend le plus tendu d'une confondante fraîcheur quel que soit le registre. Le phrasé ensuite, d'une finesse, d'un racé à couper le souffle, dégageant un sentiment d'évidence qui envoûte. Le moelleux du son enfin, que ce soit dans les passages les plus exigeants, comme les trilles sauvages de Locatelli, ou à l'inverse dans les Largos envoûtants de Vivaldi ou de Leclair. Le soutien prodigué par l'ensemble Les Ombres et sa vingtaine de musiciens est de la même eau : couleurs, articulations, cohérence, tout est chez eux frappé au coin de l'authenticité.
L'enregistrement dans la belle acoustique de la grande salle de l'Arsenal de Metz, démultiplie la beauté des interprétations, eu égard à l'extrême plasticité de l'image sonore. Et à un magistral équilibre soliste-tutti.
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Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- Antonio Vivaldi : Concertos pour violon RV 384 & RV 179a ''Per Anna Maria''. Prélude en La mineur (basé sur le concerto de violon RV 355). Prélude en Ut majeur (basé sur la Sonate en Trio RV 60)
- Jean-Marie Leclair : Concerto pour violon op.7 N°5. Concerto pour violon op.10 N°3
- Pietro Locatelli : Concerto pour violon op.3 N°8
- Théotime Langlois de Swarte, violon
- Les Ombres, dir. Margaux Blanchard & Sylvain Sartre
- 1 CD Harmonia Mundi : HMM 902649 (Distribution :[PIAS])
- Durée du CD : 77 min 12 s
- Note technique : (5/5)
CD disponible sur Amazon
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