CD : Gianandrea Noseda dirige la Septième symphonie ''Leningrad'' de Chostakovitch
Gianandrea Noseda et le LSO poursuivent l'enregistrement live de l'ensemble des symphonies de Chostakovitch avec la monumentale Septième dite ''Leningrad''. Une version à laquelle l'orchestre londonien offre une plasticité instrumentale exceptionnelle pour une vision qui reste mesurée, comparée à l'engagement insufflé par d'autres chefs.
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La Septième symphonie ''Leningrad'' op.60, liée au siège de la ville en 1941, appartient chez Chostakovitch aux symphonies dites de guerre. Le message en est toutefois complexe, ne serait-ce que par les indications successives et parfois contradictoires fournies par son auteur : un monument aux héros de la patrie, à la grandeur du peuple et aux valeurs humaines, mais aussi un manifeste du combat contre le fascisme, à la « victoire inéluctable sur l'ennemi », ou encore une œuvre musicale dédiée à Leningrad. Son langage est en tout cas simplifié par rapport aux symphonies précédentes, dans le but de la rendre accessible à un large public. Ce qui ne signifie pas qu'elle soit d'un abord toujours aisé, sa démesure ne dispensant pas de quelques longueurs. Qu'importe, elle a valu à son auteur une reconnaissance universelle et durable et, comble de l'ironie de l'histoire, l'attribution du Prix Staline en 1942.
L'exécution qu'en livre Gianandrea Noseda lors d'un concert donné le 5 décembre 2019 dont le CD est la restitution, s'en tient à une manière objective, comme déjà observé dans ses précédentes interprétations, singulièrement des Symphonie N°9 & N°10. Elle est d'une véhémence contrôlée même si marquée par des écarts extrêmes de dynamique, jusqu'au pppp souvent à la limite de l'audible. Singulièrement, les délicats enchaînements, ces fascinantes ruptures dans le discours, ne sont pas toujours aussi percutantes qu'attendues. Sa vision diffère de la fulgurance tragique portée par Andris Nelsons dans sa formidable version CD avec le Boston Symphony Orchestra.
Ainsi du vaste premier mouvement. Après une introduction presque sereine, l'épisode dit ''de l'invasion'' avec sa rythmique obsédante, calquée par Chostakovitch sur la manière répétitive du Boléro de Ravel, progresse implacable dans son long crescendo jusqu'à l'embrasement, qui reste cependant moins terrifiant que dans l'exécution déjà citée. L'intermezzo lyrique qu'est le Moderato est introduit par un thème insouciant aux cordes d'où émerge la cantilène du hautbois dans le registre piano, presque dansante. À l'Adagio et son choral introductif évoquant Leningrad avant le siège, on apprécie les sonorités stravinskiennes des bois à l'unisson débouchant sur la mélodie du basson et des flûtes. Les grandes phrases cajolées des cordes décrivent pourtant une situation de félicité de façade. Le soudain changement d'atmosphère vers une bourrasque guerrière truffée d'appels de cuivres et de rythmes saccadés conduit à une intensité qui semble se submerger elle-même. Le finale débute dans une extrême douceur aux cordes. Un brusque changement d'atmosphère, habilement ménagé par le chef, introduit un épisode de brillant crescendo marqué par le martellement des percussions. Ce ne seront alors que sonorités martiales, boulées, et course infernale recourant à un instrumentarium étonnant. Le ton épique confine à l'euphorie, où affleure quelque rappel fugace du fameux thème de l'opéra Lady Macbeth de Mzensk et sa lourde teneur inquiétante, avant une ultime montée en puissance triomphante.
Ce qui frappe avant tout dans cette lecture, c'est l'acuité des musiciens du LSO, qui livrent une démonstration orchestrale rutilante, caractérisée aussi bien en termes de qualité instrumentale que de maîtrise des contrastes dynamiques et de rythmes qu'exige cette musique. Tout ici contribue à la faire sonner de la plus idoine façon. Que ce soit la malléabilité des cordes, l'âpreté des percussions en batterie et surtout le vaste panel différentié de ces instruments à vent chers au compositeur, comme le mélodieux basson, la petite flûte piccolo stridente, le cor envoûtant, les pugnaces trompettes.
Pour avoir été réalisée lors d'un unique concert dans l'acoustique ingrate du Barbican Hall de Londres, la prise de son est un tour de force. Car l'image sonore reste toujours d'une grande cohérence, restituant dans un large spectre sonore le naturel du concert, les larges écarts de dynamiques favorisés par le chef et tout le caractère imposant de l'appareil orchestral.
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Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- Dimitri Chostakovitch : Symphonie N°7 en Ut majeur op.60 ''Leningrad''
- London Symphony Orchestra, dir. Gianandrea Noseda
- 1 CD LSO Live : LSO0859 (Distribution :[PIAS])
- Durée du CD : 75 min
- Note technique : (5/5)
CD disponible sur Amazon
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