CD : la profonde originalité de la musique de Weinberg
Le répertoire au disque de la musique de Mieczysław Weinberg s'enrichit toujours de nouvelles propositions. Et ce n'est que justice rendue à un musicien trop longtemps négligé. Cette fois, nous sont proposées deux œuvres concertantes pour violoncelle et la Quatrième symphonie de chambre, sa dernière partition. L'ensemble belge Les Métamorphoses et le celliste Pieter Wispelwey nous dévoilent leurs alliages sonores inattendus et leur intense charge émotionnelle.
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Le Concertino pour violoncelle op.43bis composé en 1848 est l'esquisse du Concerto pour violoncelle op.43 commandé à Weinberg par Mstislav Rostropovitch. De ton méditatif, il est encore plus poignant que la partition finale. En quatre mouvements enchaînés, il débute par un Adagio installant une longue plainte confiée au soliste, douloureuse et presque inquiétante. Le Moderato espressivo paraît plus démonstratif dans ses accents judaïques affirmés. Puis un Allegro vivace énergique, presque rageur, conduit à une tension quasi paroxystique et une cadence passionnée méditative, dans le ton populaire et d'une écriture très extrême dans l'aigu pour le violoncelle. L’œuvre se termine par un Adagio, reprise du tempo de désolation du Ier mouvement et s'acheminant decrescendo vers le néant. À noter que cette fin est différente de celle du Concerto op.43 qui s'achève par un Allegro trépidant digne de Chostakovitch, sans doute plus à même d'emporter l'adhésion de l'auditoire. Résumant le sens de cette musique, comme plus généralement peut-être de toute celle de Weinberg, Pieter Wispelwey a ces mots, citant les « nombreux visages » de l'auteur : « déchirant de légèreté et de tendresse meurtrie, sincère et trompeur, mystérieux et plein d'audace, profond et charmant ».
Ce qui s'applique tout autant à la Fantaisie pour violoncelle et orchestre op.52. Écrite entre 1951 et 1953, elle a d'abord été conçue pour violoncelle et piano. D'un seul tenant, elle est constituée de 5 sections organisées en arche : un Adagio au climat mystérieux d'où émerge le soliste, un Andantino leggiero mélodieux avec intervention, entre autres, de la flûte, du cor et du hautbois et une partie soliste de cello intense. Une brève cadence en forme de transition conduit à la section Allegro con fuoco, bardée de danses polonaises de kujawiak et de mazurka. Cela bondit avec une pointe d'humour et le cello se fait délicatement chantant ou plus vif. Une nouvelle cadence assez développée marque le retour de l'épisode Andantino leggiero, encore plus élégiaque que le premier. À l'Adagio conclusif, la musique s'éteint peu à peu. Comme pour le Concertino, les exécutions de Pieter Wispelwey et des musiciens de l'orchestre Les Métamorphoses sont aussi intenses qu'accomplies.
Dernière œuvre achevée, en 1992, la Symphonie de chambre N°4 op.153 possède un instrumentarium original : un orchestre à cordes avec clarinette obligée et un triangle. On y retrouve la veine de désolation fréquente chez le musicien qui n'hésite pas à s'autociter. En quatre mouvements, elle dure environ 35'. Elle débute Lento par un choral pianissimo, puis la clarinette s'impose en une mélodie de type klezmer. L'Allegro molto est au contraire énergique, empli d'aspérités dignes de Bartók, la clarinette se détachant en dialogue concertant ou en solo, précédant d'autres solos de violon puis de violoncelle. Mouvement le plus développé, l'Adagio voit la mélopée de la clarinette soutenue par les cordes dont le cello solo, là encore d'un grand sentiment de désolation. Une progression en intensité aux cordes dans l'extrême aigu conduit à un point d'orgue, puis s'amorce un decrescendo ppp. L'Andantino final hésite entre bonheur et chagrin, pour s'enfoncer peu à peu dans le silence. La haute tenue de la prestation de Jean-Michel Charlier à la clarinette et de l'orchestre Les Métamorphoses que dirige Raphaël Feye, compare favorablement cette exécution à celle de la Kremerata Baltica de Gidon Kremer, dans leur enregistrement des quatre symphonies de chambre paru il y a quelques années sous label ECM.
La prise de son, dans la salle de concert de Gand, est d'une remarquable clarté, les solistes, violoncelle ou clarinette, parfaitement intégrés au tissu orchestral.
Texte de Jean-Pierre Robert
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Plus d’infos
- Mieczysław Weinberg : Concertino pour violoncelle op.43bis. Fantaisie pour violoncelle et orchestre op.52. Symphonie de chambre N°4 op.153
- Pieter Wispelwey (violoncelle), Jean-Michel Charlier (clarinette)
- Les Métamorphoses, dir. Raphaël Feye
- 1 CD Evil Penguin Classic : EPRC 0045 (Distribution : Distrart music)
- Durée du CD : 68 min 27 s
- Note technique : (5/5)
CD disponible sur Amazon
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