CD : les sonates pour clarinette de Brahms
Cet album réunit logiquement les deux sonates de Brahms écrites pour la clarinette, derniers fruits de la collaboration avec le célèbre instrumentiste Richard Mühlfeld. Le grand clarinettiste anglais Michael Collins relève le gant et, en compagnie du pianiste Stephen Hough, en donne des interprétations somptueuses. Pour faire bonne mesure, ils jouent aussi un arrangement pour clarinette de la deuxième sonate pour violon.
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La ''découverte'' de la clarinette et de ses sonorités automnales baigne la dernière période chambriste de Brahms. Après le Trio pour clarinette, piano et violoncelle op.114 et le Quintette pour clarinette et cordes op.115, il conçoit encore pour l'instrument dont Richard Mülhfeld lui avait révélé les multiples possibilités expressives, deux sonates. Qui mettront un point final à sa musique de chambre. Écrites dans la riante station thermale autrichienne de Bad Ischl à l'été 1894, cette paire d’œuvres de l'opus 120 se place dans la même veine méditative que ses ultimes cycles pianistiques. Bien que très construites, elles se signalent surtout par une inspiration essentiellement intimiste, très intériorisée, refusant la virtuosité démonstrative. Celle que dégageait le jeu de Mühlfeld, qui aux dires de Brahms possédait « quelque chose de féminin ». La Sonate op.120 N°1 en Fa mineur, en quatre mouvements, s'ouvre par un Allegro appassionato d'une passion plus contenue que tumultueuse, imprimant un lyrisme très intime. L'Andante est empli de mélancolie, de résignation presque, et offre une des pages les plus inspirées du dernier Brahms, dans un dialogue clarinette-piano d'un équilibre souverain, le clavier soutenant le chant de la clarinette dans le registre grave. Tel un intermezzo, l'Allegretto grazioso évoque quelque écho de danse viennoise et le Trio, plus sérieux, se situe là encore dans la zone grave de l'instrument à vent. Un Vivace enjoué d'une écriture très libre et de forme rhapsodique, conclut cette pièce admirable.
La Sonate op.120 N°2 en Mi bémol majeur manie tout autant sinon plus l'art de la concision. L'Allegro amabile est plus concentré que son alter ego de la sonate N°1, déployant une longue mélodie quasi vocale d'un seul jet et d'un lyrisme jaillissant chez les deux partenaires, car la partie de piano est aussi travaillée que celle de clarinette. Allegro appassionato, le scherzo est impérieux de son thème affirmé et le trio sostenuto est introduit par le piano dans le registre grave entraînant la clarinette dans pareille sombritude. Le finale, thème et variations, tricote un motif conséquent dans un schéma d'accélération progressive, exploitant toutes les possibilités expressives de la clarinette.
Michael Collins et Stephen Hough livrent des interprétations très contrastées et de grand format. On admire la ductilité de leur jeu et la vaste palette de nuances. Au moelleux du son de la clarinette, une Yahama en Si bémol aux graves opulents et aux aigus percutants mais non agressifs, répond le piano éloquent et toujours expressif, un Bechstein D d'une suprême clarté. La complicité entre les deux artistes est évidente, donnant le sentiment de parler d'une même voix. Ce qui se manifeste tout autant dans l'arrangement dû à Collins de la Sonate pour violon N°2 op.100 en La majeur. Composée en 1886, cette œuvre ensoleillée se prête parfaitement à l'exercice de transposition vers les chaudes harmonies de la clarinette. Son caractère lyrique et presque vocal, inspiré des Lieder du maître, apparaît dès l'Allegro amabile, et encore plus à l'Andante tranquillo, vrai-faux scherzo, alternant deux thèmes, l'un heureux et mélodieux, l'autre plus vif presque sautillant. Le mode fantasque de ce mouvement convient parfaitement à l'univers généreux de la clarinette. Il en va de même au finale empreint de bonheur tendre virant à une agitation typiquement romantique. On sait que soucieux des couleurs sonores de ses œuvres chambristes, Brahms avait prévu d'adapter ses sonates pour clarinette pour être jouées à l'alto. Amusant retour des choses ici, puisqu'à l'inverse, va-t-on du violon vers la clarinette !
L'enregistrement, dans l'acoustique flatteuse du Henry Wood Hall de Londres, possède relief et profondeur dans la définition des timbres des deux instruments, bien équilibrés dans leur face à face.
Texte de Jean-Pierre Robert
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Plus d’infos
- Johannes Brahms : Sonates pour clarinette et piano op.120 N°1 & N°2. Sonate N°2 pour violon et piano (arr. pour clarinette de Michael Collins)
- Michael Collins (clarinette), Stephen Hough (piano)
- 1 CD Bis records : Bis-2557 (Distribution : Outhere Music France)
- Durée du CD : 63 min 22 s
- Note technique : (5/5)
CD disponible sur Amazon
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